Premier épisode demain de l’émission Paroles d’Experts. Trois rendez-vous seront programmés dans la semaine avec…
“Paroles d’Experts” de Faïçal Tadlaoui. Vu du SIEL, le secteur du livre dans tous ses états
Publié leA l’occasion du SIEL, “Paroles d’Experts” fait le point sur les problèmes récurrents qui minent le secteur du livre au Maroc. Pour en parler, Fedwa Misk*, journaliste, autrice, scénariste et Hassan El Kamoun, libraire et président-adjoint de l’ALIM. Tous deux dénoncent le fléau du piratage qui menace la survie économique des librairies, ainsi que l’opacité entourant les droits d’auteur.
Pour Hassan El Kamoun, président-adjoint de l’Association des libraires indépendants du Maroc, le piratage constitue « un cancer très dangereux » pour l’avenir de l’industrie culturelle nationale. Ce fléau, apparu dès 2012, a déjà provoqué une chute vertigineuse des importations de livres en français de 22 à 16 millions d’euros.
Comble de l’ironie, El Kamoun révèle qu’il a lui-même mis la main sur des ouvrages piratés vendus pendant le SIEL (Salon International de l’Édition et du Livre) sur un stand étranger. « S’il n’y a pas une réponse ferme du gouvernement, dans 10 à 15 ans, les 80 librairies encore existantes au Maroc auront disparu », prévient-il.
Un libraire pour 450 000 habitants
Outre le piratage, la filière pâtit d’un manque criant de librairies, avec seulement 80 enseignes répertoriées dans tout le Royaume, soit un libraire pour 450 000 habitants. Une situation préoccupante, qui traduit la fragilité du secteur. Les professionnels déplorent également la pratique des ventes directes par les importateurs et éditeurs, court-circuitant les librairies indépendantes. « C’est un véritable crime à l’encontre des libraires, qui les pousse vers la faillite », dénonce Fedwa Misk.
Opacité sur les droits d’auteur
Selon l’écrivaine, le constat est tout aussi alarmant du côté des auteurs. Elle pointe du doigt « l’opacité totale » entourant les états de vente, la plupart des écrivains n’ayant aucune visibilité sur la diffusion de leurs œuvres au-delà de la première année.
« Les auteurs ne cherchent pas à s’enrichir, mais veulent juste savoir comment leur livre est accueilli par le public », explique-t-elle, appelant les pouvoirs publics à imposer davantage de transparence aux éditeurs. Misk propose notamment de conditionner les subventions publiques à la présentation d’états de vente détaillés ou à l’allocation d’une part directe aux auteurs.
Au-delà des défis économiques, nos invités soulignent l’urgence de promouvoir une littérature reflétant la diversité linguistique du Maroc. Malgré un engouement croissant pour les publications en darija, nombre d’éditeurs restent réticents à explorer cette voie, limitant ainsi l’accès à une culture plurielle et populaire.
Face à ces nombreux défis, le secteur du livre national attend des mesures ambitieuses pour assurer sa pérennité et son rayonnement, estiment unanimes nos invités. La lutte contre le piratage, la défense des droits des auteurs et l’encouragement de la diversité linguistique apparaissent pour eux comme des priorités.
* “Des femmes guettant l’annonce”, Bande dessinée de Fedwa Misk et Aude Massot, éditions Sabarcame, 180 DH.