“Paroles d’Experts” de Faïçal Tadlaoui. Coupe du monde 2030: quel impact sur le Maroc?

Le Maroc va abriter en 2030 quelques matchs du Mondial. Cet événement aura un impact considérable sur le développement du Royaume à tous les niveaux. Pour en débattre, Tahar Zerrari, directeur adjoint de Sogecapital Gestion, et Karim El Hnot, directeur-adjoint de la banque d’investissement à la Société Générale Maroc, qui ont publié une étude prospective en 2022 sur l’impact potentiel de cet événement sur le Maroc.

Le mercredi 4 octobre 2023, un communiqué du Palais royal annonçait que «le comité exécutif de la FIFA a unanimement choisi le dossier Maroc-Espagne-Portugal comme unique candidat pour accueillir la Coupe du Monde de football en 2030». Une bonne nouvelle pour les Marocains qui attendaient cette annonce depuis longtemps. Mais quel sera le coût et surtout l’impact de cet événement sur le développement du Maroc.

Nos deux experts qui avaient déjà planché sur le sujet en 2022 estiment que l’enveloppe financière à provisionner, devra être comprise entre 50 et 70 milliards de dirhams.

Derrière ces chiffres, « il y a une démarche scientifique qui a consisté en une étude de l’existant, une comparaison, une appréciation des dernières projections établies lorsque le Maroc avait soumissionné pour 2026 », explique Tahar Zerrari.

Cette somme colossale, mais raisonnable selon les experts au vu des ambitions du Maroc, se justifie notamment par le coût de construction et de mise à niveau des stades, centres d’entraînement, infrastructures hôtelières ou encore de transports.

Car le Royaume, qui abritera l’événement sans l’organiser formellement, ne percevra que peu des revenus directs comme la billetterie qui est, elle, captée par la FIFA. L’enjeu est donc de préparer un cadre idoine pour profiter des immenses retombées indirectes.

« Analyser une Coupe du Monde uniquement sous le prisme économique est un non-sens. Il y a l’image, le rayonnement, la diversification qu’un tel événement apporte », souligne ainsi Karim El Hnot, précisant que le pays hôte partagera seulement les revenus publicitaires télévisuels avec la FIFA.

Un secteur bancaire renforcé et un appel d’air économique

Portée par les grands travaux à venir, l’économie nationale devrait logiquement connaître un appel d’air bénéfique à plusieurs secteurs. Le financement des projets renflouera les liquidités bancaires tandis que la hausse de l’activité stimulera les crédits accordés.

« Le marché se trompe rarement, surtout quand il agit à l’unisson d’une manière unanime, souligne Tahar Zerrari. La hausse des valeurs BTP et hôtellerie en bourse démontre que cette mouvance est en ordre de marche ».

Le Royaume devra cependant éviter l’écueil tant redouté des « éléphants blancs », ces infrastructures pharaoniques vouées à la sous-exploitation une fois l’événement terminé. C’est l’un des défis majeurs identifiés par les experts.

« Il faut qu’on investisse d’une manière logique », insiste Karim El Hnot, citant l’exemple d’un grand stade brésilien transformé en simple parking après le Mondial 2014. Le projet de Casablanca, qui vise à ériger la plus grande enceinte du monde, devra s’inscrire dans une véritable « ville des sports » pour rester pérenne.

Une vision de développement à long terme 

Au-delà du coup de projecteur économique immédiat, estimé entre 0,7 et 1% du PIB selon le FMI pour le cas du Qatar, les deux experts voient dans cet événement un levier pour la réalisation de la vision de développement à long terme du Royaume.

« Cette ambition colle avec la vision marocaine sur les 30 ou 40 prochaines années de mise à niveau des infrastructures sportives, mais aussi de transport, d’hébergement ou industrielles », considère Tahar Zerrari.

Tout en relevant certains défis de planification et de dimensionnement à bien anticiper, l’émission « Paroles d’Experts » reflète l’ambition du Maroc d’accueillir dignement un événement mondial porteur d’une forte valeur ajoutée dans différents secteurs clés de son économie. Une formidable rampe de lancement vers le développement, à condition d’en maîtriser les risques et d’en exploiter intelligemment toutes les opportunités.