Le Berger malinois victime de son succès, la préservation de la race menacée par l’élevage clandestin

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Image d'illustration. Crédit: DR.

La mode des Malinois au Maroc date de quelques années. Les éleveurs se plaignent d’une hausse de la production clandestine de cette race convoitée pour son bas prix, sa forte capacité de reproduction, mais aussi son intelligence et son bon caractère. 

Si le phénomène ne date pas de cette année, il persiste. Dans les rues marocaines, on observe de plus en plus de chiens malinois gambader à côté de leurs maîtres. «Avoir un Malinois est devenu un statut plus qu’autre chose. Un peu comme les motos chinoises, si tu n’en as pas tu n’es pas in. C’est un signe d’appartenance, de bad boy pour intimider et protéger dans les quartiers chauds», constate Simo Laraqui, éleveur au Domaine du Misti, à Casablanca.

«70% des animaux de compagnie au Maroc sont des chiens. Malheureusement aujourd’hui, il ne s’agit plus d’adopter par envie mais par effet de mode. L’an dernier, c’était le Malinois, l’année prochaine, ce sera peut-être le rottweiler et la suivante un autre, et ainsi de suite», commente de son côté Mohamed Smimi, éleveur, dresseur et spécialiste du Malinois, propriétaire du Domaine du Prestigia dans les environs de Casablanca.

Comment expliquer un tel engouement ? Le Malinois fait partie des quatre types de bergers belges, il tient son nom de la ville de Malines. Malgré sa réputation de chien dangereux, il n’est pas classé parmi les espèces dangereuses. Il est parmi les chiens les plus demandés au Maroc actuellement. «Beau, gentil, gros travailleur, doté d’une bonne santé… Confié entre de bonnes mains, il devient la bête imbattable toutes catégories», poursuit Mohamed Smimi.

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«Certes, c’est un des meilleurs chiens au monde, à tous les niveaux : mental, physique, force, agilité, dressage facile», confirme Simo Laraqui. Mais au-delà de son bon caractère, le Malinois a la cote car c’est devenu «le chien le moins cher et le plus disponible», bénéficiant d’une forte capacité de reproduction et de survie.

«L’offre est ultra-supérieure à la demande. On trouve des malinois dans les marchés et auprès de particuliers en ligne à partir de 200 DH, mais ils n’ont de malinois que le nom et la couleur», développe notre interlocuteur qui constate que même avec pedigree (document attestant de la race), certains Malinois se vendent à moins de 5000 DH alors qu’un tel chien vaut dans les 7000 et 8000 DH. Ces chiens vivent d’ailleurs souvent dans des conditions qui ne correspondent pas à leurs besoins, dans des logements ou terrasses trop à l’étroit.

« Le particulier tue l’éleveur et la race »

En effet, l’essor d’un marché tenu par les particuliers sans règlementation ni vérification est en train de «tuer l’éleveur et la race». Ce fort taux de reproduction du Malinois au Maroc date d’il y a environ deux ans et coïncide avec la période du confinement sanitaire.

«C’était la meilleure période de vente pour nous, éleveurs, du jamais vu. Privés de rencontres amicales et familiales, les gens ont remédié à la solitude par l’achat de chiens. Je n’avais plus rien dans mon élevage, idem chez les confrères. Nous avons vendu en masse, et aujourd’hui, nous subissons le revers de la médaille car tous les chiens des particuliers sont en train de mettre bas et concurrencer les vrais éleveurs, c’est ça le vrai problème au Maroc. Le particulier tue l’éleveur et la race», regrette Simo Laraqui.

Un phénomène entretenu autant par le client «qui n’est pas exigeant et achète sans se poser de question sur l’origine des chiens» que par ces «éleveurs clandestins qui ne donnent pas le bon choix par souci unique de vendre et gagner de l’argent», souligne Mohamed Smimi qui note aussi une «détérioration de la race».

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La majorité des chiens vendus sur le marché sont croisés et non de race pure. «Nous recevons beaucoup de Malinois dans notre clinique pour des vaccins ou toilettages et leurs propriétaires demandent de vérifier s’il s’agit d’une race pure. La majorité des cas sont des races mélangées. Le vétérinaire peut facilement l’identifier à travers les pattes, le nez, les yeux…», explique Amine Gamrani, manager à l’animalerie Allocroquettes et la clinique vétérinaire affiliée dans le quartier du CIL, à Casablanca.

La vérification est difficile d’établir à la naissance du chiot pour les non-initiés car «le chiot nait avec l’aspect d’un malinois mais c’est après deux ou trois ans qu’il change, et même dans son comportement qui devient moins actif ou éduqué que les malinois purs», détaille le spécialiste qui précise que ces croisements de race se retrouvent pour d’autres espèces d’animaux de compagnie, notamment les chats siamois.

« Mauvaise réputation »

Le taux de reproduction élevé des Malinois croisés a provoqué «beaucoup de conséquences» sur la race qui est «une race de travail, très intelligente, faite pour l’utilité comme les disciplines sportives, le ring français, belge et autres, et l’intervention policière armée type GIGN en France (Gendarmerie d’intervention de la gendarmerie nationale, ndlr) ou encore la détection dans les gares et aéroports ».

Et de prévoir: « Quand les gens vont commencer à s’intéresser à la race, ils vont se rendre compte que ces Malinois ne peuvent pas suivre le rythme pour avoir des résultats dans ces disciplines pointues. Alors ils vont commencer à se tourner vers les éleveurs de qualité».

«Le Malinois a une très mauvaise réputation aujourd’hui, principalement à cause des maîtres qui ont acheté des chiens uniquement pour les acheter et qu’on voit lâchés dans les rues, à attaquer des gens, pas du tout dressés… Cela a pollué un peu l’image de cette race, qui est très intelligente, très agile, très fluide à dresser», déplore encore Mohamed Smimi.

«Le monde canin a beaucoup changé depuis dix ans. A l’époque, le chien avait une mauvaise image par rapport à la religion et la tradition, c’était une autre mentalité. Les choses ont évolué et aujourd’hui, beaucoup de familles adoptent un chien. Mais le manque d’encadrement risque de faire connaître à toutes les races le même destin que celui du Malinois», entrevoit-il, en encourageant dans ce sens la création de clubs de travail.

De son côté, Simo Laraqui appelle aussi à réglementer le secteur du particulier ou du passionné, pour des chiens avec ou sans pedigree, afin d’assainir le domaine, préserver la race, quel que soit l’animal, et limiter les abandons, comme on peut le remarquer actuellement avec le husky, aussi à la mode et qui subit selon l’éleveur un abandon chaque deux jours.

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