Vidéo. A Tanger, l’association « Les Sourdoués » oeuvre pour l’insertion professionnelle des sourds

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Grâce à l'association, dix jeunes sourds ont été embauchés dans des groupes industriels internationaux. DR

A Tanger, une association a ouvert ses portes en mars 2019 dans le but d’accueillir les enfants et adolescents sourds issus de milieux défavorisés de la région. Elle est la seule à former ces jeunes ainsi que les employeurs en vue d’une insertion professionnelle adaptée. Reportage.

Mohamed a 25 ans. Il est devenu sourd à six ans, lors d’un accident. Après plusieurs petits boulots, il a trouvé une situation stable grâce à l’association des « Sourdoués » dont le centre communautaire a ouvert en mars 2019. Il y travaille actuellement en tant que professeur de langue des signes pour les autres bénéficiaires. « Avec cette association, on apprend beaucoup de choses, beaucoup de gens ont trouvé du travail grâce aux formations, nous sommes très heureux », témoigne-t-il.

« Formation, insertion, travail »

Opticienne de formation, Nadia Alami a été formée une année à Madrid à l’audioprothèse. Touchée par les jeunes sourds déscolarisés et isolés de la ville du Détroit, la présidente des « Sourdoués » souhaitait réinsérer ces exclus dans la société. Son crédo: formation, insertion, travail. Avec Laila Zida, seconde porteuse du projet et vice-présidente de l’association, elles ont pensé à un plan d’action dont la pierre angulaire est l’insertion professionnelle.

« Il fallait imaginer une stratégie pour accompagner tous les sourds de la région du Nord vers une vie décente et un épanouissement dans leur vie quotidienne », explique Laila Zida, également responsable du volet insertion de l’association. Ex-cadre au ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie Verte et Numérique, elle a sollicité son réseau d’industriels afin de conclure avec eux des partenariats de formations adaptées aux sourds.

 

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« Et ils ont dit oui. A l’heure actuelle, on compte dix jeunes insérés dans des grandes boîtes internationales d’aéronautique ou automobile », s’enthousiasme la vice-présidente pour qui la surdité s’apparente à « une petite déficience qui peut éventuellement être dépassée ». « Ce n’est pas un handicap, le sourd est un être à part entière qui a toutes les capacités de faire tout comme un entendant et d’avoir une vie décente sur tous les plans ».

« L’un de ces industriel souhaite embaucher deux autres bénéficiaires », renchérit la présidente qui témoigne de l’entière satisfaction des employeurs à l’égard du travail des employés sourds. « Si je pouvais avoir toute mon usine sourde, j’en serais heureux! » lui a confié le responsable en souriant. « Ce sont des personnes qui ont une grande force de concentration; lorsqu’on leur donne une tâche, ils ne font que ça et sont très respectueux des consignes », atteste-t-il.

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Grâce à l’association, dix jeunes sourds ont été embauchés dans des groupes industriels internationaux. DR

« La formation a commencé par les cours de langue des signes », raconte Nadia Alami. « C’était primordial pour leur rendre leur langage ». Les premiers « Sourdoués », pour la plupart issus d’une ancienne association tangéroise « Sourdimad », ont donné des cours au nouveaux adhérents. La présidente précise avoir choisi l’enseignement de la langue des signes en français afin d’offrir plus d’opportunités aux bénéficiaires, en termes professionnel mais également d’accès à la culture (films, séries, divers médias et activités).

Elle a par la suite sollicité son carnet d’adresses amical, afin d’organiser des ateliers aussi bien récréatifs que formatifs. Chaque semaine, les bénéficiaires participent à des cours d’informatique, de pâtisserie, coiffure, pétanque, broderie, tricot, perlage, arts plastiques, flamenco…dispensés par des professionnels bénévoles. « Les filles sont arrivées 3e à la dernière compétition régionale de pétanque », mentionne Nadia Alami avec fierté.

De plus, une convention avec l’OFPPT (Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail) a été signée. L’objectif? « Former des professionnels dans toutes les spécialités liées à l’industrie afin que le sourd ait accès à une panoplie de formations étatiques et certifiantes, et pour l’insérer dignement dans un milieu industriel », formule Laila Zida. Les professeurs de métiers bénéficient ainsi de deux types de cours de langue des signes (technique et communication) et seront certifiés au bout de deux ans. Ils seront alors aptes à recevoir les sourds en formation.

« Mettre les sourds et les entendants au même rang »

Sur la grosse centaine de bénéficiaires, l’association enregistre une cinquantaine d’adolescents ou jeunes adultes et une soixantaine d’enfants. Pour les plus petits, l’urgence est d’organiser leurs implants cochléaires à l’hôpital Cheikh Khalifa de Casablanca avec qui l’association a conclu un partenariat. Depuis l’ouverture du centre, 42 enfants ont été implantés par le Dr Khalid Snoussi, 18 autres sont prévus pour le mois prochain. « On a une liste d’attentes incroyable », informe la présidente.

« Le Maroc enregistre beaucoup de retard quant à la détection de la surdité. En Europe, ils font passer des tests dès la naissance alors qu’ici, c’est souvent au bout de quelques années que les parents s’aperçoivent que leur enfant n’entend pas », poursuit-elle. L’hôpital casablancais finance alors la moitié du prix de l’opération et la famille se charge de payer l’autre moitié. Une acte chirurgical d’une trentaine de minutes qui nécessite surtout un suivi orthophonique en amont et en aval.

 

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Implantée il y a six mois, Meryem, trois ans, suit des séances d’orthophonie avec Ryme Amiar qui travaille pour l’association en parallèle des consultations à son cabinet privé. « Cette petite restait toute la journée avec ses tantes, également sourdes. Je me suis battue pour qu’elle entre à la crèche afin qu’elle se sociabilise et imite ses camarades en ce qui concerne les comportements langagiers », explique la jeune orthophoniste. « Depuis trois mois, cela va beaucoup mieux, elle accepte de coopérer ». Grâce au travail progressif de l’orthophoniste, Meryem émet des sons depuis deux semaines, une victoire pour cette enfant qui était arrivée mutique à l’association.

« L’Etat ne fait pas grand chose pour les sourds », regrette Ryme Amiar qui souligne par la même occasion la discrimination subie par les enfants sourds quant aux inscriptions dans les écoles publiques. « Lorsqu’on essaye de scolariser un enfant, ils refusent sous prétexte qu’il va nécessiter trop d’attention. Même si l’enfant sourd n’a habituellement pas le même niveau scolaire qu’un entendant de son âge, l’école pourrait l’accepter dans une classe inférieure. Normalement, ils n’ont pas le droit de le refuser », s’indigne la praticienne.

Un projet de création d’écoles spécialisées pour les implantés cochléaires porté par plusieurs association est d’ailleurs en cours de réflexion, nous livre Laila Zida, convaincue de la « réelle possibilité de mettre au même rang les sourds et les entendants dans le milieu professionnel ».

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