La visite du président français, Emmanuel Macron, au Maroc «n’est pas à l’ordre du jour…
Interview. Abdelhamid Harifi (forum FAR-Maroc): « Macron oublie que le Maroc a la carte du temps »
Publié leDans cet entretien avec H24info, l’analyste militaire et administrateur du forum FAR-Maroc, Abdelhamid Harifi, décortique les raisons de la léthargie qu’éprouvent depuis plus d’un an les relations diplomatiques entre le Maroc et la France.
H24info: Certains commentateurs imputent la dégradation des relations entre Rabat et Paris à plusieurs facteurs, dont celui de la question des visas et de l’alignement de la France sur l’Algérie dans le dossier du Sahara marocain. Qu’en pensez-vous ?
Abdelhamid Harifi: On a vu beaucoup de sorties médiatiques et de plateaux télé qui traitent des relations maroco-francaises et des raisons de ce froid qui va durer jusqu’à la fin du deuxième quinquennat de Macron, même s’il fait le pas de reconnaître officiellement la marocanité du Sahara.
Le sujet de l’alignement de la France sur la position algérienne sur le dossier du Sahara est faux. La France maintient sa position sur ce dossier au Conseil de sécurité des Nations unies, avec l’évolution du lexique favorable à la position marocaine depuis trois ans maintenant et qui met l’Algérie dans l’embarras. Ceci dit, le Maroc s’attend probablement à une position plus claire de la France malgré qu’il connaît la sensibilité de sa relation avec l Algérie.
Le sujet des Visas n’a jamais fait l’objet d’un reproche ou d’un mécontentement de la part des autorités marocaines. Au contraire, on a pris note. Même la visite de Colonna (ministre française des Affaires Etrangères, ndlr) au Maroc pour nous annoncer que les restrictions des Visas aux Marocains vont être supprimées a été accueillie avec froideur, étant donné qu’il s’agissait d’une affaire interne de la France. Le malheur des autorités françaises était de croire qu’elles étaient en train de nous faire chanter.
Qu’en est-il de l’affaire Pegasus et des résolutions défavorables au Maroc du Parlement européen ?
L’affaire Pegasus et le vote au Parlement Européen, sont deux affaires qui ont dérangé les autorités marocaines pour deux raisons. Primo, parce que ca se voyait que c’était une attaque contre le Maroc et non pas contre Israël, montrant le dérangement de l’Europe et de la France, en particulier vis-à-vis des accords d’Abraham.
Secundo, c’est que la justice française n’a pas donné suite favorable aux plaintes du gouvernement même après l’enquête du parlement européen qui a confirmé l’absence de preuves contre le Maroc et que, de facto, il était innocent.
Quels sont, selon vous, les réels germes de la discorde ?
Le début de la crise avec l’Elysée et la personne de Macron en particulier a commencé quand ce dernier s’est adressé à la presse lors de la crise COVID pour évoquer les difficultés que les Français qui se trouvaient au Maroc lors du confinement rencontrés pour retourner à l’Hexagone. Macron a parlé à la presse en disant qu’il va demander aux autorités marocaines de rapatrier immédiatement les Français, d’une manière qui a été perçue à Rabat comme un ordre, un comportement néo-colonialiste de la part de la France à l’égard d’un pays souverain.
Il y a eu également l’annonce faite il y a plus d’un an d’une visite prévue en septembre de Macron au Maroc, annonce faite sur les réseaux sociaux par le président français sans concertation avec le Palais et les autorités marocaines, histoire de faire, peut-être, pression sur Rabat. L objectif était clairement de montrer aux Français et à la clase politique française qu’il a réussi à maintenir un équilibre entre le Maroc et l’Algérie.
Il a par la suite multiplié les signes hostiles et de pressions sur le Royaume, en niant l’existence d’un froid dans les relations avec Rabat, en supprimant le Maroc des pays où l’industrie française peut s’implanter à l’étranger, en essayant de semer la zizanie en interne par la fuite de la vidéo de SM le Roi à Paris, ou l’attaque médiatique lors du deuil des Marocains, pour présenter le Roi comme oppresseur qui refuse l’aide la France et que, sans elle, les Marocains vont mourir.
Croyez-vous qu’une reconnaissance par le président Macron de la marocanité du Sahara mettrait fin à cette crise ?
Ce que l’on peut retenir, c’est que Macron a tellement atteint des niveaux d’hostilités à l’égard du Roi du Maroc et des Marocains, que même s’il fait un pas comme la reconnaissance de la marocanité du Sahara, chose qu’il ne fera jamais compte tenu de son orgueil, il sera et restera toujours persona non grata au Maroc. Par contre, cette vague de personnalités politiques françaises de droite qui multiplient les déclarations sur la marocanité du Sahara, est un signe qu’il y aura un changement de positions dans les prochaines élections.