Le manque de munitions guette Kiev avant la grande offensive russe 

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Le manque de munitions guette Kiev, l'Otan se tourne vers les pays alliés comme le Maroc 
Les forces russes ont laissé derrière elles munitions et notes d'inventaire en quittant précipitamment Balakliia. © DR.

Le conflit était connu comme étant hautement consommateur en munitions. Les chiffres fiables sont inaccessibles mais les niveaux de consommation de part et d’autres sont très élevés dans un conflit étiré, une guerre parfois enlisée dans des tranchées avec des combats incessants sur fond d’artillerie omniprésente.

Les Russes tiraient ainsi jusqu’à 50.000 obus par jour en juillet, les Ukrainiens jusqu’à 6.000, selon une source militaire française.

Mais la consommation ukrainienne a fortement augmenté à partir de sa contre-offensive fin août. Et elle aura besoin d’une énorme puissance de feu pour résister à l’offensive russe attendue pour les semaines à venir.

Kiev, de fait, réclame toujours plus. Elle a obtenu récemment la promesse de chars lourds mais souhaite notamment plus d’équipements de défense sol-air et des avions de chasse, que les Occidentaux rechignent à livrer.

Car chancelleries et experts occidentaux répètent à l’envi combien munitions et entretien sont fondamentaux : simplement pour permettre de continuer à utiliser les armes déjà envoyées.

« Avant de parler d’avions et de chars, essayons d’assurer au mieux le service après-vente des matériels qu’on leur a déjà livrés » sur le plan des munitions et du maintien en condition opérationnelle, relève une source gouvernementale française.

Lire aussi: Ukraine: la Suisse interdit à l’Espagne de réexporter à Kiev ses canons

Les Etats-Unis à eux seuls ont livré plus de 1.600 missiles anti-aériens Stinger et plus de 8.500 missiles antichars Javelin, selon le Département d’Etat.

C’est l’équivalent de cinq ans de production de Javelin et de 13 ans de production de Stinger, a indiqué Greg Hayes, le patron du groupe américain Raytheon, en décembre. Il affirmait aussi qu’en partenariat avec Lockheed Martin, il avait augmenté la production de missiles Javelin à 400 unités par mois.

En France, Nexter dispose d’une capacité de production annuelle de quelques dizaines de milliers d’obus de 155 mm. Mais le groupe est « quasiment à son maximum », selon un haut-gradé français.

A l’évidence, le mal est profond après trois décennies où l’Occident a réduit les dépenses militaires après la chute du Mur de Berlin.

« Cela nous ramène à l’économie politique au service des dividendes de la paix post-guerre froide », analyse pour l’AFP Ivan Klyszcz, chercheur au Centre international pour la défense et la sécurité (ICDS) en Estonie.

Un modèle aujourd’hui « un peu acculé par les défis actuels », ajoute-t-il, rappelant que les pays de l’Est de l’Alliance – Pologne, pays Baltes, Roumanie – pourraient produire des armes de type post-soviétique, que l’Ukraine utilise encore beaucoup aux côtés des équipements occidentaux et de sa production domestique.

L’Otan se tourne vers des pays comme le Maroc

William Alberque, de l’Institut international pour les études stratégiques, affirme sans fard que « notre industrie de défense, de munitions, de soutien logistique, de formation est globalement inadaptée » au défi actuel.

« Nous avons besoin d’un plan industriel à l’Ouest, non seulement pour l’Ukraine mais pour des problèmes futurs comme Taïwan et d’autres guerre potentielles », conclut-il, évoquant un conflit avec la Chine, l’Iran voire la Corée du Nord.

Très tôt après l’invasion russe de l’Ukraine, le président français Emmanuel Macron a évoqué la mise en place d’une économie de guerre. Mais le vocable n’a pas été suffisamment suivi d’effets.

« La capacité de recompléter (les stocks) se met en place. Après, cela dépend si les Etats sont prêts à faire l’effort financier », estime Léo Péria-Péigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Signe de ce que la pénurie n’est pas une surprise, l’Otan s’est déjà tournée vers d’autres solutions. « Je vois pas mal de contacts avec des pays en dehors de l’alliance comme la Corée du Sud, le Maroc, la Jordanie, le Pakistan », fait valoir Ivan Klyszcz.

« Les solutions à court terme devront venir de l’extérieur. Tout le reste prendra des mois et des mois ».

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