Twitter, le terrain de jeu des Moorish, ces « patriotes » controversés!

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Sur Twitter, les « Moorish » ont plus que jamais la côte. C’est entendu et indéniable. Ils se présentent comme les défenseurs des constantes du royaume et se disent à l’affût du moindre geste avilissant envers les Marocains. 

Un peu plus de 10% des Marocains utilisent Twitter, un chiffre très en deça de celui de Facebook, qui s’accapare la part de lion avec 68% d’utilisateurs marocains d’après Sunergia. Or, aussi modeste soit-il, le pourcentage que représente Twitter contraste nettement avec le reflet du dynamisme et de la puissance de la twittosphère dite nationaliste ou conservatrice sur le terrain.

Celle-ci y impose son propre tempo. D’abord, en réagissant à chaud et avec réactivité chaque fois que les « piliers » du royaume sont touchés, et, ensuite, en faisant appel après à une intervention ou une réaction de l’Etat et de ses autorités.

Décriée et critiquée pour ses positions jugées parfois « extrêmes » ou « chauvinistes« , la communauté « moorish » ne faiblit pas pour autant. Elle continue sur sa lancée en élargissant son spectre d’intervention, s’intéressant tour à tour à l’actualité politique, économique, culturelle, et même sociale et sociétale, qu’elle commente en trois principales langues : l’arabe, le français et l’anglais.

« Un combat sain »

Pour en savoir davantage sur leur leitmotiv, H24Info a contacté les administrateurs de la page @MoorishMovement (MM), navire-amiral sur Twitter qui compte plus de 53.000 abonnés. « Le succès du mouvement s’explique par deux choses. Premièrement: défendre les intérêts nationaux et protéger notre identité face aux menaces est un combat sain et logique où chaque Marocain se retrouve indépendamment de sa classe sociale, origine ethnique ou régionale et persuasion politique », nous dit-il.

« Deuxième chose : nous n’avons aucune affiliation à un parti politique et ne tirons aucun avantage personnel de notre travail. Notre unique but est d’inspirer et éveiller les Marocains« , insiste-il.

En réponse à ceux qui les accusent de tirer les ficelles de la machine moorish depuis l’étranger, MoorishMovement fait remarquer que « certains, pour décrédibiliser le mouvement, l’associent à la diaspora qui serait déconnectée des réalités du MarocEn réalité, le mouvement est né au Maroc et la plupart des premières pages Moorish sont toutes arabophones« .

« Défendre les intérêts nationaux et protéger notre identité face aux menaces est un combat sain et logique »

« Ce sont les appropriations historiques et culturelles récurrentes que nous observions ainsi que le manque de connaissances historiques de certains Marocains qui nous ont conforté dans l’idée de transporter ce mouvement sur la sphère francophone. D’ailleurs une information que nous n’avons jamais déclaré : La composition de notre conseil d’administration est équilibrée, avec une participation égale entre locaux et MRE« , nous ont-ils confié.

« Banalisation du discours raciste« 

Le 12 juillet dernier, Marouane Harmach était à l’origine d’un thread au vitriol sur les moorishs qu’il a intitulé « Pourquoi je pense que la mouvance moorish est un danger pour le vivre-ensemble et la paix sociale« . Un « fil » qui n’était clairement pas au goût des partisans et des sympathisants du mouvement.

«Ma publication est motivée par le désir de susciter un débat sur certaines facettes potentiellement problématiques du mouvement moorish, notamment les dernières sorties de cette mouvance à caractère raciste et xénophobe à l’encontre des subsahariens et sur la composante »africaine » de notre identité et les origines « ethniques blanches » des Marocains», nous a-t-il déclaré.

«Cette banalisation du discours raciste m’a paru une dérive grave dans notre société ouverte et tolérante», ajoute-t-il.

Interrogé s’il a reçu des menaces directes à la suite de ce « thread », Marouane Harmach a répondu par l’affirmative. «Oui j’ai reçu des insultes et des intimidations amplifiées par le compte des moorishs, qui, au lieu de répondre factuellement à mes tweets, m’a accusé de non patriotisme et de rouler pour des puissances étrangères. Ce qui confirme mon opinion que c’est un mouvement totalitaire et non démocratique», estime-t-il.

«Et dernier point. Je ne suis pas responsable des likes des autres comptes qu’ils soient algériens ou autres», a-t-il précisé.

Ouverts au « dialogue constructif »

Réagissant à cette publication qui les accuse, entre autres, d’avoir « un agenda douteux« , MoorishMovement rétorque qu’il «tient à souligner l’importance que nous accordons à la diversité des opinions et à notre ouverture aux critiques basées sur des faits et des arguments solides».

Cependant, poursuivent-ils, «nos détracteurs se contentent d’utiliser des épithètes désobligeantes (Nazis, chemises brunes, racistes, sionistes, mouches à la solde du makhzen) sans véritablement engager un dialogue constructif».

«C’est regrettable, car nous sommes conscients que parmi eux se trouvent peut-être des Marocains avec lesquels nous aurions pu partager certaines idées même lorsque nous avons des opinions divergentes», déplorent-ils, dans le même sillage.

Tarik Talk, le tycoon marocain des « Spaces »

Connu sur Twitter pour ses « Spaces », ces salons de discussion réunissant des milliers de Marocains des quatre coins du monde, Tarik Talk est aussi reconnu pour sa fibre patriotique de bon aloi. Il était par exemple à l’origine d’un « Space » où il avait fait intervenir Rachid M’Barki au lendemain de son licenciement de BFMTV, écouté par plus de 5.700 twittos. Il était également derrière la pétition qui a annulé le concert du rappeur français Booba prévu en juin dernier à Casablanca.

Sur ce dernier fait, il nous déclare que comme des centaines de milliers de Marocains, «il était très satisfait parce qu’il y a surtout le sentiment d’avoir été entendu et respecté, en ce sens que les autorités marocaines ont préféré défendre l’honneur des Marocains et des Marocaines plutôt que de céder à la pression des organisateurs, pour qui il y a un aveuglement juste pour les intérêts financiers et mercantiles».

«On voit que nos autorités ont une certaine éthique et une fois qu’on a ramené les preuves et exposé tous les dérapages verbaux de Booba, il devenait difficile que ce concert soit toujours maintenu« , fait-il savoir, notant qu' »on était très content et très soulagé d’avoir été soutenus par nos autorités».

Nous les Marocains, souligne-t-il, «nous n’avons pas mené ces combats contre Kaaris ou Booba parce qu’on aime pas l’art. Au contraire, le Marocain aime l’art, aime la musique, aime danser et chanter et toutes les formes d’art. Pour preuve les centaines d’événements culturels et musicaux qu’il y a sur le territoire marocain. Mais le Marocain aime aussi le respect et un art responsable».

Encore une fois, l’art et les artistes sont une composante importante du Maroc car toute société civilisée a besoin d’un art fort et d’artistes nombreux, ajoute « Tarik Talk ». Il insiste du reste que «cet appel à l’annulation n’est pas un appel contre l’art. C’est un appel contre les gens dénigrants envers le Maroc et les Marocaines et surtout contre les propos blasphématoires de cet individu».

A la question de la raison d’être principale de son compte, Tarik Talk répond que «c’était pour se retrouver entre Marocains du monde et de pouvoir discuter sur plein de sujets que ce soit le sport, la géopolitique, l’art, des sujets de tout horizon». De fil en aiguille, dit-il, «il y a eu la fonctionnalité des Space qui réunit beaucoup de personnes. Et moi, je suis connu pour faire des live où j’invite beaucoup de personnalités marocaines qui font rayonner le Maroc à travers le monde».

«Tarik Talk, c’est une émission qui invite les Marocains du monde dans plusieurs secteurs d’activité dans plusieurs domaines. Avec une audience de plus en plus croissante, quand il y avait des polémiques ou des sujets brûlants, souvent on demandait de relayer la voie du mécontentement ou de donner de la visibilité à certains sujets», détaille-t-il.

Un réseau « majeur » pour les MRE

S’attardant sur le poids actuel de Twitter, Tarik Talk précise que ses « Space » lui « ont donné beaucoup de visibilité parce que l’avantage et la puissance de Twitter est qu’il peut toucher tous les Marocains aux quatre coins du monde». De surcroît, «les Marocains sont aujourd’hui de plus en plus connectés aux réseaux sociaux. Twitter n’est pas le réseau social le plus influent pour les Marocains du Maroc mais pour les Marocains de l’étranger, Twitter est un réseau majeur et principal».

S’agissant de savoir si l’Etat doit s’investir davantage dans l’effort de réactivité sur Twitter ? Tarik Talk répond qu’il « l’espère bien ». «Puis, j’ai l’impression qu’on est quand même écoutés, pour preuve les derniers combats qui ont été menés sur les réseaux sociaux. A chaque fois qu’il y a des sujets brûlants, on a l’impression d’être entendus et écoutés par nos autorités et c’est ce qui nous donne envie de continuer», a-t-il relevé.

« Nous pensons que les autorités marocaines prennent le pouls de la diaspora sur les réseaux sociaux« 

«Cela veut dire aussi qu’on fait pas ces choses-là inutilement. Bien sûr qu’il faut que la cause soit juste et justifiée, mais nous pensons que les autorités marocaines prennent le pouls de la diaspora sur les réseaux sociaux», fait-il valoir.

Tarik Talk conclut que « c’est très bien que l’Etat s’intéresse à ce qui se passe, parce que cela permet d’avoir une connexion directe entre les ressortissants du Maroc et de l’étranger et les autorités. C’est comme un échange direct, même si c’est un échange informel mais en tous les cas, ils savent ce qui s’y passe et c’est une bonne chose. Et j’encourage l’Etat à être vigilant à ce qui s’y passe pour écouter les différentes doléances et les différentes requêtes de sa population».

« Défendre sans propagande »

De l’avis du sociologue Bouchaib Majdoul, l’élargissement de ce mouvement de la Twittoma profite de cette montée en puissance de l’usage des plateformes virtuelles dans les domaines économiques, politiques et autres. «Et je trouve important ce qui se fait à ce niveau là. Ces groupes sont à l’origine de plusieurs initiatives à caractère caritatif venant en aide à des populations en situation de besoin (Ecole pour les enfants par exemple)», avance-t-il.

«Nous ne pouvons que saluer chaleureusement les actions de ces groupes qui se font dans l’anonymat investissant de leur temps et de leur argent aussi», se félicite-t-il dans le même contexte.

«Les Moorishs, quant à eux, sont dans une autre logique qui conjugue à la fois un travail de nationalisme historique qui se veut une manière de faire revivre les moments glorieux du pays (L’aspect impérial, les guerres réussies…) et un travail de défense contre les menaces réelles ou imaginaires du patrimoine culturel (Exemple Moorish Times: l’histoire du Haik marocain, l’histoire de l’équipe nationale du foot…)», précise ce professeur de sociologie/anthropologie à l’Université Ibn Zohr d’Agadir.

Majdoul pense dans ce sens que «la popularité de ces groupes trouve ses bouffées d’air et se nourrit de ce conflit (latent et manifeste) avec nos voisins Algériens».

« Le souci est de perdre l’objectivité nécessaire pour la crédibilité en exagérant dans le récit des exploits…Défendre les intérêts sans tomber dans la propagande »

Il dit également ne «trouver aucun mal à ce que l’Etat et les institutions prêtent attention à ces groupes pour un intérêt général. Sauf que le souci est de perdre l’objectivité nécessaire pour la crédibilité en exagérant dans le récit des exploits…Défendre les intérêts sans tomber dans la propagande».

Une plateforme « très élitiste »

Pour l’anthropologue Khalid Mouna, que nous avons joint pour comprendre la particularité de la présence marocaine sur Twitter, ce dernier «reste un réseau social très élitiste utilisé par les institutions et par des catégories sociales socioprofessionnelles limitées, parce que les Marocains sont plus sur d’autres réseaux, mais on perçoit une activité importante».

«J’ai remarqué que la plupart des tweets sont en lien avec des questions nationales. On peut faire une association avec certaines réalisations comme le succès du Maroc à la coupe du monde et continuer par la suite sur des questions comme le Sahara marocain, ainsi que certaines réalisations industrielles», a-t-il noté. Il nuance que cela «demeure quand même un phénomène qui touche un public limité, mais une catégorie sociale extrêmement active sur Twitter».

Le chercheur associé au Centre Jacques Berque-CNRS explique, dans la même veine, que «le gouvernement marocain est attentif » à ce qui se passe sur Twitter. «Cet intérêt de la part des institutions officielles vient du fait qu’il est un réseau social extrêmement suivi dans le monde et considéré comme sérieux».

«Certains dirigeants et institutions sont présents comme la Direction générale de la sûreté nationale que les Marocains suivent de manière active« , souligne Khalid Mouna, qui pense que «l’intérêt par rapport à Twitter vient aussi du fait de sa reprise par Elon Musk et tout le débat que cela a provoqué par la suite».

«Les Marocains se sont rendus compte de l’importance de cette plate-forme et sa puissance à l’échelle mondiale. Ce qui justifie à mon sens cet intérêt qui augmente de plus en plus au sein de public au Maroc», argumente-t-il.

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