“Paroles d’Experts” de Faïçal Tadlaoui. Peut-on encore sauver le statut d’auto-entrepreneur?

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Autour de Faïçal Tadlaoui, Zakaria Fahim, Président de l'association "Union des auto-entrepreneurs"(à droite) et Mehdi Alaoui, Fondateur de La Factory.

Institué par la Loi de Finances 2014 pour lutter contre l’informel, le statut d’auto-entrepreneur devait réduire l’exclusion économique et le chômage des jeunes en stimulant l’entreprenariat. Dix ans après sa mise en place, il s’avéré être un véritable échec. Alors ce statut est-il moribond ou peut-on encore le sauver ? La réponse avec Zakaria Fahim, Président de l’association « Union des auto-entrepreneurs » et Mehdi Alaoui, Fondateur de La Factory.

Au départ, une volonté louable pour lutter contre le chômage des jeunes et résorber l’informel avec l’ambition d’attirer rapidement quatre millions de personnes. La recette ?  Offrir aux individus la possibilité de créer leur propre entreprise avec des formalités simplifiées et des charges fiscales allégées. La simplicité et les avantages fiscaux liés au statut séduisent.

Les conditions pour y adhérer sont simplifiées :
• Le chiffre d’affaires encaissé ne doit pas dépasser 500.000 DH pour les activités commerciales, industrielles et artisanales, et 200.000 DH pour les activités de services.
• Imposition : 0,5% du chiffre d’affaires encaissé pour la première catégorie d’activités et 1% pour les services.
• Enfin, concernant la sécurité sociale, l’autoentrepreneur était tenu d’adhérer à la CNSS. Résultat des courses,

Selon les données de la Direction Générale des Impôts, on dénombre aujourd’hui seulement 375.000 inscriptions recensées, très loin de l’objectif initial.

Comment alors expliquer ce flop ? Il est vrai que la pandémie de Covid-19 est passée par là et n’a fait qu’aggraver la situation, provoquant une chute des inscriptions de plus de 34% entre 2021 et 2022.

Mais le coup de grâce viendra avec la révision à la hausse de la taxation du régime fiscal par la Loi de Finances 2023. Cette  mesure plafonne à 80 000 dirhams le chiffre d’affaires avec le même client, et la taxation du surplus à hauteur de 30%, ce qui en a découragé plus d’un.

Punition collective

Pourquoi cette mesure brutale ? Une façon pour la DGI de s’attaquer à la tendance de certains dirigeants d’entreprise de profiter des avantages de ce régime fiscal allégé. Au lieu de proposer un CDI, ils imposent à leurs nouveaux “salariés” de s’inscrire au registre national d’auto- entrepreneur (RNA) pour alléger leurs charges sociales.

Conséquences : la mesure est perçue comme une sorte de punition collective, et beaucoup doivent choisir : créer une entreprise ou revenir à l’informel.

Mehdi Alaoui reconnait que les dernières modifications législatives et fiscales ont perturbé l’écosystème des auto-entrepreneurs inscrits et ont refroidi les entrepreneurs débutants. Zakaria Fahim, président de l’Union des Auto-Entrepreneurs, souligne de son côté d’autres frein comme le manque d’accès au marché, la complexité administrative et l’absence de financement.

Pour les deux experts, cette révision fiscale représente l’un des tournants les plus critiques pour le statut d’auto-entrepreneur au Maroc. Elle a imposé des restrictions rigides qui ont bridé les possibilités d’expansion et de diversification pour de nombreux autoentrepreneurs dynamiques, désireux de développer leur activité au-delà des limites imposées.

Retour à l’informel

D’après Zakaria Fahim, cette restriction a eu l’effet d’une barrière au lieu de canaliser les énergies vers plus de formalisation et d’innovation. Et ironie de l’histoire, la mesure censée  e combattre l’informel, se retrouve à en limiter le passage vers le formel.

Mehdi Alaoui, de son côté, insiste sur la nécessité d’une grande adaptabilité et d’une formation continue pour les auto-entrepreneurs. Il ajoute que le paysage entrepreneurial étant en constante évolution, notamment dans le secteur du digital, les entrepreneurs doivent être armés de connaissances et de compétences pour naviguer avec agilité dans un environnement fiscal fluctuant.

Alors, comment sauver ce statut qui peut aider de nombreux jeunes à s’en sortir et devenir autonomes . Changer la fiscalité, répondent unanimement nos invités. “Taxer les gens à 1 %, ce qui est ridiculement bas, à 30 ou 50 % trois ans après, n’a aucune logique”, rappelle Mehdi. Et de soulever le risque à terme de voir des personnes créer leur société à l’étranger pour échapper à l’impôt avec une résidence fiscale aux Emirats ou au Portugal. “Après la fuite des cerveaux, on va parler maintenant de fuite fiscale des cerveaux ?” s’interroge Faïçal Tadlaoui. L’urgence est là…

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