Un «Conseil de Guerre» à Alger pour étudier les scénarios d’affrontement direct avec le Maroc

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Alger tient un conseil de guerre pour examiner les scénarios d’affrontement avec le Maroc
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Pour la première fois depuis plus de trente ans, l’Algérie a tenu un Conseil de guerre, le lundi 30 janvier, en présence du Chef de l’État-Major de l’Armée nationale populaire (ANP) Saïd Chengriha et du président Abdelmadjid Tebboune, rapporte des sources médiatiques algériennes.

Annoncé dans un bref communiqué de la présidence de la République algérienne, publié lundi, comme «une réunion du Haut conseil de sécurité», ce conseil serait plutôt un Conseil de guerre, selon le journaliste algérien Abdou Essamar. Car, explique-t-il, dans une vidéo sur sa chaîne YouTube ce mardi, excepté le secrétaire général du président Tebboune, aucune personnalité civile n’a pris part à cette réunion.

Le journaliste exilé en France a avancé pour preuve l’absence du Premier ministre, Aïmen Benabderrahmane, du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, ainsi que celle des ministres de l’Intérieur et de la Justice, qui ont l’habitude de prendre part, de par la loi, au Haut conseil de sécurité.

«Ce n’était pas un Conseil de sécurité, c’était un Conseil de guerre», a affirmé d’emblée le journaliste, soulignant que «c’est la première fois depuis plus de trente qu’une réunion se tient en présence du président de la République avec l’ensemble des dirigeants de l’ANP».

Inédit: un conseil militaire public

Pointant l’absence des civils lors de cette réunion, Semmar a énuméré l’ensemble des responsables présents y compris le général M’henna Djebbar de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) (contre-espionnage algérien).

«Depuis l’arrivée de Abdelmadjid Tebboune, les réunions du Haut Conseil de sécurité sont devenues ordinaires, notamment, depuis l’année 2021 quand l’armée est devenue associée directement à la gestion de certaines affaires sensibles de l’État comme la question de la lutte contre le terrorisme, la subversion et la répression du Hirak –car le pouvoir algérien voulait reprendre le contrôle–», a-t-il rappelé. Pareillement, en 2022, «les réunions se sont poursuivies (…) avec la présence du Premier ministre et des ministres de l’Intérieur de la Justice et des Affaires étrangères », a-t-il soutenu dans le dessein de mettre en évidence la particularité de cette réunion marquée par l’absence de personnalités civiles.

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L’autre particularité de ce «Conseil de guerre» relevée dans la même veine, c’est qu’il a été tenu de façon «publique et ostentatoire».

«Certes, Tebboune en tant que ministre de la Défense et chef suprême des Forces armées a le droit de rencontrer les militaires, mais pourquoi le rendre public?», s’est interrogé le rédacteur en chef du site d’information Algérie Part.

Cette interrogation rhétorique du journaliste n’a d’autres raisons que de mettre en avant qu’il y avait un message politique derrière la médiatisation de cette réunion.

Un message à l’adresse du Maroc

«Effrayer l’opinion publique algérienne, dire aux Algériens que la situation est assez exceptionnelle, qu’il n’y a pas de libertés publiques, qu’il n’y a pas de contestation, que le peuple doit être discipliné et rigoureux et doit se soucier uniquement de la situation sécuritaire», n’était pas les seuls objectifs de «la diffusion de ces images du président entouré de militaires», a-t-il ajouté.

L’objectif premier est d’adresser un message au Maroc, qui a renforcé, croit-il savoir, depuis le 17 janvier 2023, son alliance militaire avec Israël.

«Ce Conseil de sécurité a été tenu par Abdelmadjid Tebboune pour la simple raison qu’il y a eu des rapports sécuritaires rédigés par les services de l’armée algérienne indiquant un déploiement des forces militaires israéliennes au Maroc», avance avec beaucoup de précautions le journaliste en tenant à souligner qu’il n’est pas en mesure de confirmer ou d’infirmer de telles allégations.

2023, année de tous les dangers

Prévoyant que l’année 2023 sera très dangereuse sur le plan des relations algéro-marocaines, Semmar a noté que ces rapports sécuritaires algériens «parlent d’un déploiement des drones israéliens sur la frontière» et surtout perçoivent d’un mauvais œil «l’accentuation des opérations militaires marocaines à l’extérieur du mur de sable».

Les militaires algériens seraient, selon la même source, convaincus que la «menace marocaine» se rapproche de leur territoire. A fortiori, «avec le déploiement de satellites –qui ne date pas d’hier pour autant– de matériels d’espionnage, de matériel militaire israélien, voire même de forces israéliennes!».

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N’étant, semble-t-il, pas convaincu de la présence prétendue de forces israéliennes du côté marocain, Semmar dit: «en tout cas, les responsables militaires algériens en sont convaincus et disent avoir des preuves de la présence de forces militaires et paramilitaires israéliennes au niveau des frontières algériennes».

«En tout cas, la tension est très vive» et «visiblement l’Algérie se sent très exposée», a-t-il déduit.

Si ce «Conseil de guerre» a été tenu de façon publique et ostentatoire, la raison serait, de son point de vue, l’envoi d’un message au Maroc.

À la recherche d’un «casus belli légal»

«Les dirigeants algériens disent à leurs homologues marocains: si vous avez ramené les Israéliens à nos frontières, vous faites des opérations militaires à l’extérieur du mur de sable et vous vous rapprochez encore plus du territoire algérien… nous sommes prêts», prétend la même source. Dit autrement, «au niveau de l’armée algérienne, on étudie les scénarios d’affrontement avec l’armée marocaine, etc.»

Pendant que le régime algérien essaye de se mettre dans la posture d’un pays «qui ne fait que se défendre et qui n’a pas l’intention d’agresser, les Marocains ne communiquent pas», s’étonne le journaliste.

Considérant que «le Maroc gère la situation de manière assez particulière» puisqu’il n’y a pas d’images des affrontements prétendus par les milices du polisario et qu’aucune information ne circule sur les réunions de l’armée marocaine, le journaliste trouve assez étonnant le fait qu’«on a toujours considéré ce conflit comme un conflit minime» du côté marocain.

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En tout cas, «l’Algérie veut envoyer un message selon lequel elle a toujours cette posture du pays qui veut uniquement se défendre et qui n’est pas prêt à agresser», a-t-il réitéré en espérant que les choses vont s’arranger entre les deux pays.

Dans ce sillage du maintien de cette image de pays qui se contente de se défendre, l’Algérie n’a de cesse essayé de placer le Maroc dans la posture d’un pays «agresseur», mais aussi de rechercher une preuve juridique, d’un casus belli légal, justifiant un éventuel affrontement.

Les services de renseignement algériens multiplient les manœuvres dans ce sens. Le 1er novembre 2021, ils avaient prétendu que «le Maroc avait tué trois camionneurs algériens qui effectuaient la liaison entre la Mauritanie et l’Algérie par un bombardement de drones». Choses que le Maroc a démenties preuves à l’appui (images satellites, etc.) dans un rapport envoyé à la Minurso et envoyé aussi au Conseil de sécurité de l’ONU.

Cette fois, le présent « Conseil de guerre » intervient trois jours après la diffusion, samedi 28 janvier, d’une d’une fake-news par des sites proches des services algériens notamment Mena Défense faisant état d’un prétendu «bombardement marocain» qui aurait tué des camionneurs algériens.

Ce site a depuis supprimé l’article et son rédacteur en chef, Akram Kharief, s’est contenté de démentir l’information sur Twitter en disant qu’il n’y a pas de traces de l’attaque.

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