Sahara: «La position française se déterminera en fonction de facteurs économiques et géoéconomiques» (Institut EGA)

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"Il n'est pas inenvisageable que, dans un avenir à l'horizon toujours incertain, au sujet du Sahara, la France franchisse le pas en s'alignant sur les positions de ses alliés américains et espagnols", Alexandre Negrus, président de l'Institut EGA. DR

Quel statut pour le Maroc vis-à-vis de la France et de l’Europe? A travers cette question, l’Institut d’études de géopolitique appliquée (EGA) analyse les enjeux relationnels entre les trois espaces dans divers domaines, et évoque notamment la position française quant au Sahara marocain. 

L’Institut d’études de géopolitique appliquée (EGA) vient de publier un rapport rédigé sous la direction de Manon Chemel et d’Alexandre Negrus, président-fondateur de ce laboratoire d’idées français fondé en 2015 et spécialisé sur les relations internationales.

Ce dernier revient dans une interview accordée au Point Afrique sur les principaux enjeux géopolitiques, géoéconomiques et sociaux autour de la question « Le Maroc: quel statut vis-à-vis de la France et de l’Europe? ». Il plaide en ce sens pour un « renouvellement du prisme français », une « approche renouvelée, afin d’en finir avec certaines postures », ainsi qu’avec « les schémas traditionnels, afin de soutenir une relation équilibrée et gagnant-gagnant ».

« Les relations entre Paris et Rabat sont polarisées entre enthousiastes et détracteurs mais l’approche théorique et pratique doit se faire à l’aune des évolutions contemporaines. Le Maroc assume aujourd’hui un nouveau statut que la France et l’Union européenne doivent prendre en compte », introduit le juriste en droit international public. 

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Notant « la tension sourde » installée depuis plusieurs mois entre les deux pays, notamment en raison de la « réduction drastique des visas » accordés par la France aux Marocains, Alexandre Negrus souligne que la perduration de cette crispation serait « une mauvaise nouvelle pour la France, tant le Maroc affiche désormais son ambition de devenir la nouvelle puissance régionale et le point d’entrée incontournable vers l’Afrique de l’Ouest francophone ».

« Le Maroc se positionne comme une puissance émergente, ambitieuse »

« Cet épineux dossier entache une coopération plus large qui est par ailleurs efficace dans nombre de domaines » comme la lutte contre le terrorisme ou encore la maîtrise des flux migratoires. D’autant plus que « le Maroc se positionne comme une puissance émergente, ambitieuse, et dont la stabilité est une garantie pour la France et l’Union européenne ». « Mais la France et l’Union européenne ne peuvent prétendre à des parts de marché, notamment en Afrique de l’Ouest francophone, sans qu’il y ait une contrepartie à la hauteur pour les autorités marocaines », soulève le président de l’Institut EGA.

On pense ainsi à la question de la reconnaissance du Sahara marocain par l’Hexagone. « La France et d’autres États membres de l’Union européenne sont, à des degrés divers, favorables au plan d’autonomie avancé par le Maroc. Les positions de chacun dépendent d’un certain nombre de facteurs », avance Negrus.

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« Il est évident que le Maroc est un partenaire de poids et il n’est pas inenvisageable que, dans un avenir à l’horizon toujours incertain, au sujet du Sahara, la France franchisse le pas en s’alignant sur les positions de ses alliés américains et espagnols. Il n’est pas non plus incohérent d’imaginer la France faire valoir une position moins explicite, ce qui serait en revanche à son désavantage car ne réglerait pas la situation et affecterait davantage ses intérêts à long terme », analyse-t-il.

Et de trancher: « La position française sur la question du Sahara se déterminera ainsi en fonction de facteurs économiques et géoéconomiques. Les autorités marocaines ont saisi que leur croissance économique sera un facteur clé des futurs positionnements des principales chancelleries. »

« La France ne devrait pas négliger son partenaire marocain »

D’autre part, le Maroc s’avère endosser le rôle d’intermédiaire judicieux entre le Nord et le Sud pour favoriser les partenariats équilibrés.

« Les Européens, d’une part, cherchent à consolider leurs affaires et à obtenir de nouvelles parts de marché en Afrique, notamment dans l’Ouest francophone, en comptant sur l’appui du Maroc pour y parvenir; d’autre part, le royaume du Maroc, qui consolide son économie et émerge en tant que puissance, attend une considération plus représentative et équilibrée de ce qu’elle permet à ses partenaires », explique l’interviewé au Point Afrique.

Après son séjour en Algérie en août dernier, le président français Emmanuel Macron avait annoncé se rendre au Maroc « en octobre 2022 », sans donner suite ni commentaire. Toujours dans son intérêt, la France ne devrait pas « négliger son partenaire marocain avec qui les alliances peuvent s’avérer efficaces dans le cadre d’une vision stratégique de long terme », au profit du dialogue franco-algérien, « fortement axé autour de la question mémorielle » et du « besoin gazier ».

« D’autant plus que le Maroc dispose d’une situation géographique avantageuse, en tant que façade atlantique et méditerranéenne », précise le spécialiste. « La diplomatie française aurait à gagner à analyser en profondeur son calcul entre alliances de circonstances et alliances historiques et stratégiques à horizon lointain. »

Et de conclure plus généralement: « L’Europe et l’Afrique doivent promouvoir un modèle d’intégration régionale équilibrée, sans domination de l’un au détriment de l’autre, en capitalisant sur un partage d’expériences. (…) La coproduction entre l’Europe et l’Afrique est une solution, sûrement plus pertinente à celle de la logique purement commerciale. (…) ». 

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