Jamila Seyouri et Nouzha Skalli décryptent la situation des femmes ces 20 dernières années

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Ces dernières années, plusieurs lois défendant les droits des femmes ont été mises en vigueur, mais ont-elles garanti une vie meilleure aux Marocaines? A l’occasion des vingt ans de règne de Mohammed VI, H24Info a contacté Jamila Seyouri, présidente de l’association ADALA et Nouzha Sqalli, ancienne ministre pour faire le bilan sur la situation des femmes ces 20 dernières années.

Afin d’analyser la situation des droits des femmes au Maroc ces vingt dernières années, il est inévitable de se pencher sur les politiques publiques ainsi que sur toutes les lois ayant été mises en vigueur pour protéger les femmes pendant cette période. L’avocate et présidente de l’association Adala, Jamila Seyouri, dresse le bilan des réalisations du Maroc.

« Il va sans dire que plusieurs réalisations ont été déployées par le Maroc en matière des droits des femmes. Plusieurs réformes ont été initiées, tel que la réforme qu’a connu le code de la famille, le code de la nationalité, ou encore les évolutions observées en ce qui concerne la scolarisation des filles, etc », déclare Jamila Seyouri.

Jamila Seyouri cite également la ratification de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la « constitution 2011 institutionnalisant l’égalité, la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination ».

 

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Toutefois, la promotion des droits des femmes pose toujours plusieurs défis, notamment dans la mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle constitution ou encore dans la consolidation de la représentativité des femmes dans la vie politique.

« On doit également souligner que la condition féminine sur les plans économique et social n’a pas connu de changement sur le fond, puisque la pauvreté dans le Royaume est essentiellement féminine  et c’est une réalité lamentable… Il n’existe pas non plus des politiques publiques claires en matière des droits des femmes », estime l’avocate.

Les inégalités femmes-hommes persistent

Malgré les progrès obtenus par les acteurs de la société civile et par le gouvernement qui vient d’établir en septembre dernier la loi 103-13, les inégalités femmes-hommes demeurent bien ancrées dans le Maroc. Plus spécifiquement, les violences faites aux femmes – qu’elles soient économiques, physiques, psychologiques ou sexuelles sont toujours de l’ordre du jour.

 

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« A cet égard, le Maroc a entamé des réformes successives du code pénal avec des avancées à célébrer comme l’incrimination du harcèlement sexuel, l’aggravation des sanctions encourues pour viol, ainsi que l’abrogation – après une lutte acharnée de la société civile – de l’alinéa 2 de l’article 475 qui autorisait le violeur à épouser sa victime pour fuir les poursuites », explique la présidente de Adala.

« Néanmoins, ce même code comporte toujours des insuffisances. Il en est ainsi par exemple de l’absence d’incrimination des violences psychologiques, ou encore du viol conjugal. De même que le crime de viol en tant que tel, y est toujours défini comme attentat aux mœurs non contre la personne, d’après les articles 486 et 488 du code pénal », se désole-t-elle.

L’avocate relève également l’absence du droit à l’avortement (toujours érigé en infraction pénale), ainsi que « l’inexistence de directives à l’intention de la police et de la magistrature, explicitant leurs obligations dans les affaires de violences pour lesquels ils sont saisis ». « Le traitement accordé aux victimes par ces derniers participant à la justice, quand elles sont traitées avec tact et dignité ».

 

Les efforts à adopter

Selon Jamila Seyouri, les efforts à adopter afin d’améliorer la situation des femmes doivent faire l’objet d’une approche pluridisciplinaire. Sur le plan législatif, l’avocate préconise la réforme de la loi 103-13 pour y prévoir le droit à l’avortement, le droit des associations de se constituer partie civile, la pénalisation du viol conjugal… etc.

« Toutes les lacunes précitées doivent être comblées pour aligner ladite loi sur les standards internationaux, ainsi que les dispositions de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », souligne-t-elle.

 

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A l’école, des cours et des programme de sensibilisation aux droits humains et à l’égalité des sexes doivent impérativement faire partie du programme scolaire.

« Les institutions éducatives, tous les niveaux confondus (de l’école primaire à l’université) devrait avoir pour vocation de façonner les mentalités de sorte à bannir la violence et promouvoir le civisme. Pour cela, il faut envisager aussi en parallèle une révision des programmes scolaires pour en extraire tous les contenus sexistes et stéréotypes néfastes aux femmes », insiste Seyouri.

Nouzha Skalli: la régression de 2012

Nouzha Skalli, militante des droits des femmes et ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité, retrace le long chemin des femmes vers l’accès au « pouvoir ».

« Durant ces 20 dernières années, les femmes ont eu plus accès aux postes de responsabilité et décision, aussi bien au niveau des nominations que des élections. Des femmes ont été pour la première fois nommées à des postes prestigieux et emblématiques comme le fut Feue Zoulikha Nasri au poste de Conseillère du roi, Femmes Ambassadeures, Gouverneures et même Wali. On peut de même citer l’accès plus récent des femmes à la fonction de Adel », se rappelle la militante féministe.

« La place des femmes dans les gouvernements a été marquée par le contraste entre deux phases : la première, avant la Constitution, en 2007, le roi a nommé au sein du gouvernement pour la première et unique fois dans l’histoire du Maroc, sept femmes dont cinq femmes ministres à plein titre », précise-t-elle.

Nouzha Skalli considère toutefois que ces avancées ont été suivies par un paradoxe après que les 1er gouvernement après la nouvelle Constitution en 2012 ainsi que les gouvernements qui se sont succédé sous la direction du PJD, ont été marqués par la présence d’une seule femme ministre en dépit de l’obligation que fait la Constitution à l’Etat d’œuvrer pour la parité. « Cette contre-performance nous vaut hélas un classement déplorable, dans le rapport publié par l’Union Interparlementaire, pour la place des femmes dans les gouvernements, à la 169 e place mondiale », regrette-t-elle.

Au niveau des fonctions électives, des avancées ont par ailleurs pu être réalisées grâce à une approche genre et aux mesures d’actions affirmatives connues sous le nom de quotas qui ont été appliquées dans les lois électorales et les lois organiques relatives à la régionalisation. 

Ainsi, nous avons aujourd’hui 81 femmes à la Chambre des représentants qui représentent 20,5 des députés, 21,18% des élus communaux et plus de 30% des conseillers régionaux qui sont des femmes.

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