Un ramadan « au goût de sang » dans la bande de Gaza ravagée par la guerre

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Un ramadan "au goût de sang" dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
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Des fidèles palestiniens prient au milieu des gravats. Des mères essayent de trouver un peu de nourriture pour leurs enfants. « Je préférerais que les avions me bombardent plutôt que de continuer à vivre comme ça », lance, désespéré, Zaki Hussein Abou Mansour, un déplacé à Rafah.

Le début du ramadan, mois de jeûne musulman qui a commencé lundi dans la majeure partie du monde musulman, a le « goût de sang et (de) la puanteur, partout », résume tristement Awni al-Kayyal, lui aussi réfugié dans cette ville de l’extrême sud du territoire palestinien dévasté par la guerre.

Ce quinquagénaire s’est réveillé en pleurant lundi. Puis, il a entendu « les explosions, vu les ambulances qui transportent les morts et les blessés », spectacle quotidien depuis le début de la guerre il y a plus de cinq mois.

Au même moment, quelques dizaines de fidèles priaient dans la mosquée al-Hadi, à moitié détruite. A l’extérieur, d’autres se prosternaient sur le trottoir, au milieu de flaques d’eau. Spectacle de désolation commun dans la bande de Gaza, où, selon les autorités du Hamas, quelque 500 mosquées ont été touchées par les bombardements, dont 220 totalement détruites.

Malgré des semaines de négociations, les pays médiateurs ne sont pas parvenus à arracher une trêve avant le ramadan, Israël et le mouvement islamiste palestinien se rejetant mutuellement la responsabilité de cet échec.

La guerre dans la bande de Gaza a été déclenchée par l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre, qui a fait 1.160 morts, essentiellement civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles.

L’opération militaire lancée en représailles par Israël a fait plus de 31.000 morts, majoritairement civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, et provoqué une crise humanitaire majeure dans le territoire palestinien, où les prix des denrées encore disponibles ont explosé et où l’aide entre au compte-goutte.

Afnan al-Shaer, une jeune femme de 17 ans déplacée à Rafah par les combats, se souvient des mois de ramadan à la maison, avec les proches et les voisins, « mangeant et riant ensemble ». « Maintenant, nous sommes assis dans des tentes que nous avons construites de nos propres mains. Il n’y a pas de joie, il n’y a pas de nourriture, pas d’eau, rien, nous sommes ici dans le froid », dit-elle.

Certains essayent malgré tout d’arracher quelques instants de gaieté, comme dans ce camp de réfugiés de Rafah où des déplacés ont célébré dimanche soir le début du ramadan, brandissant des « fanous », les lanternes colorées typiques de cette fête, et chantant et tapant dans leurs mains ou sur des casseroles.

Dans les rues de la ville, des enfants s’amusaient avec des bâtonnets scintillants.

Mais la réalité rattrape vite les déplacés de Rafah, où sont massées, selon l’ONU, près d’un million et demi de personnes.

« Aujourd’hui, c’est le premier jour de ramadan et même pour le sohour », le premier repas avant l’aube et le début du jeûne, « nous n’avons pu trouver que quelques conserves », se lamente Mayssa al-Balbisi, 39 ans.

« Nous n’avons pas d’eau, nous ne pouvons pas nous laver », ajoute cette mère de deux enfants en montrant ses mains « fatiguées » et noires de crasse.

« Ce n’est pas la vie que nous étions censés vivre », s’écrie Zaki Hussein Abou Mansour, un sexagénaire originaire de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, déplacé plusieurs fois par les combats. « On n’en peut plus de chercher de la nourriture et de vivre cette vie, c’est insupportable », ajoute l’homme qui dit avoir perdu plus de 20 kg depuis le début de la guerre.

A Jérusalem-est, ramadan aussi a un goût amer. Dans le quartier musulman, les visages se ferment lorsqu’on évoque ce mois de jeûne si particulier. « Ça ne sert à rien de parler, tout le monde voit bien ce qu’il se passe mais rien ne change, il n’y a pas de justice, pas de justice », s’emporte un commerçant qui refuse de donner son nom.

Le ramadan fait craindre l’explosion de tensions sur l’esplanade des mosquées (ou mont du Temple pour les juifs), troisième lieu saint de l’islam et le lieu le plus sacré du judaïsme.

Vendredi, jour de la grande prière, sera une journée test, les fidèles ayant l’habitude de se rendre par milliers pour prier à la mosquée al-Aqsa, près de laquelle ont eu lieu quelques tensions dimanche soir entre forces de l’ordre israéliennes et fidèles musulmans.

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