La chronique d’Abou Hafs. Les leçons à tirer de la débâcle du PJD

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Ni les adversaires les plus optimistes du PJD, ni les plus pessimistes de ses partisans, ne s’attendaient à cette défaite écrasante et humiliante du parti. Beaucoup pensaient, et j’étais l’un d’eux, que le parti allait perdre sa première position, mais personne ne s’attendait à un tel échec, pour le voir passer de 125 sièges aux dernières élections à treize sièges, dont neuf sur la liste régionale réservée aux femmes.

Par Mohamed Abdelouahab Rafiqui

Ce résultat très faible ne permettra même pas au parti de former un petit groupe parlementaire. Loin de l’état de schadenfreude et de joie face à la défaite des islamistes, qui est à mon sens légitime après dix ans d’opportunités perdues et d’attentes, il est très important de réfléchir aux raisons qui ont conduit à cette grande chute.

Mais le plus gros coup que le Parti de la justice et du développement ait reçu est la perte même de son bloc électoral stable qui lui était fidèle en votant toujours pour lui, comme l’a dit Aziz Rabbah: « Si seulement les membres du parti et leurs proches avaient voté pour nous, les résultats n’auraient pas été si désastreux ». Il est donc clair que les querelles internes et la division du parti entre les courants Othmani et Benkirane, ont eu des conséquences directes, malgré toutes les tentatives pour dissimuler cette dispute et paraître unies. Et même les lives de Benkirane n’étaient pas innocents et ont contribué à cette chute.

Il est donc certain que la signature de l’accord pour normaliser les relations avec Israël, la légalisation de l’usage du cannabis, et la « francisation » de l’éducation, ont fait que même les gens du parti refusent de voter pour lui, ces mesures leur laissèrent l’impression que leur parti avait abandonné ses constantes et ses principes, et qu’il était prêt à tout accepter en échange de son maintien au pouvoir.  De l’avis de beaucoup d’entre eux, il s’est transformé en un parti administratif qui n’a plus aucune identité et ne défend aucune idéologie.

 

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Même le Mouvement d’Unicité et de la Réforme (MUR), réservoir historique du parti, a abandonné ses rôles habituels de mobilisation en raison de son incapacité à justifier les positions du parti. Cette mouvance qui s’appuie sur la polarisation avec des slogans idéologiques, chatouillant les sentiments religieux et nationaux, et employant ce qu’ils appellent des « blessures », comme la Palestine et d’autres, fait dans la surrenchère pour parvenir à une expansion et une propagation supplémentaires.

Un autre groupe qui a eu un rôle majeur dans les résultats des élections précédentes, et l’a abandonné aujourd’hui à cause de ces positions, ce sont les rêveurs du califat islamique et de l’application de la charia, qu’ils soient membres du mouvement d’Al Adl Wal Ihssan, ou surtout des courants salafistes. Comment comprendre, par exemple, la transformation du parti à Marrakech d’un raz-de-marée absolu à une défaite humiliante, si ce n’est que ces courants ont abandonné leur soutien, après avoir abandonné l’espoir de réaliser pour eux un exploit « islamique », même s’il devaient rester au pouvoir pendant encore dix ans.

Cependant, la raison la plus importante, à mon avis, de ce qui s’est passé, c’est la déception du citoyen face à la politique et aux choix impopulaires du parti, l’incapacité du parti à mettre en œuvre toutes ses promesses électorales. Le parti a promis de lutter contre la corruption et la tyrannie, mais rien de tout cela n’a été réalisé. Au contraire, la corruption n’a fait qu’empirer selon la classification internationale de l’indice de perception de la corruption. Le parti a promis de réduire le taux de chômage, mais celui-ci est passé de 8,9 en 2011 à 10,1 en 2020. Le gouvernement a promis de mettre en place des réformes structurelles, de réformer la Caisse de compensation, de financer les secteurs sociaux et de mettre en place une loi pour plafonner les salaires dans l’administration et la fonction publique. On n’a rien vu de cela si ce n’est des décisions qui ciblent le citoyen et son pouvoir d’achat, et la hausse des prix des carburants et de tous les matériaux de consommation, avec la baisse des niveaux de croissance économique, et la mise en veilleuse de toutes les promesses.

Le parti a soulevé le slogan « Maroc de la liberté, de la dignité, du développement et de la justice », mais il n’était pas un véritable combattant pour ces aspirations, Il est très naturel que le citoyen punisse le parti pour toute cette trahison qu’il ressentait, malgré toutes les justifications avancées. Le contexte régional et international n’est peut-être pas clairement influent dans ce résultat, mais il ne faut pas négliger le déclin que connaissent les mouvements islamistes politiques dans la région, notamment après leurs expériences de gouvernance, et les preuves de leur incapacité à gérer les affaires publiques, sans oublier l’émergence de la différence entre les slogans identitaires, utopiques et moraux qui ont été soulevés, et les contraintes de la réalité et la réalisation des attentes sociales, économiques et juridiques.

La parenthèse du Parti Justice et Développement au Maroc est fermée, ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est que les partis qui prendront la direction du gouvernement tirent une leçon de ce qui est arrivé au PJD, et sachent que le degré de conscience politique chez les Marocains est différent de ce qu’il était jusqu’à présent.

 

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