Photos. Cinéma: à la découverte des salles obscures oubliées du Maroc

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Le cinéma Lutétia, à Casablanca. Crédits: François Beaurain.

Dans « Cinémas du Maroc », le photographe et auteur François Beaurain retrace l’histoire peu connue, voire méconnue, d’une soixantaine de salles marocaines plus étonnantes les unes que les autres, photographies à l’appui.

« C’est un one-man-show », s’amuse à dire l’auteur-photographe, rencontré le 15 décembre à Casablanca, lors d’une exposition inédite de quelques-uns de ses clichés, mettant en lumière les salles obscures les plus méconnues du royaume. Après les avoir sillonnées pendant près de trois ans, François Beaurain en a fait un beau-livre très documenté. A travers 392 pages, ce Bordelais installé aujourd’hui à Rabat raconte avec beaucoup d’affection ce patrimoine presque oublié.

Une « idée née par hasard », se souvient-il. C’est à Meknès, en mars 2018, qu’il « fait la rencontre » du Caméra de Meknès. « C’est vraiment cette salle qui a tout déclenché. C’était une rencontre fortuite et puis un coup de foudre. Elle est juste incroyable. Elle date de 1938, est art déco et a une très belle architecture, très bien conservée. Et en plus, il y a un projectionniste qui en prend soin avec beaucoup d’amour et qui aime partager sa passion », se souvient-il.

« C’était le point de départ, une prise de conscience qu’il y avait un patrimoine exceptionnel menacé de disparaître. Il faillait documenter tout ça, je me suis donné un peu cette mission », poursuit-il.

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Le cinéma Caméra, à Meknès. Crédits: François Beaurain.

Le livre comprend quatre grands chapitres de l’histoire des salles de cinéma au Maroc: « Et la lumière fut » (De 1897 à 1939), « Independance Day » (1940-1956), « Mektoub » (Années 60 aux années 80) et « Titanic » (Des années 90 à nos jours). Dans chacun, l’auteur propose une immersion dans le cinéma de l’époque. On y retrouve des histoires, des témoignages, des extraits de livres et des interviews avec des réalisateurs, cinéastes, entre autres.

Trois actes

Il a été édité par la Croisée des chemins, en collaboration avec l’Académie du royaume du Maroc. « Je suis un passionné du livre, du beau-livre, du patrimoine et je suis cinéphile. Autant d’éléments qui ont mené à notre rencontre il y a à peu près 24 mois, à la veille de la crise du Covid », nous confie Abdelkader Retnani, fondateur et patron de la maison d’édition casablancaise. « C’est un ami en Espagne qui me l’a recommandé. Et puis quand notre rencontre s’est faite, ça a été le coup de foudre. Il m’a parlé du projet avec ses tripes et m’a montré quelques photos. J’ai dit: on le fait, il n’y a pas de souci. C’est comme ça que l’aventure a commencé », poursuit-il.

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« J’étais très heureux parce qu’il y avait toute l’histoire des salles de cinéma marocaines racontée dans 195 pages de texte sur près de 400 au total, avec de très belles photos. J’en connaissais certaines, d’autres pas. On a fait une analyse chronologique qui a suivi le chemin de fer en commençant par la première salle de cinéma en 1913 à Tanger, qui est le Gran teatro Cervantes. Et on est étonné lorsqu’on voit le nombre de places que proposaient les cinémas de l’époque, 919 pour celle-ci. Le deuxième cinéma, c’est l’Alcazar, qui était aussi une salle de spectacle, de variétés, de music-hall. Et puis on est passé dans la même année, on est passé à l’Eden de Marrakech. On voit malheureusement dans ce livre que certaines sont dans un état de délabrement total, mais elles restent des chefs d’oeuvre », regrette-t-il.

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Le cinéma Rif, à Casablanca. Crédits: François Beaurain.

L’auteur, lui, a tenté d’être exhaustif dans son ouvrage. « Mais je ne l’ai pas été, reconnait-il, parce que c’est trop de travail. Il y avait une volonté d’identifier, photographier et documenter. C’est vraiment les trois actes de la mission que je le suis donnée. Identifier, parce qu’il n’y avait pas de liste de cinémas existante au Maroc. Le Centre cinématographique marocain possède une liste des salles en activité, mais il n’y avait pas de listes de cinémas qui avaient existé. Je suis allé de ville en ville, avec les chauffeurs de taxis, chez les anciens projectionnistes, les cinéphiles pour reconstituer une base de données ».

Après avoir fait l’inventaire, l’auteur s’est rendu compte que leur histoire aussi avait été perdue: « Les exploitants ne connaissent pas l’histoire de leurs salles. Je me suis donc lancé dans une recherche bibliographique. J’ai mis le temps du confinement à profit et j’en ai écrit une histoire des salles de cinémas au Maroc. Pour la troisième couche, la partie mémoire, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de nostalgie. Je suis tombé sur des gens qui étaient amoureux de leurs salles et qui se battaient pour elles et on les voit dans le livre », poursuit l’auteur.

Transition

Parmi ces personnes, il y a Houssein Boudih, propriétaire des cinémas Español et Avenida à Tétouan et président de la Chambre marocaine des salles de cinéma. Mais encore, « il y a des projectionnistes, comme ceux du Caméra et de l’ABC à Meknès, des gens qui ont une passion et qui se sentent responsables d’un patrimoine, des gens qui racontent leur jeunesse dans les salles de cinéma. Il y a évidemment Noureddine Saïl, mais beaucoup d’autres encore », souligne François Beaurain.

Au total, 64 salles de cinéma, dont certaines sont encore en activité, sont à l’honneur dans ce beau-livre. Outre le Caméra de Meknès, l’auteur est « tombé sous le charme » de salles plus populaires, destinées à un public 100% marocain, où il y avait une volonté de se démarquer des salles européennes.

Il explique : « Au début, on parlait d’une histoire qui est franco-française qui va devenir maroco-marocaine à la fin. Et entre deux, il y a des palettes de transition. Dans les années 50, le public marocain devient majoritaire. Les Marocains vont commencer à construire des salles pour eux-mêmes et vont vouloir se démarquer de l’architecture des salles européennes pour créer leur propre style. Dans ces salles, il y en a deux pour moi qui sont absolument incroyables, c’est le Boujloud à Fès et qui, malheureusement, a été restauré, mais moi j’appelle ça une destruction, et l’Andalous de Fès. Il y a aussi l’Opéra de Casablanca, mais on ne peut plus le visiter parce qu’il est dans un état lamentable ».

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Le cinéma Boujloud, à Fès. Crédits: François Beaurain.

Une autre salle « architecturalement incroyable » a séduit l’auteur. C’est le Royal, à Oujda. « Là-bas, on est dans une sorte de métissage architectural, entre modernisme et détails arabo-andalous. Ils ont réussi à rouvrir à ma grande surprise », confie-t-il.

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Le cinéma Royal, à Oujda. Crédits: François Beaurain.

Face au déclin du cinéma dans le monde et la rude concurrence des plateformes streaming, François Beaurain pense qu’il faut séparer patrimoine et salles obscures. « Je n’ai pas de solution miracle. On a aujourd’hui au Maroc un patrimoine qui est exceptionnel. Des cinémas de toutes les décennies dont certaines sont bien conservées, des bijoux architecturaux. Il faut les préserver. Mais aujourd’hui, le paysage cinématographique de l’exploitation ne se prête pas trop aux grandes salles mono-écran. La mode est plutôt aux multiplex », estime-t-il.

« Il faut vraiment séparer les deux, favoriser d’un côté l’importation des multiplex et de l’autre sauvegarder ces salles comme patrimoine et pas forcément en ouvrir des nouvelles. Après, il y a de la place comme le montrent les exemples de la Renaissance et de la Cinémathèque de Tanger. On a réussi à sauver des salles pour les faire revivre et leur redonner une place dans la vie culturelle. Ce n’est pas forcément le seul modèle », plaide-t-il.

Le beau-livre est actuellement disponible dans toutes les librairies du Maroc. « Il y a une demande un peu partout, à Casablanca et Rabat, mais aussi Tanger, Marrakech et Agadir. Nous avons aussi reçu des demandes de France et de Belgique, mais nous sommes un peu handicapés par la logistique actuellement », nous indique Abdelkader Retnani. Selon lui, il sera disponible dans ces pays dès que le contexte le permettra, « vers le 10 janvier 2022 », estime-t-il. Une traduction en anglais est également en cours de préparation.

L’exposition, elle, reste à découvrir jusqu’au 31 janvier 2022 à CDA Gallery, avec des photographies en série limitée et en tirage fine arts.

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Cinémas du Maroc (2021, La croisée des chemins)

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