La chronique d’Abou Hafs. «Interdire les prières de l’Aïd: une décision sage et courageuse»

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Le ministère des Habous et des Affaires islamiques a décidé, compte-tenu des circonstances des mesures de précaution contre la pandémie du Covid-19, de ne pas organiser les prières de l’Aïd al-Adha. Raison invoquée: l’afflux qui a habituellement lieu à cette occasion, et la difficulté de faire respecter les règles de distanciation.

Le ministère a précisé dans un communiqué que « puisque les mosquées sont ouvertes, Dieu merci, pour les cinq prières quotidiennes et les prières du vendredi, cette procédure concernant les prières de l’Aïd est liée à une Sunnah qui autorise la pratique de cette prière à la maison ».

Il a également souligné: «On espère que cette procédure permettra la préservation de la santé des corps, ce qui est inspiré de la charia, en espérant que viendront les prochaines fêtes où la joie de sortir reviendra à la prière de l’Aïd, et nous serons sauvés de l’épidémie.»

Dans le même contexte, le communiqué mentionnait la parole du Tout-Puissant: «Et Il ne vous a imposé aucune difficulté dans la religion», et Il est le Tout-Puissant qui dit: «Dieu veut pour vous la facilité et ne veut pas de difficultés pour vous», et dans le hadith honorable: «Dieu aime que ses exceptions soient respectées tout comme il aime que ses commandements soient obéis.»

Voilà une communication sobre, formulée dans un langage précis, qui combine la justification légitime et la logique rationnelle, ce qui confirme à mon avis le rôle important joué par le Conseil scientifique suprême depuis le début de la pandémie. Ce dernier a été strict et permis de résoudre plusieurs problèmes liés à la pandémie, tels que la décision de fermer les mosquées (sachant l’extrême sensibilité entourant ce sujet et l’absence d’un précédent historique), mais aussi l’interdiction des prières de Tarawih avec toutes leurs connotations spirituelles et les rituels enracinés dans les habitudes des Marocains. On peut citer aussi la fatwa qui autorise à ne pas laver les morts frappés par l’épidémie, ou encore l’appel à pratiquer les prières de l’Aïd dans les foyers. Il a tranché, même dans le conflit des «maqasidiyin» sur la préservation de la religion et de l’âme, en considérant que toutes ses positions visent la préservation de l’âme, de la vie et des corps qui priment sur tout, y compris les rituels et les symboles de la religion.

 

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Les autorités concernées par les affaires religieuses pendant la crise n’opéraient pas seules, mais toutes leurs décisions étaient en harmonie avec les instructions émises par le reste des autorités, comme le ministère de l’Intérieur et de la Santé, qui les soutenaient, avec des arguments religieux motivant l’engagement.

Cette efficacité de l’institution religieuse officielle a eu un rôle important dans le renforcement du rôle de l’État pendant la crise, ce qui n’était pas le cas lors des épidémies précédentes. Par le passé, l’institution de l’État n’était pas assez forte pour faire face aux répercussions, et ce sont surtout les «Zawaya» qui ont rempli ce rôle, en fournissant de la nourriture et des médicaments et en gérant la délicate question des morts, ce qui leur a conféré un pouvoir et une autorité sociétales. Si certaines associations tentent aujourd’hui de jouer ce rôle, elles n’ont pas pu pénétrer la société à cause du pouvoir de l’État et de ses initiatives proactives, mais surtout en raison de la bonne gestion de tous les dossiers liés à l’épidémie et à ses répercussions par les autorités concernées.

A voir ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie avec l’effondrement du système de santé et des centaines de morts quotidiennement est édifiant et triste pour nos voisins. Chez nous, les campagnes de vaccination, dont tout le monde salue la bonne organisation et la bonne gestion, nous fait lever notre chapeau en toute objectivité sur la manière dont ce défi national est relevé.

Pour en revenir à l’histoire des épidémies au Maroc, qui ont été nombreuses, arrêtons-nous sur les lourdes pertes causées par la négligence dans leur traitement.

Celle qui frappa le Maroc en 1799, connue sous le nom de Grande Peste, fut la plus meurtrière, raconte Abd al-Salam bin Suleiman Fashtali. Dans son livre «Ibtissam», on découvre que le nombre de morts dans la seule ville de Fès a atteint 2.500 personnes par jour, faisant perdre à la ville 65.000 de ses habitants, tandis que Marrakech a perdu 50.000 âmes, ou d’autres villes des milliers.

L’auteur parle également de la façon dont les corps se sont entassés sur les routes et les ruelles des villes jusqu’à ce qu’ils soient mangés par les chiens, et comment les gens se sont précipités pour acheter des linceuls en prévision de la mort inévitable. Lors de cette épidémie, le Maroc a perdu plus du quart de sa population.

La plupart de ces pertes étaient dues à des raisons religieuses, à la croyance que l’épidémie était un destin et une fatalité, que certaines mesures étaient considérées comme des hérésies, ne croyant pas à leur utilité ni  à l’infection, puis à choisir la religion avant l’humain, ce qui contredit les objectifs de la charia et la logique et la raison.

 

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La prière de l’Aïd n’est pas obligatoire, et même si elle l’est, la préservation de la santé et du corps des personnes prime sur le culte et tous les rituels religieux, car l’origine est l’homme, et la religion n’est qu’un moyen.

Je suis surpris par la protestation de certains contre l’ouverture des cafés, des piscines et des marchés, et la prévention des prières de l’Aïd, car ils ne réalisent pas cette différence entre la religion et l’homme.

Le café, le marché et la piscine sont des espaces d’échange, de vente et de consommation, sur lesquels reposent les moyens de subsistance et la continuité de la vie, tandis que le culte peut être accompli n’importe où, et même si son exécution est perturbée, la vie des gens ne s’arrête pas quel que soit son rôle spirituel.

Dans le futur, les gens parleront un jour des décisions prises dans l’histoire de l’épidémie du «Corona», et à ce moment-là, nous nous souviendrons comment toute la société a affronté l’épidémie, grâce notamment à la connaissance, et comment nous avons tous, Etat et peuple, contribué à surmonter ces moments difficiles, avec toutes les précautions et mesures requises pour lutter contre l’épidémie, ou – Dieu nous en préserve – nos petits-enfants liront comment la pandémie nous a vaincus à cause de croyances corrompues et des idées arriérées.

Heureusement, aujourd’hui tous les indicateurs sont réconfortants et on se dirige vers la première hypothèse, qui peut aussi signifier la mort de toutes ces idées corrompues.

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