HRW réclame une enquête « sérieuse » sur les accusations de torture des détenus du Hirak

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Pour l’ONG internationale, le refus du tribunal d’enquêter sur les accusations de tortures sur les détenus du Hirak est aux antipodes des «obligations du Maroc et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants».

Human Rights Watch (HRW) appelle les autorités marocaines à ouvrir une enquête «sérieuse et probante» sur les accusations de torture portées par des manifestants du «Hirak» du Rif contre la police marocaine. Dans un communiqué publié mardi 5 septembre sur sont site, l’ONG internationale mentionne des rapports de médecins légistes faisant état de lésions sur des détenus du Rif. Ces derniers affirment en effet avoir été contraints par la police à signer leurs procès-verbaux sans les lire.

216 manifestants derrières les barreaux

Depuis le début du mouvement du Hirak en octobre 2016, soit juste après la mort du poissonnier Mohcine Fikri, 216 manifestants se sont retrouvés derrière les barreaux. 47 d’entre eux attendent leur jugement à la prison de Oukacha, à Casablanca, tandis que les autres ont été condamnés (32 hommes) ou sont en attente de jugement à la prison régionale d’Al Hoceima, souligne HRW, citant des sources bien informées. Et de souligner qu’onze manifestants condamnés ont pu être examinés par les médecins.

Dans la même veine, l’organisation de défense des droits de l’Homme évoque la fuite début juillet d’extraits de rapports des médecins légistes. Ces documents faisaient état de graves abus policiers sur des manifestants détenus, bien que la Constitution marocaine de 2011 interdit le recours excessif à la force. Ces fuites n’ont pas empêché la Cour d’appel d’Al Hoceima de confirmer les condamnations le 18 juillet dernier.

Les 32 manifestants ont été condamnés sur la base de leurs «aveux» à la police, indique le jugement du tribunal d’Al Hoceima. Pourtant, note HRW, les mis en cause ont tous réfuté ces aveux devant le juge et le procureur, ajoutant qu’ils ont été forcés de signer leurs procès-verbaux (PVs) d’interrogatoire. Ces contestations ont été rejetées.

Entre autres accusations, HRW explique qu’après avoir constaté des lésions et autres blessures sur dix détenus, les examens ordonnés par le procureur ont davantage consisté à soigner les blessés qu’à établir si leurs blessures sont le résultat de mauvais traitements. Le juge a également réfuté la demande des avocats concernant la conduite d’un examen médico-légal en bonne et due forme des détenus qui se plaignaient d’abus policiers. Motif: «le tribunal n’ordonne une expertise que quand il entend l’utiliser pour l’aider à établir sa conviction intime quant à la condamnation ou à l’acquittement», rapporte HRW. Cet examen médical a été également qualifié de non probant.

Pour HRW, le refus du tribunal est aux antipodes des «obligations du Maroc en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants».

Rapport du CNDH

Les 32 condamnés ont tous rejeté leur PV, et au moins 25 ont déclaré avoir été contraints de les signer sans les lire, et ce, sous la menace. D’autres ont été menacés d’être «transférés à Casablanca», ce qui leur aurait valu des chefs d’inculpations plus graves. Lorsque leurs avocats ont demandé l’invalidation des PV, le tribunal a refusé, estimant que «la menace de transférer des suspects dans une autre ville n’était pas crédible, car un tel transfert n’est pas la prérogative de la police». Les condamnations ont ainsi été confirmées, mais néanmoins réduites. Mais en l’absence, à ce jour, d’un verdict écrit, HRW déplore l’impossibilité de connaître le raisonnement ayant conduit à cette décision, ou le rôle joué par le rapport du CNDH.

HRW cite par ailleurs les conclusions d’un des médecins légistes, qui indique que les allégations de mauvais traitements des condamnés à la préfecture de police d’Al Hoceima sont «globalement crédibles, par leur concordance et par l’existence de symptômes physiques et psychologiques, et parfois de traces physiques hautement compatibles avec les sévices allégués». Les deux médecins ont donc demandé une enquête sur ces allégations et recommandé des soins médicaux et psychologiques pour des détenus.

Cependant, rien n’a été entrepris dans ce sens. Pourtant, insiste HRW, «le Code de procédure pénale du Maroc fait obligation au procureur, à quelques exceptions près, d’ordonner un examen médical s’il constate des traces de violences sur un prévenu».

Il est à noter que le communiqué de Human Rights Watch a été partagé sur le compte Twitter de l’ancien directeur du magazine Telquel Ahmed Reda Benchemsi. Ce dernier occupe depuis quelques années le poste de Directeur de plaidoyer et de communication auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ONG internationale.

 

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