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“Paroles d’Experts” de Faïçal Tadlaoui. Urgence climatique: le Maroc face au défi de la gestion de l’eau
Publié leLe Maroc est actuellement confronté à un stress hydrique intense et doit relever un défi majeur : assurer une gestion durable de ses ressources en eau. Cette problématique, qui nous concerne tous, revêt un caractère d’urgence, exacerbée par les effets du changement climatique. Invité de l’émission, Abderrahim Ksiri, expert reconnu et président de l’Association des Enseignants en Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT), analyse la situation et propose des pistes de solutions pragmatiques.
Cela fait maintenant six années consécutives que le Maroc est confronté à des conditions de stress hydrique et de sécheresse devenues structurelles. Les dernières pluies ont redonné un peu d’espoir, et permis aux barrages d’afficher des taux de remplissage à 30 %, mais insuffisant pour résorber l’important déficit hydrique de ces dernières années. Le Royaume reste encore vulnérable aux variations saisonnières et aux impacts du changement climatique.
Selon Abderrahim Ksiri, le changement climatique représente une menace réelle pour l’humanité, et non pour la planète elle-même, qui s’adaptera naturellement. « Les signaux d’alerte sont multiples : inondations meurtrières aux Émirats arabes unis (pendant la COP28), accélération de la fonte des glaces aux pôles, et augmentation record des températures océaniques », rappelle-t-il.
Face à cette crise mondiale qui impacte tout particulièrement les pays semi-arides, les stratégies de gestion de l’eau mises en place par le Maroc constituent un premier rempart, mais restent insuffisantes. Les barrages, avec une capacité actuelle de 18 milliards de m3 et un objectif de 24 milliards, demeurent un choix stratégique malgré leurs limites.
Optimisation des ressources
Reste la solution du dessalement de l’eau de mer qui offre des perspectives prometteuses. Le Maroc s’est donné pour objectif de créer une vingtaine de stations de dessalement d’ici 2030, pour une capacité totale de traitement de l’eau de mer atteignant 1,3 milliard de mètres cubes par an pour une capacité de 548 000 m3/jour.
Lancée en 2022, la station de dessalement de l’eau de mer de Chtouka près d’Agadir est la plus importante du pays, et parmi les projets déjà lancés, une méga station à Casablanca pour 2027, une autre à Rabat et huit dans l’Oriental.
« Cependant, ce procédé coûteux ne constitue qu’une solution partielle face aux immenses besoins en eau du pays, notamment pour l’agriculture irriguée qui représente 2 millions d’hectares, » explique Ksiri. La réutilisation des eaux usées, avec seulement 158 millions de m3 actuellement, offre de son côté une marge de progression significative à exploiter.
Politique de gestion de l’eau : une nécessité absolue
Au-delà de ces mesures d’approvisionnement, M. Ksiri insiste sur la nécessité d’une véritable politique de gestion de la demande en eau, impliquant tous les acteurs avec des objectifs clairs à adapter pour chaque territoire.
« Le prix de l’eau trop bas, notamment pour les agriculteurs, doit être revu à la hausse pour favoriser des économies, » souligne-t-il. Une approche décentralisée, consacrant 30% du financement aux petits projets locaux, et valorisant les savoirs traditionnels de gestion de l’eau, est préconisée.
Il devient urgent de rationaliser nos ressources eau à travers une agriculture raisonnée et un usage domestique responsable.
« Seule une stratégie globale et pragmatique, alliant nouvelles infrastructures, régulation de la consommation et changement des mentalités, permettra au Maroc de relever son défi hydrique structurel, » conclut notre expert.