Recrudescence des cas de tuberculose au Maroc: trois questions au Dr. Nadia Chafli

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La recrudescence des cas de tuberculose inquiète au Maroc. En médaillon, Dr. Nadia Chafli. DR.

Elle fait de plus en plus de ravages au Maroc. A Casablanca-Settat, les autorités sanitaires tirent la sonnette d’alarme sur une recrudescence des cas de tuberculose recensés dans plusieurs centres hospitaliers. Une hausse qui serait liée à la consommation de produits laitiers souvent contaminés. Avis d’expert.

La Covid-19 n’est plus la seule à inquiéter les médecins marocains. C’est une maladie présente dans le monde entier. Elle se transmet de l’homme à l’animal et vice-versa. «Je vous informe que l’ensemble des centres hospitaliers de la ville enregistrent une hausse notable des cas de tuberculose, en particulier dans le centre de santé Al Khair», lit-on dans une correspondance datée du 9 juin 2022 et adressée par le délégué provincial du ministère de la Santé de Settat au Pacha de la ville de Settat.

Au Maroc, la tuberculose bovine est une maladie réputée contagieuse en vertu du Dahir portant loi n°1-75-292 du 19 septembre 1977. Elle est de ce fait une maladie à déclaration obligatoire et nécessite l’application des mesures de police sanitaire vétérinaire édictées par l’arrêté du ministre de l’Agriculture et de la pêche maritime n°837-13 du 08 mars 2013, d’après l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA).

H24Info, pour apporter un éclairage de plus, a interrogé Dr. Nadia Chafli, Pneumologue à l’hôpital Ben M’Sik de Casablanca et présidente de la Ligue marocaine contre la tuberculose, section Casablanca.

H24Info: Pourquoi cette montée des cas?

Dr. Nadia Chafli: Les cas n’ont pas augmenté. Ils ont depuis toujours existé au Maroc et pas seulement dans la région de Casablanca-Settat, mais on n’en parle malheureusement pas assez. Je pense que les gens font de plus en plus de tests et des diagnostics comparé à avant ce qui permet de constater davantage de cas. Autrefois, le principal mode de contamination chez l’homme était la consommation de lait cru provenant de vaches atteintes de la tuberculose de la mamelle. La pasteurisation du lait et les programmes de lutte menés pendant de longues années à l’échelle du pays ont toutefois permis de réduire drastiquement les cas de tuberculose chez l’homme.

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Seulement la consommation de lait et dérivés à l’origine inconnue vendus par les marchés ambulants et utilisés dans la plupart des «mahlabas» au Maroc pour réaliser des dérivés tels que le «lben» (petit lait) ou encore le «raïb» (yaourt marocain fait maison), permet la prolifération de cette maladie chez les citoyens marocains. Et rappelons que pour le moment, seuls le lait et les produits dérivés issus d’établissements agréés apportent les garanties sanitaires aux consommateurs, selon l’ONSSA.

Quels sont les symptômes chez l’animal et comment se fait la contamination ?

Un peu comme chez l’être humain, les tubercules se forment la plupart du temps dans chaque organe et dans chaque ganglion lymphatique par lesquels les agents infectieux se sont infiltrés. Chez l’animal adulte, ce sont en général les poumons qui sont le plus touchés car les agents tuberculeux sont inhalés. Les veaux sont souvent contaminés par voie intestinale en tétant le lait de leur mère qui peut déjà présenter des tubercules au niveau des mamelles (tuberculose ouverte de la mamelle).

L’évolution de la pathologie est généralement insidieuse et difficilement détectable chez l’animal vivant. Les lésions des organes sont variées, ce qui rend difficile l’interprétation des constats effectués lors du contrôle des viandes. L’infection quant à elle est principalement provoquée par la bactérie Mycobacterium bovis, occasionnellement dans certains pays, notamment certaines régions, par Mycobacterium caprae et, rarement, par Mycobacterium tuberculosis. C’est principalement cette dernière qui déclenche la tuberculose chez l’homme.

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Et le développement du colportage de lait frais augmente le risque lié à la tuberculose bovine. En ce sens, le lait frais directement consommé, sans aucun traitement thermique, est une menace pour la santé publique, car il peut être un vecteur de maladies transmissibles à l’homme. Cette dernière se positionne soit dans l’intestin ou au niveau des ganglions. La tuberculose bovine ne provoque en aucun cas la tuberculose pulmonaire chez l’être humain.

Comment lutter contre cette maladie ?

Ce qu’il ne faut surtout pas oublier, c’est qu’il s’agit avant tout d’une responsabilité partagée. Ce n’est pas seulement de la faute du ministère de la Santé. C’est aussi une responsabilité que doivent assumer à la fois le ministère de l’Agriculture ainsi que le bureau municipal d’hygiène (BMH).

La contrôler s’avère très difficile car, normalement, lorsqu’on apprend qu’une vache a été atteinte par la tuberculose, on doit l’abattre ainsi que tout le cheptel -forcément contaminé en entier par ladite maladie- et l’éleveur est automatiquement indemnisé. Au Maroc par contre, l’éleveur abat uniquement l’animal contaminé et vend sa viande aux consommateurs alors que l’article 33 de l’arrêté n°02-21 du 5 janvier 2021 fixe les indemnités pour chaque bovin abattu. Celles-ci représentent 80% de la perte subie, sans que le montant dépasse le niveau de la grille arrêtée.

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Il est bien vrai que l’onde de choc a été ressentie, dès les années 1960, avec le lancement de l’importation des bovins laitiers, puis l’intensification des achats à l’étranger de génisses laitières en 1975. La lutte contre cette maladie s’est opérée depuis des décennies, en se basant sur le dépistage des bovins laitiers. Mais les mesures de police sanitaire (dont notamment l’abattage des bovins réagissants) appliquées conformément à la réglementation en vigueur sont à mon sens insuffisantes. Il faudra sensibiliser de plus en plus de personnes et former surtout les commerçants des «mahlabas» et les autres sur les dangers du lait non pasteurisé car cela devient très dangereux.

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