Doutes sur le vaccin chinois au Maroc: beaucoup de bruit pour rien?

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Le vaccin chinois est sur toutes les lèvres au Maroc. L’intérêt est même porté par des experts en santé de la diaspora marocaine, qui partageaient leurs craintes dans une lettre qui devait être adressée au ministre de la Santé, mais qui aurait fuité.

Les sorties médiatiques de Sinopharm peuvent se compter sur les doigts d’une main. Un silence qui contraste avec la communication tous azimuts menée par les autres laboratoires, ambitionnant tous de produire le vaccin le plus performant contre le nouveau coronavirus.

Liu Jingzhen, président de Sinopharm, n’a donné que très peu de détails sur ce vaccin. On sait tout juste que ce vaccin repose sur une méthode classique basée sur le «virus inactivé», c’est-à-dire rendu inopérant par un traitement chimique. Ce vaccin devrait, selon Sinopharm, «permettre d’être protégé contre le virus pendant un à trois ans».

La firme étatique chinoise explique que son vaccin, comporte deux doses, qui doivent être injectées à 21 jours d’intervalle. Le vaccin a été administré à plusieurs milliers de volontaires, explique Sinopharm, évoquant quelque 100.000 personnes, dont «aucun n’a présenté d’effet indésirable jusqu’à présent».

Parmi ces volontaires, figure d’ailleurs Mohammed ben Rachid al-Maktoum, l’émir de Dubaï. Ceci nous ramène aux essais cliniques menés par Sinopharm.

 

En effet, Sinopharm a engagé des volontaires pour les essais cliniques de la phase III dans dix différents pays, dont les Émirats arabes unis, le Pérou, l’Égypte ou encore le Maroc. Lors de ces essais cliniques, «seuls quelques patients ont présenté des symptômes légers», affirme Sinopharm.

Différences dans la communication

Ces légers symptômes nous sont expliqués par Dr Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé et vice-président de la Fédération Nationale de la Santé (FNS). «Les effets indésirables qui ont été constatés même chez nos volontaires au Maroc sont une fièvre passagère, une rougeur au point d’injection, et chez certains, une céphalée (mal de tête) provisoire».

Si Sinopharm a bien voulu révéler ces légers symptômes, aucun mot en revanche sur le taux d’efficacité, alors que les concurrents ont en fait un axe de leur communication durant ces dernières semaines.

Dr Hamdi explique que «l’efficacité d’un vaccin se mesure à travers plusieurs moyens». «D’abord, d’un point de vue immunologique, en calculant la quantité d’anticorps produits chez les volontaires, ce qui nous permet alors de dégager l’efficacité sur le terrain», explique-t-il, soulignant que «c’est grâce à ces données-là, que des taux d’efficacité ont été présentés par les autres laboratoires, alors que Sinopharm n’en a avancé aucun, mais a néanmoins affirmé que les résultats sont meilleurs que ceux espérés».

Ainsi, chaque laboratoire a sa propre stratégie de communication, selon ses propres objectifs, explique le chercheur en politiques et systèmes de santé.

 

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«Un laboratoire comme Pfizer, veut se positionner comme leader dans l’innovation. D’ailleurs quand il a annoncé que son vaccin représentait un taux d’efficacité de 95%, ses actions en bourse se sont envolées. De son côté Sinopharm affiche davantage une volonté politique, car la Chine veut prouver qu’elle n’est pas seulement à l’origine du virus, mais ambitionne d’être perçue comme le pays qui a fabriqué le vaccin qui va sauver l’humanité», explique notre interlocuteur.

Néanmoins, «il faut souligner qu’à l’heure actuelle le vaccin chinois est sur le même pied d’égalité que les autres vaccins. La seule différence réside dans la communication (…) mais pour nous scientifiques, quel que soit le marketing utilisé par les différentes firmes, il n’influe en rien sur l’efficacité du vaccin», affirme Dr Hamdi.

«Pour le moment nous ne pouvons pas parler d’efficacité, mais seulement d’indicateurs d’efficacité et ce jusqu’à la publication dans des revues scientifiques des résultats préliminaires relus par les pairs dans les quelques jours ou semaines à venir et les résultats finaux après la fin des essais», souligne le médecin.

Après cette phase, des résultats préliminaires provisoires seront publiés. Pour le moment, aucun laboratoire n’a divulgué ses résultats, «Pfiter et Moderna n’ont publié que des communiqués de presse qui ne sont pas des articles scientifiques «peer-reviewed» (forme d’évaluation centrée sur l’apprenant)», explique Tayeb Hamdi.

Ces résultats préliminaires seront alors soumis aux autorités sanitaires de chaque pays, afin d’obtenir une autorisation. Des entorses à cette règle ont eu lieu toutefois, c’est le cas aux Émirats arabes unis où une autorisation officielle a été accordée pour l’utilisation du vaccin développé par Sinopharm. Au Royaume-Uni aussi où une autorisation d’utilisation d’urgence a été octroyée cette semaine au vaccin de Pfizer et BioNTech.

Le Maroc recevra donc les résultats de Sinopharm avant de statuer sur le lancement de la vaccination ou faire comme d’autres pays en demandant une autorisation d’utilisation d’urgence.

Un vaccin qui fait parler de lui

Le Maroc a toutefois annoncé en avant-première une campagne de vaccination massive qui se déroulera d’ici la fin décembre. Et bien que le royaume ait décidé de se fournir chez plusieurs laboratoires, seul le vaccin chinois continue de susciter des craintes.

Des craintes partagées par un groupe d’experts de la diaspora marocaine. Pour Dr Hamdi, «plusieurs points de cette lettre doivent être éclaircis».

D’abord, concernant le premier point sur la possible mutation du virus et qui fausserait les essais cliniques menés au Maroc. Dr Hamdi affirme que «le Maroc a eu la chance de participer à ces essais (…) mais pour autant, un autre pays comme l’Algérie voisine qui n’a effectué aucun test clinique, ne pourrait-il pas avoir recours à ce vaccin ?» s’interroge-t-il.

Une réponse qui va de soi pour le Dr Tayeb Hamdi, sinon «on devrait mener des tests dans les plus de 190 pays dans le monde avant de produire un vaccin ou un médicament», enchaîne-t-il. De plus, «il faut souligner que les quelques mutations qu’a subi le Sars-CoV-2 sont mineurs et donc cet argument n’est pas valable», souligne notre interlocuteur.

«Si on se fie à cette lettre d’experts, le Maroc ne devrait utiliser aucun vaccin actuellement développé dans le monde car les essais cliniques de ces autres vaccins covid ou non covid n’ont jamais été testés au Maroc!», s’interroge notre interlocuteur.

 

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L’autre point évoqué par les chercheurs de la diaspora est que «l’essai clinique au Maroc a englobé environ 600 volontaires ce qui semble statistiquement insuffisant pour permettre de calculer l’efficacité en matière de protection contre la maladie». À cela, Dr Hamdi réplique qu’on ne «calcule jamais l’efficacité uniquement sur des résultats récoltés sur un seul centre. L’efficacité est calculée sur la base de l’ensemble des centres, et là il faut préciser que les laboratoires de Sinopharm ont été ceux qui ont engagé le plus de volontaires à travers le monde, dépassant ainsi de loin leurs concurrents».

En effet, Sinopharm a mené ses essais sur «60.000 volontaires répartis dans 10 pays, soit bien plus que les 44.000 volontaires de l’essai de Pfizer et les 30.000 volontaires de Moderna (ces derniers étant uniquement recrutés aux États-Unis)», lit-on dans la revue Futura Science.

«D’ailleurs au Maroc, on parle des preuves de sécurité et des indicateurs d’efficacité comme c’est le cas pour tous les autres vaccins qui se sont prononcés par voie de communiqué de presse. Les preuves scientifiques de l’efficacité seront publiées et seront communiqués aux autorités sanitaires des pays qui vont se servir auprès de tel ou tel laboratoire pour autoriser ou non l’utilisation d’urgence, comme c’est le cas des Britanniques avec le vaccin Pfizer biontech», affirme Dr Hamdi.

 

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Contacté par H24Info, Pr Samir Kaddar, membre du groupe Compétences médicales des Marocains du monde, nous explique que «cette lettre a fuité, elle n’était qu’un projet d’écrit qui n’était pas finalisé». «Il s’agit de discussions que nous avons eues entre scientifiques au sein de notre groupe C3 (…)  mais en effet, certains points n’ont pas lieu d’être», explique-t-il.

«Nous avons sorti un communiqué, où l’on corrige cela et nous expliquons que cette lettre ne représente pas la position de notre groupement», poursuit Dr Samir Kaddar.

 

Posted by Compétences Médicales des Marocains du Monde – C3M on Friday, December 4, 2020

 

«Notre commission de virologues et d’infectiologues au sein de notre groupement affirme également que vaccin Sinopharm, qui est à base d’un virus inactivé, ne présente que très peu d’effets secondaires passagers, mais sur le long terme tout naturellement personne ne peut se prononcer», poursuit le médecin spécialiste en anesthésie-réanimation.« En affirmant cela, nous ne disons pas que c’est obscur, mais nous tentons justement d’être scientifiquement corrects. Toutefois, nous sommes certains que le risque n’existe pas», poursuit-il.

«Le point concernant les essais cliniques au Maroc prouve bien que ce document n’était qu’un projet, car plusieurs études prouvent que les souches du virus au Maroc sont stables ou similaires à celles répertoriées dans d’autres pays. En partant de ce principe statistique, les points que nous abordons plus bas dans la lettre n’ont pas lieu d’être», conclut-il.

Polémique à suivre…

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