Phobie scolaire: comment rassurer son enfant ?

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Dr Hachem Tyal, psychiatre. DR

À l’approche de la rentrée, certains élèves sont anxieux de retourner sur les bancs de l’école. Hachem Tyal, psychiatre, revient dans cet entretien sur la notion de phobie scolaire ou de « refus scolaire anxieux » qui paralyse l’enfant, et même l’adolescent à l’idée d’aller à l’école. Comment réagir face à un enfant qui a peur d’aller à l’école? 

H24Info: Qu’est-ce que la phobie scolaire ? 

Dr Hachem Tyal: la phobie scolaire est une peur immense, une terreur. Il s’agit d’une panique à l’idée d’aller à l’école, ce qui bloque l’enfant et l’empêche d’aller en classe. Ce phénomène apparaît souvent dans les petites classes, mais il arrive qu’il touche aussi les collégiens et les lycéens durant l’adolescence. Cette peur est particulière car l’enfant n’arrive pas à savoir de quoi il a peur. S’agit-il de l’enceinte de l’établissement? Est-ce l’école elle-même ? Les autres élèves ou encore les enseignants ? En tout cas, il ressent simplement une peur qui le dépasse et le terrorise.

Comment se manifeste-t-elle chez l’enfant ?

Il peut y avoir, en plus de l’immense peur, des symptômes physiques comme des diarrhées, de la tachycardie, de la transpiration, des symptômes physiques qui s’apparentent à ceux des classiques attaque de panique. Ça commence le plus souvent chez les enfants en cours préparatoires mais on retrouve également ces angoisses chez les élèves de 11 à 13 ans (années de collège) chez lesquels élèves le tableau clinique est un peu différent. Il est important de préciser ici qu’il s’agit d’une problématique différente de celle des élèves qui font l’école buissonnière ou ceux qui sont dans le désinvestissement scolaire.

Souvent, face à l’importance des manifestations d’angoisse, les parents des enfants en proie aux phobies scolaires cèdent à leurs enfants. Cette symptomatologie est aussi spécifique par le fait que les enfants ne cachent pas leur souffrance aux parents comme cela se passe dans d’autres troubles de l’enfance et adolescence et est sans raison identifiée le plus souvent.

Il est important de faire le diagnostic de cette pathologie car, chez l’adolescent en particulier elle peut être à l’origine d’isolement ou de déviance les adolescents pouvant fuir l’école dont ils ont peur et se retrouver en groupes avec tous les risques liés comme la toxicomanie ou encore des comportements délétères.

Quelles en sont les causes ? 

Autant les enfants ont du mal à verbaliser cette peur, autant les adolescents parlent de difficultés rencontrées avec les enseignants ou des rapports avec les autres élèves dont ils ne supportent pas le regardqui expliquent à leurs yeux leurs angoisses. Il peut s’agir parfois aussi de la perte d’un être proche, du fait de changer d’établissement scolaire, d’une agression subie à l’école ou en dehors.

Chez les petits, aller à l’école les renvoie, dans leur système représentationnel, à la séparation avec les parents ce qui peuvent amener, chez eux, le réveil de quelque chose qui n’est pas arrivé à maturité au niveau psychologique. Ils imaginent alors la confrontation de ce milieu sans la présence de ceux qui les sécurisent à savoir les parents, et c’est ce qui leur fait peur.

Chez le jeune adolescent, leur peur est surtout liée au fait que pendant l’adolescence, il y a énormément de choses qui se passent au niveau psychologiqueliées au fait qu’ilest nécessaire à ces âges de passer de structures de penser spécifiques à l’enfance àcelles de l’adulte. C’est donc un moment particulier de fragilisation, car une modification est en train de s’opérer; les enfantssontalorsà la merci de beaucoup de choses qui peuvent se passer en eux aussi bien au niveau psychologique que physique.

Le phénomène s‘observe-t-il au Maroc et dans quelle mesure ?

Évidemment, ce phénomène s’observe au Maroc, de la même manière qu’il s’observe ailleurs, même si nous n’avons pas de statistiques précises. Les cas recensés par les pédiatres, les pédopsychologues et les psychologues sont loin d’être rares. Dans un nombre non-négligeable de cas, un accompagnement des parents et des enfants est nécessaire. Les parents sont souvent désemparés face à cette situation. Ils ne savent pas s’il faut user de la force, ce qui pourrait dissiper la crainte, ou temporiser et ou encore faut-il laisser l’enfant chez lui ? La répercussion sur le fonctionnement familial est importante et donc la prise en charge l’est aussi.

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Quels conseils aux parents pour prévenir la phobie scolaire ?

Il est essentiel de ne pas répondre à la demande de l’enfant de rester chez lui. Plus, on fuit la situation de peur, plus elle nous submerge. Il est important de la dépasser. L’enfant doit être accompagné pour qu’il puisse y aller malgré tout à cette école qui l’effraie à ce point.

C’est là où l’accompagnement des parents est important. Il faut faire preuve d’une fermeté non-agressive, avec écoute et compréhension à travers des messages implicites. Il ne faut surtout pas se laisser aller à nos propres émotions en tant que parents. Ceci risque de compliquer la situation. Le fait d’être accompagné par un spécialiste leur permettra d’être recadré dans la manière de gérer cette situation. Cela leur facilitera beaucoup les choses.

Des conseils pour la gérer une fois installée ?

Dans un certain nombre de cas, l’accompagnement du parent ne suffit pas. Celui de l’enfant devient important dans ce cas. Il s’agitalors de donner la possibilité à l’enfant de définir ce à quoi renvoient les émotions qu’il ressent. Chez les adolescents par exemple, on retrouve dans un nombre non-négligeable de cas des problèmes liés aux autres élèves ou à la personnalité d’un enseignant en particulieret on les aide alors à régler ces problèmes. Mais il peut tout à fait arriver que l’enfant ou le jeune ne sache pas l’origine de son angoisse. Le travail sera différent dans ce cas. En résumé, il faut accompagner, ne pas se laisser aller à ses émotions, faire preuve de fermeté, ne pas accepter le retour à domicile et être aidé par des spécialistes. Tout cela permet de dépasser un moment de la vie de l’enfant en lui donnant la possibilité de vivre comme les autres élèves en pâtissant le moins possible d’une situation qui éveille chez lui des émotions incontrôlées et incontrôlables.

On parle aussi beaucoup ces dernières années du phénomène de harcèlement scolaire. Que pouvez-vous en dire ?

C’est quelque chose d’absolument terrible, pour l’avoir vécu avec quelques enfants. Cela fait souffrir l’enfant de manière insupportable. Il y a une domination du harceleur et il y a un phénomène de groupe, car il est nécessaire pour le harceleur d’avoir des spectateurs. C’est donc tout le groupe qui devient harceleur. De plus, il y a une volonté manifeste de nuire donc la souffrance est poussée à son extrême. On observe tout cela de plus en plus dans le cyber-harcèlement. C’est un paramètre qui peut venir induire ou aggraver la phobie scolaire. C’est important de donner la possibilité aux jeunes d’en parler, dans les écoles, organiser des journées de sensibilisation… C’est dans ce sens qu’on peut réduire le taux de suicides, acte vu par eux comme unique issue quand il a peur d’en parler, ce qui est extrêmement grave et surtout évitable si on fait le nécessaire aussi bien au niveau des établissements scolaires que des parents.

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