Vacances au Maroc: « C’est important de soutenir le tourisme national » (témoignages)
Publié leFrontières fermées obligent, les Marocains passeront l’été au Maroc. Une étude de l’ONMT (Office National Marocain du Tourisme) sur les ambitions de voyages des Marocains dans ces conditions post-confinement révèle que 70% des sondés souhaitent voyager dans le royaume. Comment les Marocains se préparent-ils à vivre cet été particulier? Clients et professionnels témoignent.
« Même si les frontières s’ouvrent, j’ai décidé que j’allais voyager au Maroc en famille en variant entre terre et mer. On a vraiment besoin de s’imprégner de la campagne et des habitants après ce confinement de trois mois dans un appartement. Les enfants ont besoin de se détendre et jouer dans de grands espaces. Nous irons sûrement dans le Sud », énonce Najat, 34 ans, mère de deux enfants. Pour cette directrice de comptes dans un centre d’appels à Rabat, « c’est important de soutenir le tourisme local » tout en évitant de prendre des risques en voyageant à l’étranger.
Comme Najat, 70% des Marocains souhaitent voyager au Maroc cet été, selon les estimations de l’ONMT partagées le 18 juin dernier. Cette étude interroge 2.800 personnes issues de la population marocaine urbaine de l’ensemble des régions, âgées de 18 à 75 ans et représentant toutes les catégories socio-professionnelles.
« L’incertitude sur la mobilité, les contraintes économiques et sanitaires, mais aussi les prises de conscience patriotique sont autant d’éléments qui font que les Marocains optent pour un tourisme majoritairement domestique cet été », lit-on dans un communiqué de l’Office.
« Nature et bords de mer »
« Ainsi, plus d’1 personne sur 2 compte voyager en petite famille (couple + enfants), essentiellement les 35 à 55 ans, les habitants de Souss-Massa et ceux du Sud. Les catégories AB et les plus de 55 ans sont plus nombreux à vouloir voyager en couple alors que les 25 à 34 ans préfèrent voyager seuls », rapporte l’ONMT.
L’étude déclare aussi que 36,5% des sondés envisagent de visiter la famille, 29,1% d’aller en bord de mer et 26,6% d’opter pour la nature. Les amateurs de la mer s’enregistrent surtout parmi les AB, les 18-34 ans, les habitants de Casablanca-Settat et de Fès-Meknès. Quant aux amateurs de voyages dans la nature, ce sont les C1, les 55-64 ans et les habitants de Tanger-Tétouan-Al Hoceima qui s’illustrent le plus fortement.
« Pour mon été au Maroc, je privilégie les maisons d’hôtes et gîtes car je soutiens l’économie solidaire. Par contre, cela me pose problème de prendre les transports en commun actuellement donc je dois mobiliser des amis véhiculés », raconte Samir, 37 ans, responsable RH à Casablanca. « Idéalement, j’aimerais aller vers Chaouen, Ouezzan, ou encore les régions d’Essaouira, de Marrakech, notamment la vallée des Aït Bouguemez », poursuit-il.
C’est dans cette vallée que Nadia et ses amis ont déjà réservé quelques nuitées le mois prochain dans un écolodge situé au pied du Mgoun. »Ce n’est pas un phénomène nouveau pour nous de voyager au Maroc, on aime beaucoup. On se dirige toujours vers des hôtels un peu perdus dans la nature », explique cette juriste casablancaise de 25 ans.
Créé il y a une dizaine d’années, ce camp authentique se présente comme « un lieu rare, ressourçant et énergisant (…), idéal pour partir à la rencontre de la culture berbère et pour arpenter les chemins d’une nature exceptionnelle et des montagnes préservées ». « Loin d’un tourisme de masse ou d’un «prêt–à–voyager» souvent impersonnel », il attire plutôt les étrangers et quelques nationaux, explique son propriétaire, Saïd Marghadi, qui affiche déjà complet pour la saison naissante.
« Mais il s’agit seulement des habitués étrangers résidents au Maroc et des nationaux, pas de nouveaux clients », précise-t-il, même s’il reconnait que « ces dernières années, il reçoit de plus en plus de jeunes cadres ou cadres supérieurs des grandes villes du royaume et qui ont la fibre verte ». Côté prix, il n’a établi « aucune offre particulière » au regard de la situation économique actuelle. « Je traite au cas par cas comme d’habitude: avec remise selon le nombre de nuitées et je donne la priorité aux familles. Si tu baisses les prix de 40 à 50%, cela t’oblige à baisser la qualité et ce n’est pas dans notre philosophie », argumente-t-il.
« Un problème de pouvoir d’achat »
Le prix des offres touristiques au Maroc est d’ailleurs souvent l’élément principal qui rebute les Marocains à séjourner dans leur pays. « Nous aimons beaucoup voyager au Maroc mais malheureusement, cela coûte plus cher qu’en Europe, qu’en Espagne par exemple, donc je peux comprendre que certains Marocains ne puissent pas se le permettre », commente Nadia.
Son ami Kamal, 33 ans, consultant manager dans une multinationale à Marrakech, confirme en ces termes: « je voulais prendre mon congé en septembre pour aller en Espagne, à la Costa del Sol, car s’y trouve une meilleure offre, une meilleure qualité de services par rapport au Maroc où les prix pratiqués ne sont pas du tout abordables pour les Marocains ». Et d’ajouter: « Si jamais j’ai la possibilité de partir finalement à l’étranger, je le ferais sans hésiter ».
Cette contrainte d’ordre tarifaire se révèle d’ailleurs dans l’étude de l’ONMT puisque 57% des personnes interrogées préconisent comme principales mesures de motivations des offres promotionnelles adaptées. Vient ensuite l’application de mesures sanitaires strictes au niveau des établissements touristiques (55%).
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Ainsi, l’ONMT souhaite que ces données profitent aux opérateurs du secteur du tourisme afin qu’ils aient un outil marketing sur lequel se baser pour adapter leurs offres aux attentes spécifiques des Marocains. A ce propos, Sara Mekouar, directrice d’une agence de voyages basée à Casablanca, estime que « les partenaires ont joué le jeu ». « La plupart des hôtels -même les plus luxueux- proposent un rabais de 30 à 40% mais avec des dates limite de réservation, et vu les circonstances, le client marocain ne peut pas se décider à l’avance », poursuit la professionnelle qui souhaite également « soutenir le tourisme marocain ».
« Les établissements accordent également une annulation gratuite (avec remboursement en avoirs) même le jour J alors que d’habitude, c’est impossible en période estivale. Ils offrent aussi parfois la gratuité pour les enfants ou autres promotions », renchérit Mekouar.
Côté clients, la directrice d’agence confie « avoir reçu déjà pas mal de réservations » depuis leur réouverture il y a deux semaines, même s’il s’agit seulement d’1% du taux de réservation de l’an dernier. Elle note également que « les Marocains réservent plus que d’habitude » mais qu’ « il y a un problème de pouvoir d’achat » et que « la demande est globalement mitigée ». « Certains veulent profiter de l’offre locale, d’autres préfèrent attendre l’ouverture des frontières, surtout pour aller en Espagne où le produit touristique revient souvent beaucoup moins cher rapport qualité/prix », explique l’opératrice. En effet, quelques 500.000 Marocains passent chaque année leurs vacances d’été sur la Costa del Sol.
Pour rappel, l’ONMT a lancé en partenariat avec le ministère du Tourisme une campagne publicitaire sous le slogan «ntla9awfbladna» pour inciter les vacanciers à la préférence nationale.