Le Maroc se dirige-t-il vers une dépénalisation de l’alcool pour ses concitoyens?

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L’actuel ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi (PAM), se veut favorable à la dépénalisation de la consommation d’alcool par les Marocains. Une initiative qui s’inscrit dans la révision de « certaines dispositions liberticides » envisagée par le responsable gouvernemental. 

Dépénalisation de la consommation du cannabis, des relations sexuelles hors-mariage et maintenant de la consommation d’alcool pour les Marocains… Le sujet est mis sur la table par le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi lors d’un débat organisé le 31 mai dernier dans la ville de Salé. Le responsable gouvernemental à la tête du Parti authenticité et modernité (PAM), a déclaré: «Il y a des sanctions aberrantes dans le code pénal. On dit aux gens: n’achetez pas d’alcool mais payez quand même la taxe. Va-t-on considérer un jour le Marocain comme un individu responsable et libre de mener sa vie privée comme il l’entend?», rapporte Middle East Eye dans un article paru en octobre dernier.

Depuis sa nomination en 2021, le ministre a retiré du Parlement le nouveau projet de code pénal, jugé «liberticide» et accusé de «porter atteinte aux libertés individuelles», qui avait été proposé par Mustapha Ramid, ancien ministre de la Justice du PJD, poursuit le média. Son successeur souhaite en effet « proposer une réforme intégrale et revoir certaines dispositions liberticides, y compris la dépénalisation de la consommation d’alcool par les Marocains ».

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Pour un ancien haut cadre du ministère du Tourisme contacté par Middle East Eye, il s’agit d’une loi «totalement en décalage avec la réalité». Elaboré en 1967, ce texte n’empêche pas l’Etat marocain de récolter des sommes considérables en termes de redevances sur l’alcool, presque 170 millions d’euros en 2021 (alors que le ministère des Finances misait sur 134 millions). Il n’empêche pas non plus d’enregistrer plus de 100 millions de litres de boissons alcoolisées consommés annuellement dans un pays de 36 millions d’habitants.

La loi pourtant «interdit à tout exploitant d’un établissement soumis à licence de vendre ou d’offrir gratuitement des boissons alcooliques ou alcoolisées à des Marocains musulmans», sous peine d’être condamné jusqu’à six mois de prison et jusqu’à 140 euros d’amende.

La dépénalisation de la vente et de la consommation d’alcool est un thème récurrent du PAM, souligne le MEE. Lors de la campagne législative de 2016, le parti du tracteur avait déjà promis de « réformer les lois pour abroger les dispositions sanctionnant la consommation des boissons alcoolisées et les relations sexuelles hors mariage ».

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«Qu’on nous comprenne bien. Nous sommes favorables à une révision du code pénal dans le sens de la progression des libertés individuelles. Le PAM n’incite personne à la débauche», argumentait alors Ilyas El Omari, à la tête du parti à l’époque.

«Il n’y a rien d’extraordinaire à vouloir dépénaliser la consommation d’alcool. L’alcool est en vente partout: dans les supermarchés, les débits de boissons, les hôtels… Et, dans les faits, tout le monde sait que les Marocains boivent. Il faut mettre fin à cette hypocrisie le plus tôt possible», témoigne à son tour auprès de MEE un responsable de la formation politique sous couvert d’anonymat.

En 2010, « Ahmed Raissouni, célèbre dirigeant du Mouvement unicité et réforme (MUR, matrice idéologique du PJD) avait émis une fatwa appelant les Marocains à boycotter tous les supermarchés commercialisant des boissons alcoolisées ».

En réaction, l’association Bayt al-Hikma, présidée alors par Khadija Rouissi, autre grande figure du PAM aujourd’hui ambassadrice du royaume au Danemark et en Lituanie, avait publié un communiqué estimant que cette loi est en « contradiction avec la Constitution qui garantit la liberté et le droit individuels et collectifs, et le droit à la différence, ce qui conduira à l’abrogation de ces lois pour assurer la conformité du droit marocain avec le texte de la Constitution, comme le Maroc s’est engagé à le réaliser auprès des organisations internationales.»

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« Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane »

La Constitution rappelle néanmoins dans son article 3 que « l’Islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous Ie libre exercice des cuItes » et dans son article 175 qu' »aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane (…) », notamment. Le roi Mohammed VI, Commandeur des Croyants, a également souligné dans son discours à la Nation à l’occasion de la Fête du Trône le 30 juillet dernier qu’il « ne pouvait autorisé ce que Dieu a prohibé ».

« En qualité d’Amir Al-Mouminine, et comme je l’ai affirmé en 2003 dans le discours de présentation du Code devant le parlement, je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé, en particulier sur les points encadrés par des textes coraniques formels », a-t-il dit.

Et d’ajouter: « A cet égard, Nous nous attachons à ce que cet élan réformateur soit mené en parfaite concordance avec les desseins ultimes de la Loi islamique (Charia) et les spécificités de la société marocaine. Nous veillons aussi à ce qu’il soit empreint de modération, d’ouverture d’esprit dans l’interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue, et qu’il puisse compter sur le concours de l’ensemble des institutions et des acteurs concernés. »

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