Vidéos. France: l'affaire Benalla résumée en six points
Publié leUne vidéo, un tollé général et l’ouverture de trois enquêtes. L’affaire Alexandre Benalla a placé l’Élysée dans une situation délicate.
Mercredi soir, la publication sur Le Monde d’une vidéo datant du 1er mai dans laquelle un chargé de mission de l’Élysée s’en prend violemment à un manifestant à Paris a mis le feu aux poudres. En moins de trois jours, l’affaire Benalla a pris des proportions de plus en plus importantes, au point qu’elle pourrait bien rester dans les mémoires comme l’une des affaires marquantes du quinquennat d’Emmanuel Macron.
● Qui est Alexandre Benalla?
A partir de 2011, Alexandre Benalla assure la protection des responsables du parti socialiste, notamment de Martine Aubry ou encore de François Hollande. En 2012, il entre au service d’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, en tant que chauffeur. Mais l’expérience tourne court. «Je m’en suis séparé au bout d’une semaine après une faute professionnelle de première gravité: il avait provoqué un accident de voiture en ma présence et voulait prendre la fuite», raconte Arnaud Montebourg au Monde.
En 2016, celui qui est réserviste de la gendarmerie depuis 2009 est chargé de la sécurité du candidat Emmanuel Macron, alors leader d’En Marche!. Il se fait alors remarquer par son comportement parfois «musclé». Après la victoire du quadragénaire, il devient chargé de mission à l’Élysée, en tant qu’adjoint au chef de cabinet du président, François-Xavier Lauch, et accompagne le président dans de nombreux déplacements.
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● Que lui est-il reproché?
L’affaire Benalla trouve sa source dans une vidéo partagée mercredi par Le Monde et filmée le 1er mai par un militant de la France insoumise. Ce jour-là, un «apéro militant» est organisé place de la Contrescarpe, dans le Ve arrondissement de Paris. Mais la situation dégénère rapidement entre jeunes et forces de l’ordre, comme en témoigne la vidéo tournée par Taha Bouhafs.
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A l’écran, un homme identifié comme Alexandre Benalla, coiffé d’un casque à visière des forces de l’ordre, s’en prend à un jeune homme à terre. D’après Taha Bouhafs, le manifestant «se fait étrangler» et reçoit «plusieurs coups de poing dans le dos, dans la tête par-derrière». Puis Alexandre Benalla s’éloigne de la scène alors que le jeune homme peine à se relever.
● La réaction de l’Élysée
Ces révélations ont plongé l’Élysée dans la tempête. Le porte-parole de la présidence, Bruno Roger-Petit, a indiqué qu’Alexandre Benalla avait été «autorisé», à sa demande, à «observer les opérations de maintien de l’ordre pour le 1er mai», sur «un jour de repos». Mais en participant «physiquement», «il a largement outrepassé cette autorisation» et a été «immédiatement convoqué» par sa hiérarchie, insiste le porte-parole.
A la suite de ces évènements, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, a mis à pied Alexandre Benalla pendant 15 jours, avec suspension de salaire. «Il a été démis de ses fonctions en matière d’organisation de la sécurité des déplacements du président», a ajouté Bruno Roger-Petit, précisant qu’il s’agissait de «la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l’Elysée».
Censé être désormais cantonné à la sécurité des événements internes à l’Elysée, le chargé de mission a pourtant été mobilisé au moins à deux reprises récemment à l’extérieur du Palais. Le 15 juillet, il serait notamment monté dans le bus de l’équipe de France championne du monde, qui descendait les Champs-Elysées avant d’être reçue par Emmanuel Macron…
Interrogé à de nombreuses reprises sur le sujet, depuis mercredi soir, le président n’a pas fait de déclaration claire. A un journaliste qui lui demandait, jeudi après-midi, lors d’un déplacement en Dordogne, si l’exemplarité de la République était entachée par cette affaire, il a répondu: «Non, non, non, non, la République, elle est inaltérable».
● Plusieurs enquêtes ouvertes
Jeudi, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour «violences par personne chargée d’une mission de service public», «usurpation de fonctions» et «usurpation de signes réservés à l’autorité publique». Les deux premiers chefs d’accusation sont chacun passibles de trois ans de prison, le dernier d’un an d’emprisonnement. «L’affaire est désormais aux mains de la justice, et c’est très bien ainsi», a réagi le premier ministre, Edouard Philippe.
Lors des questions au gouvernement au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a indiqué avoir saisi l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Charge à elle de se pencher sur les règles encadrant la présence «d’observateurs» au sein des forces de l’ordre. Le ministre a tenu à préciser que le rapport de l’IGPN serait rendu public.
Je condamne cet acte qui nuit à l’image et au professionnalisme de nos forces de l’ordre.
J’ai saisi l’Inspection Générale de la @PoliceNationale pour préciser notamment les règles d’encadrement des observateurs dans les manifestations. pic.twitter.com/7cGgMdCeNA— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 19 juillet 2018
De son côté, la présidence de l’Assemblée nationale a annoncé que la commission des Lois allait se doter des prérogatives d’une commission d’enquête. Les pouvoirs d’enquête, conférés pour un mois, porteront sur «les événements survenus à l’occasion de la manifestation du 1er mai». Le programme des auditions – à huis clos sauf exceptions -, devrait être fixé aujourd’hui par le bureau de la commission, avec l’objectif notamment d’entendre le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, dès lundi ou mardi, de source parlementaire.
La décision sur la commission d’enquête a été saluée de toute part. «Nul doute que toute la lumière sera faite sur ces faits qui nous ont choqués», a affirmé Richard Ferrand, patron des députés LaREM. Christian Jacob, président du groupe LR, a applaudi «une bonne décision» et Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, a salué un «acte de l’Assemblée dont l’importance ne doit pas nous échapper». Il a aussi proposé que les députés déposent une «motion de censure» du gouvernement, ce qui nécessiterait 58 signatures.
● Une autre vidéo exhumée
Selon une autre vidéo postée sur Twitter, il semblerait qu’Alexandre Benalla s’en soit aussi pris à une jeune femme le 1er mai. Ce que Taha Bouhafs avait déjà souligné dans une interview accordée à Sud Radio, dans laquelle il expliquait qu’il avait vu un homme «aller chercher une jeune fille (et) la tirer par le cou», avant de disparaître du champ quelques instants puis de revenir frapper le manifestant visible dans la première vidéo.
Un deuxième homme mis en cause
Le porte-parole de la présidence, Bruno Roger-Petit, a par ailleurs révélé qu’un deuxième homme avait lui aussi «outrepassé son autorisation». Comme Alexandre Benalla, Vincent Crase, gendarme réserviste et employé de LaREM, a écopé d’une «mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire». «Il a été mis également fin à toute collaboration entre lui et la présidence de la République», a précisé Bruno Roger-Petit.