Asmaa Khamlichi et Ciné Donne: au nom de la femme

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Asmaa Khamlichi & Ciné Donne, au nom de la femme

Par Fouzia Marouf

L’icône du 7e art marocain était en ligne de mire, marraine du festival militant et féminin, Asmaa Khamlichi a vécu au rythme du pouls battant de Ciné Donne à Bastia. Pensée sur une ligne de front qui met en lumière le cinéma féminin, ravivant sonembellie, scandant sa singularité, interrogeant les acquis du féminisme, la 2e édition de Ciné Donne, Festival du Film de Femmes à la dimension engagée a soufflé un vent de liberté à Bastia.

Ce festival-événement a révélé une programmation aussi foisonnante que captivante avec Chlili 1976, Normale ou encore Aurora Sunrise, actuellement en salles. Autre temps fort, la diffusion du film culte multi-primé Qui chante là-bas ? sur Allindi, plate-forme de streaming méditerranéenne et corse sur orbite jusqu’au 13 mai prochain.

Une actrice aux choix audacieux, un festival engagé exclusivement dédié à la création au féminin doublée d’une programmation pertinente, l’équation vertueuse est posée. En mettant à l’honneur la trajectoire de la comédienne marocaine de cet honorable événement, l’équipe dynamique de Cine Donne, a été sensible à la filmographie d’Asmaa Khamlichi dont certains choix de films-événements ont contribué à favoriser les droits de la femme en matière de divorce : ou encore à l’avancée de  l’adoption de la Moudawana (nouveau code de la famille unanimement adopté par le Parlement Marocain en février 2004) comme Jugement d’une femme réalisé par Hassan Benjelloun en 2002 et  L’Histoire d’une rose de d’Abdelmajid R’Chich en 2000.

De fait, l’équipe de Cine Donne était très honorée d’accueillir Asmaa Khamlichi qui a succédé en sa qualité de marraine à l’actrice et productrice Julie Gayet en 2022, lors de la première édition. Fort d’une sélection pertinente, ce festival à l’identité féminine a tenu en haleine le public bastiais au fil de 18 longs-métrages, 14 courts-métrages, des conférences aux sujets brûlants. A noter dans son sillon, une exposition de peinture signée par la plasticienne Arlette Schleifer qui s’est tenue en parallèle à la Galerie Noir et Blanc à Bastia jusqu’au29 avril dernier. Autre temps fort, la diffusion du film culte multi-primé Qui chante là-bas ? sur Allindi, plate-forme de streaming corse jusqu’au 13 mai prochain.

Belle vigueur subversive

Affable, sourire en bannière, entourée de son public issu de la diaspora marocaine à Bastia, Asmaa Khamlichi a longuement échangé à l’issue des nombreuses projections qui ont ponctué Ciné Donne : « Je suis très honorée et touchée de rencontrer le public bastiais et féminin. Les sujets abordés sont surtout universels et criant d’actualité », confie l’actrice marocaine à l’entrée du Centre Culturel Alb’Oru.

Consacré aux violences conjugales, le court-métrage Sous Tension(2022), réalisé par Mireille Fievet a suscité une vive émotion : « L’héroïne subit le harcèlement au quotidien dans l’espace privé, ce genre de film doit participer à libérer la parole des femmes », souligne l’actrice marocaine qui poursuit « C’est la première fois que je viens à Bastia. D’emblée, j’ai été séduite par la qualité de la programmation de Cine Donne, le dynamisme et l’engagement jamais démenti de cette équipe féminine portée par Michèle Corrotti, également présidente de Arte mare, Festival du Film Méditerranéen à Bastia, dont j’ai apprécié la force et la détermination », précise Asmaa Khamlichi.

Pure pépite lancée tel un pavé dans la mare, Dalva, d’Emmanuelle Nicot est une fiction qui évoque l’emprise psychologique et l’ascendant d’un père sur sa fille, adolescente en errance. On est conquis par l’interprétation de la jeune actrice Zelda Samson, bloc d’énergie rêche et douloureuse aux marges de la société : « De plus, j’ai été très sensible et heureuse de participer au débat-rencontre qui réunissait des réalisatrices et des actrices à l’issue du documentaire Sois belle et tais-toi ! réalisé en 1976 par l’actrice française Delphine Seyrig : le franc-parler des 23 actrices qui portaient haut leur voix dans cette galerie de portraits féminins exceptionnels était d’une rare justesse, dénué de toute forme d’aigreur », souligne la marraine de Cine Donne.

Allindi, une plate-forme de Vidéo corseet méditerranéenne sur orbite

Côté court, Burqa City, opus mordant et pétri d’humour de Fabrice Bracq a conquis le public. Présenté comme Love is love, Il Fagotto et Bellissima au sein d’Allindi, plate-forme de Vidéo dédiée aux courts-métrages, à la création documentaire, aux longs-métrages. Ainsi, cette plate-forme met en lumière la production issue de la rive méditerranée : la Corse, l’Afrique du nord dont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie ou encore le Moyen-Orient.

Allindi, participe activement à la valorisation du patrimoine des œuvres corses et méditerranéennes : multi primées à travers le monde et souvent, méconnues du grand public. A ce titre, elle a donné à voir durant un mois en streaming sur sa plate-forme de pures pépites. A noter, depuis le 13 avril et ce, jusqu’au 13 mai, le film culte multi primé Qui chante là-bas ? y est diffusé. De plus, une projection a été présentée à l’Espace Diamant d’Ajaccio. Tout comme des opus consacrés à la rive méditerranée ont ponctué la programmation de Ciné Donne.

La femme, sujet fédérateur

Parce que le 7e art est fédérateur, une exposition individuelle signée par la peintre et sculptrice Arlette Schleiferétait notamment, à découvrirà la Galerie Noir et Blanc : artiste emblématique, elle a créé et dirigé durant quinze ans la Galerie de l’Arcade à Paris, haut lieu des artistes du mouvement Cobra et a exposé ses œuvres aux quatre coins de la planète : aux Etats-Unis ou encore à Taïwan. Enfin, autre jalon de ce manifeste placé sous le 7e art, « Le Féminin figuré par des hommes, exposition photographique sous la houlette du photographe Guillaume Gellert.

Née d’un atelier photographique, elle a mis en lumière des sujets féminins au cœur d’une narration sensible signée par neuf photographes en détention au Centre Pénitentiaire de Borgo :« cette exposition m’est apparue avec une belle tolérance. C’est une heureuse collaboration entre le masculin et le féminin. La femmey élève l’homme car elle n’est pas son ennemi ou encore son adversaire. Ces images de visages féminins empreints de respect, en plus d’être beaux, étaient emplis de sensibilité », conclue Asmaa Khamlichi.

Force est de constater que la vivacité et la virtuosité de la cinéaste Iciar Bollain ont conquis le public : au fil de Yuli, qui retraçait le destin atypique du danseur étoile Carlos Acosta des rues de Cuba au Royal Ballet de Londres. Actuellement à l’affiche, Normale, d’Olivier Babinet, cinéaste passé par la Cinémathèque de Tanger avec Swagger en 2016, signe aujourd’hui un puissant récit. Normale évoque avec force la précarité d’un foyer aimant porté par une adolescente et son père souffrant ou encore Chili 1976 de Manuela Martelli, thriller politique qui suit la course contrariée d’une femme menant une double vie sous la dictature de Pinochet(inspirée de la vie de la grand-mère de la cinéaste et actrice Manuela Martelli), ont fédéré tous les publics. On salue le resserrement efficace et judicieux de la mise en scène de Chili 1976 comme la musique, personnage à part entière.

Quant à Loup & Chien de Claudia Varejao, à découvrir aussi en salles : ce récit jeune, original et audacieux a créé la surprise. Et, la création féminine est vivace, la virtuosité de la cinéaste Iciar Bollain a fédéré tous les publics. Nul doute que Cine Donne a donné à voir de nouvelles écritures, libres, contemporaines et totalement assumées. Un cinéma qui renaît de ses luttes, parfois âpres, rappelant en creux que la parité et l’égalité des droits des femmes sont au plus fort des thématiques sociétales aux prises avec d’évidents bouleversements et en proie à de nombreux questionnements. La création au féminin a un rôle indispensable à jouer sous nombre de latitudes.

Ciné donne a eu le nez creux en programmant Sois belle et tais-toi ! Film documentaire réalisé par l’actrice Delphine Seyrig : la comédienne a tenu le haut de l’affiche de Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman (1975). Elu meilleur film de l’année par la prestigieuse revue britannique Sight and Sound en 2022, cet opus retrace le quotidien d’une ménagère esseulée… A l’image des luttes incessantes des femmes à travers le 7e art. Ultime signe de contre-pouvoir.

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