La nouvelle CIN jugée discriminatoire envers les femmes (ADFM)
Publié leParmi les nouveautés incluses dans la nouvelle carte d’identité électronique nationale, la mention du statut marital de la femme, et non de l’homme (sauf si veuf), fait réagir une association féministe.
« Une autre loi consacrant la discrimination directe à l’encontre des femmes », indique l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) sur son compte Facebook, en légende de la publication d’un « communiqué au sujet de la loi 04-20 relative à la CIN électronique ».
https://www.facebook.com/adfmRabat/posts/10158617288159886
Adoptée par le Parlement, la loi 04-20 relative à l’introduction de la CIN électronique, vient d’être publiée au Bulletin officiel. Parmi les nouveautés incluses dans la nouvelle carte d’identité électronique nationale qui devra bientôt entrer en vigueur, la mention du statut marital de la femme, et non de l’homme (sauf si veuf), « inquiète » l’association féministe de l’ADFM.
« Ce texte dispense l’homme, à moins qu’il ne soit veuf, de la possibilité de déclarer sa situation familiale, mais pas la femme », explique l’association dans son communiqué du 15 août dernier, se questionnant en ces termes: « cette disposition a-t-elle pour objectif de favoriser la polygamie? ».
Pour l’association, « cette exigence est une violation des prescriptions de la Constitution et du résultat de l’égalité que les femmes ont accumulé depuis la promulgation du code de la famille, en rupture avec l’ère de tutelle que les femmes ont vécu pendant des siècles ».
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L’ADFP cite en effet l’article 19 de la Constitution relatif à l’égalité des droits et libertés dans tous les domaines entre les femmes et les hommes. La mention d’ »épouse » et non d' »époux » dans les informations sollicitées, « fait clairement la distinction entre les citoyens et les citoyennes, promeut une société patriarcale et consolide le concept de tutelle », estime l’ADFM.
Contactée par H24Info, Nouzha Skalli confirme cette « contradiction avec la constitution » et « félicite l’ADFM pour sa vigilance et la veille qu’elle effectue à l’égard des discriminations envers les femmes »; « Et dans ce cas, ça en est clairement une », s’empresse l’ancienne ministre de la famille et membre fondatrice de l’ADFM. « Le fait de lier la femme à son statut marital, alors que l’homme reste un citoyen à part entière indépendamment de son statut familial, est clairement une discrimination », juge-t-elle.
« Il aurait été plus judicieux et juste d’appliquer les mêmes règles aux hommes et aux femmes, sachant que le document relatif au statut familial est le livret d’état civil, et non pas la carte nationale d’identité », suggère notre interlocutrice qui ne pense pas toutefois que cette discrimination soit « intentionnelle ». « Le gouvernement aurait du évaluer les conséquences discriminatoires de cette décision sur les femmes », regrette Skalli.
Quel intérêt alors à l’ajout de cette information qui n’existait pas jusqu’à maintenant sur la carte nationale? « Je peux imaginer les arguments déployés par le ministère de l’Intérieur comme celui de dire qu’étant donné que les femmes peuvent porter le nom de leurs maris, il s’agit d’une facilité pour elles », répond Nouzha Skalli.
« Mais si on rentre dans ce genre de justifications, il aurait fallu l’appliquer aux deux sexes. Si on mentionne que les hommes sont mariés, cela pourrait éviter la pratique de certains d’entre eux (non la majorité) qui, bien que mariés, prétendent le contraire pour pouvoir demander en mariage d’autre(s) femme(s) et ainsi les tromper sur son statut », poursuit-elle. Et d’ajouter: « Si on pense en termes de situation qui arrange les hommes, il faut aussi penser en termes de situation qui dérange les femmes ».
L’ancienne ministre reproche également aux pouvoirs publics de ne pas avoir respecter « l’approche participative », en ce sens de ne pas avoir « confronté les différents points de vue de la société civile et d’en ternir compte », comme l’oblige l’alinéa 3 de l’article 12 de la Constitution.
En attendant l’amendement de la loi, l’ADFM « invite le ministère de tutelle à donner des instructions à l’administration concernée pour que les femmes ne soient pas obligées de confirmer leur statut familial ».