Interview. Bernard Lugan: « le Sahara n’a jamais été l’Algérie parce que celle-ci n’a jamais existé »

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bernard lugan
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Dans cette seconde partie de l’entretien réalisé avec Bernard Lugan, l’historien français décortique la place centrale du Maroc en Afrique et commente la prochaine visite de Jean-Luc Mélenchon au Maroc.

H24info: Quelle lecture faites-vous de la présence du ministre marocain chargé de l’administration de la Défense nationale à la cérémonie de décoration par Macron d’un ancien tirailleur marocain ?

Bernard Lugan: C’est de l’ambivalence. Macron met les genoux en terre devant l’Algérie et, en même temps, célèbre les harkis. Est-ce qu’il y a vraiment une colonne vertébrale ou une ligne directrice ?

C’est très bien, ce sont des petits signaux. Mais il faudrait un signal fort. Il faut reconnaitre que le Maroc a eu ses frontières amputées par le système colonial, espagnol au sud, français à l’est. Et que, historiquement, le Sahara par définition n’a jamais été l’Algérie parce que l’Algérie n’a jamais existé. Et il y a une telle pression politique algérienne, avec la gauche française, que ça va être difficile de reconnaitre la marocanité du Sahara.

De l’avis de certains analystes, l’Elysée n’est pas le seul responsable de cette crise. Il y a aussi le Quai d’Orsay qui ignore la centralité du rôle du Maroc dans la stabilisation du littoral africain. Qu’en pensez-vous ?

Il est évident qu’à l’heure actuelle, le grand défi qui se pose à l’Europe et à l’Afrique est l’immigration sud-saharienne, en plus de l’immigration nord-africaine. Les pays de l’Afrique du Nord, de l’Egypte au Maroc, sont les premiers impactés par l’immigration venue du sud. Donc il y a tout un partenariat qui doit être établi avec une faiblesse qu’est la Libye qui a été déstabilisée.

A l’heure actuelle, le Maroc a un rôle important, d’abord géographiquement parce que le royaume contrôle toute la façade atlantique qui est un point d’immigration vers les Iles Canaries, mais depuis que de très bons rapports ont été établis entre les deux royaumes, c’est une affaire qui s’arrange gentiment.

L’autre élément du Maroc, c’est que le pays, par ses traditions politiques et religieuses a tissé des liens jusqu’au Niger. Jusqu’au 1880, la prière de vendredi à Tombouctou était dite au nom du Sultan marocain (…).

Le patron de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon s’apprête à effectuer une visite ce 04 octobre au Maroc pour, dit-il, « lutter contre le refroidissement des relations entre le Maroc et la France ». Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet ?

Mélenchon, qui a des liens avec le Maroc, est dans une position politique difficile parce qu’il joue un électorat au moment où il n’y a pas de prolétariat en France. Les prolétaires français votent pour le Rassemblement National de Marine le Pen. C’est un révolutionnaire et un marxiste.

Donc, il espère que la diaspora immigrée, qui est binationale, va voter pour lui. Mais le problème est que cette diaspora est majoritairement algérienne et pas marocaine. Si en venant au Maroc, il dit que le Sahara est marocain, il va se mettre à dos la diaspora algérienne. Il est intelligent, on va voir comment il va jouer entre les deux pays.

Il va, à mon avis, s’en sortir par de grandes références culturelles et se lancer dans de grandes phrases. Mais politiquement, il ne peut pas faire plaisir aux uns et aux autres. Je suis curieux de voir comment ça va se passer.

 

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