Qui se cache derrière l’enquête d’Eekad sur des comptes « marocains » pro-Israël ?

Publié le
eekad
eekad

Eekad, qui se définit sur X (ex-Twitter) comme la première plateforme d’investigation open-source de la région arabe, a mené ce qui s’apparente à une enquête sur des trolls qui se font passer pour des comptes marocains pro-Israël. Qu’en est-il vraiment ?

La twittoma marocaine est en ébullition depuis hier soir en raison des dernières « investigations » d’Eekad, qui révèle l’existence de faux comptes créés pour manipuler l’opinion publique marocaine et renforcer le sentiment de tolérance des Marocains envers l’idée de la normalisation avec Israël.

« Alors que vous suivez les développements de l’opération +Déluge Al-Aqsa+, vous avez sûrement remarqué l’émergence de certains comptes marocains qui soutiennent fortement Tel-Aviv, attaquent farouchement les brigades d’Al-Qassam et la résistance et l’offensive contre Israël », peut-on lire d’emblée dans l’introduction de l’enquête.

La plateforme explique que son enquête a commencé par l’analyse de ces comptes sur X, laquelle analyse a révélé qu’il s’agissait de comptes organisés possédant plusieurs caractéristiques qui le confirment. Ils répètent les mêmes termes avec précision, les mêmes émojis sont utilisés dans le même ordre, interagissent avec les mêmes comptes connus.

« En prenant un grand échantillon de ces comptes et en examinant leur activité antérieure, nous avons remarqué que la plupart d’entre eux ont été créés ou ont accru leur activité peu avant décembre 2020, soit préalablement à normalisation avec Israël », écrit Eekad, précisant qu’ils ont été montés pour « préparer la normalisation et susciter un soutien populaire en sa faveur ».

Outre le compte « Hoda_Jannat » qui a été supprimé, voire désactivé vendredi, l’enquête s’est focalisée particulièrement sur un certain « Dr. David Levy ».

« Le jeune Levy aux traits européens est un personnage fictif et sa photo n’existe pas. En l’analysant, nous avons constaté qu’elle a été créée grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-on.

Des conclusions « solides », selon Marouane Harmach

Joint par H24info Marouane Harmach, fondateur de Consultor, un cabinet de consulting en dématérialisation et communication digitale, explique que « L’étude est réalisée par la société Eekad dont on ne sait rien sur son implantation, son financement, ses commanditaires et sa crédibilité. Quelques indices laissent penser que ce sont des Qataris ».

Marouane Harmach, fondateur de Consultor, un cabinet de consulting en dématérialisation et communication digitale
Marouane Harmach, fondateur de Consultor, un cabinet de consulting en dématérialisation et communication digitale

Toutefois, l’expert en communication digitale souligne que « l’analyse du contenu publié par Eakad et des preuves avancées démontre la solidité des conclusions. La stratégie d’infiltration d’Israël est une forme de guerre de l’information (appelée Hasbara en hébreu ou propagande) qui vise à manipuler la perception publique marocaine mais aussi dans d’autres pays arabe ».

Ladite stratégie se fixe comme objectifs de « promouvoir l’idée que la normalisation des relations avec Israël est une tendance dominante », estime Harmach.

« Ces comptes cherchent à créer une fausse image de consensus national ou d’acceptation sociale. Cela peut conduire à un soutien de la normalisation avec Israel au sein des Marocains sur la base de cette perception erronée de la majorité en utilisant de faux comptes et des bots », explique-t-il.

Evoquant la « création de divisions entre le Maroc et l’Algérie », Marouane Harmach relève qu’en « exacerbant les tensions entre le Maroc et l’Algérie, ces comptes cherchent à créer encore plus de tensions entre les deux nations avec comme répercussions la détérioration des relations bilatérales et des conséquences potentiellement graves sur la stabilité et encore une fois Israël est la grande gagnante de ce conflit ».

S’agissant des mesures de sécurité numérique et cybernétique, Harmach relève que la « menace posée par ce type d’infiltration souligne l’importance pour les pouvoirs publics de renforcer la sécurité numérique nationale. Des mesures telles que la surveillance des médias sociaux, la sensibilisation du public aux tactiques de désinformation et de lutter contre cette désinformation qui est un outil indirect d’ingérence étrangère ».

La main invisible du Qatar derrière ?

La réaction de plusieurs comptes marocains n’a pas tardé après ces révélations. Et la plupart ont pointé du doigt l’implication du « deep state » qatari dans cette enquête.

Parmi eux, Simo Ben qui, avant de dévoiler les pays d’où opèrent les détectives virtuels d’Eekad, notamment le Qatar (6) et la Turquie (2), affirme que cette plateforme est l’une des branches médiatiques financées par le Qatar et dirigée par Azmi Bishara, un arabe israélien, ancien membre de la Knesset.

Un consensus a été érigé depuis par la majorité des autres internautes autour de l’implication du Qatar dans ce projet.

Dans un ancien article, le média Al-Araby Al-Jadeed (Le Nouvel Arabe), fondé et financé par le Qatar, avait qualifié Eekad de plateforme « leader » dans le monde arabe en matière d’enquêtes et d’investigations. Ces qualificatifs élogieux confortent eux aussi l’idée selon laquelle le Qatar aurait des accointances étroites avec ladite plateforme.

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

Qui se cache derrière l’enquête d’Eekad sur des comptes « marocains » pro-Israël ?

S'ABONNER
Partager
S'abonner