Vidéo. Mosquée Assounna: les raisons d’une démolition controversée

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Crédits: Ayoub Ouajib

Face à la polémique, le délégué régional des Habous et des Affaires islamiques s’est rendu vendredi sur le chantier de la mosquée Assounna, à Casablanca. Dans la soirée, un communiqué officiel a été diffusé par le ministère, assurant que l’intégrité architecturale de cet édifice datant de 1968 sera respectée. Qu’en est-il au juste ?

La démolition partielle de la mosquée Assounna, située sur le boulevard 2 mars à Casablanca a fait réagir le ministère des Habous et des affaires islamiques. Deux jours après le communiqué de Casamémoire, dénonçant une « dégradation du patrimoine casablancais », le département d’Ahmed Taoufik a publié une mise au point. Les études réalisées pour la restauration de cette mosquée prennent en considération sa valeur architecturale et patrimoniale, a assuré le ministère dans un communiqué diffusé dans la soirée du 19 novembre par la MAP.

L’architecte chargé du chantier a privilégié une « technique reposant sur un minimum de modifications et respectueuse de l’intégrité structurale et architecturale » du lieu de culte, explique le ministère, en maître d’ouvrage.

Les travaux prévus se limitent à une opération de réfection et la rénovation, comprenant « le revêtement du sol à l’identique, la reconstruction du toit de la salle de prière, la réhabilitation du système de sonorisation et des réseaux d’électricité et d’assainissement, ou encore la salle d’ablution, outre les travaux de menuiserie et de peinture ».

Menaces d’effondrement

Toujours selon le ministère, un rapport d’expertise sur la solidité de la toiture de la salle de prière réservée aux femmes, réalisée par le bureau d’études SG concept et le Laboratoire méditerranéen du bâtiment et des routes (LMBR), a relevé de « sérieuses dégradations au niveau de la toiture qui menace de s’effondrer ». Le bureau d’études a alors recommandé sa « reconstruction à l’identique de son apparence structurale comme cela est en vigueur dans les opérations de restauration des monuments historiques ».

Le ministère assure aussi qu’il est « conscient de la valeur inestimable de ce patrimoine religieux, un style architectural en vogue au 20ème siècle et l’un des témoignages de l’architecture brutaliste dans les édifices religieux au Maroc ».

La mosquée est, en effet, l’une des plus emblématiques et connues de Casablanca. Elle a été réalisée en 1968 par Émile Duhon, l’architecte du roi Mohammed V. Sa démolition partielle a été dénoncée le 17 novembre par Casamémoire. « Notre indignation est d’autant plus légitime que la mosquée Assounna constitue l’une des pierres angulaires de l’argumentaire pour l’inscription de Casablanca sur la liste indicative de l’UNESCO, la demande présentée par le Maroc pour la ville de Casablanca, comme étant une Ville du XXème siècle, carrefour d’influences », s’insurgeait l’association.

Avant que le ministère ne publie sa mise au point, il a dépêché son délégué régional sur le chantier de restauration de la mosquée pour, selon lui, « rassurer l’opinion publique casablancaise ».

« Je voudrais rassurer les Casablancais, l’association Casamémoire, les architectes et tous ceux qui suivent cette opération; la mosquée Assounna est entre de bonnes mains », a indiqué Moulay El Mehdi Hamdaoui Alaoui, délégué régional du ministère des Habous et des affaires islamiques dans une déclaration à la presse, minimisant l’importance des travaux. La mosquée « va seulement faire l’objet d’une opération de restauration qui va durer 14 mois pour un cout total de 4,26 millions de dirhams et sera prête avant le mois de ramadan ».

Opacité dénoncée 

La présidente de Casamémoire s’est également déplacée sur le chantier. « Nous avons fait un communiqué pour essayer de comprendre pourquoi ce projet de réfection ou de restauration n’a pas été fait en concertation avec la société civile, notamment les associations qui sont partie prenantes dans la commission du patrimoine qui est établie par monsieur le Wali », nous explique Rabia El Ridaoui.

« Il y avait une opacité sur ce projet-là. On a vu des travaux, mais pas de panneau qui les explique. Notre rôle c’est de tirer la sonnette d’alarme », poursuit la présidente, soulignant que ce monument historique de Casablanca « a la particularité d’être moderne dans son aspect ».

DR.

La mosquée est fermée au public depuis près de deux mois. Dans une annonce collée sur la porte de l’édifice, la délégation provinciale du ministère des Habous et des affaires islamiques explique aux fidèles qu’il a été décidé de « fermer la mosquée Assounna à partir du mardi 21 septembre 2021 pour faire des travaux de rénovation et de restauration » et que c’est le ministère qui « s’en chargera ».

Un autre document plus récent, collé aussi sur la façade de la mosquée, indique lui que les travaux ont commencé le 21 octobre. On y apprend aussi le nom de l’architecte en charge: Hassan Tais.

La porte modifiée dans le passé 

« Est-ce qu’il y a un numéro d’autorisation affiché pour la restauration? » s’interroge de son côté l’architecte et ancien président de Casamémoire Rachid Andaloussi, joint par H24 Info. Et de poursuivre: « C’est une mosquée moderne qui a été construite par l’un des plus grands et éminents architectes du Maroc. C’est une donation d’un mécène du nom de Haj Omar Sebti ».

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Selon Rachid Andaloussi, une première modification a déjà eu lieu par le passé au niveau de l’entrée de la mosquée. « La porte de la mosquée était simple. Ils ont mis à la place une autre de style marocain, je ne sais pas pourquoi. Il ne fallait pas la toucher », regrette-t-il.

Lire aussi: Casablanca: démolition de la mosquée Assuna, l’une des plus anciennes de la ville

Pour notre interlocuteur, « cette mosquée a une identité et une personnalité. Elle a été écrite avec un langage architectural simple et moderne qui appartient au mouvement brutaliste. Certes, elle ne contient pas des éléments de l’architecture dite marocaine, mais Casablanca est une ville moderne et contemporaine qui comporte plusieurs courants architecturaux ». Et de conclure: « L’islam est d’ailleurs ouvert sur toute l’évolution et la progression des hommes ».

Ces autres dérapages patrimoniaux 

Le chantier de la mosquée Assounna n’est pas le seul à avoir fait polémique ces dernières semaines. Pas plus tard que début octobre, plusieurs citoyens et acteurs de la société civile s’étaient indignés face aux travaux de rénovation de la gare de Rabat-ville qui prévoyaient, dans un premier temps, la démolition d’une partie de la muraille almohade de la ville. Finalement, une « percée réduite sera effectuée », indiquait Omar Hyani, élu de l’Alliance de la fédération de gauche (AFG).

Le projet avait vivement été critiqué en 2019 par l’UNESCO, étant donné que le bâtiment, construit vers 1200 sous la dynastie des Almohades, est classé dans la liste de Patrimoine mondial.

Avant l’annonce cette semaine de sa transformation en hôtel Radisson, la façade du mythique hôtel Lincoln, à Casablanca, menaçait de « s’écrouler à tout instant sur la plateforme du tramway » en face.

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