Histoire. Les Saints Patrons de Casablanca: Sidi Bousmara, l’homme aux clous (4/5)
Publié lePharmacienne de profession, passionnée d’histoire et guide bénévole aux Journées du Patrimoine de Casablanca depuis sept ans, Chama Khalil nous fait découvrir sa ville natale à travers ses histoires et ses légendes. Focus cette semaine sur les saints patrons de la ville blanche et des mythes qui les entourent. Quatrième épisode de la série, Sidi Bousmara, l’homme aux clous.
Il y a, dans l’Histoire de Casablanca, des légendes urbaines, où mythe et réalité s’entremêlent tant qu’il en devient impossible de les dissocier. Des contes pittoresques et folkloriques, qui enchantent petits et grands et que l’on voudrait commencer par un kan ya makane (il était une fois)…
Voici l’histoire d’un saint oublié de la ville blanche, l’histoire de Sidi Bousmara, l’homme aux clous.
Kan ya makane…
La légende du saint homme remonte au Xe siècle. Par une année de grande sécheresse, un descendant des conquérants arabes vint frapper aux portes de la ville.
C’était un homme pieux, d’un certain âge à en croire sa longue barbe blanche et sa démarche titubante. Appuyé sur sa canne de pèlerin et drapé d’une toile blanche en laine vierge, il arriva dans la ville d’Anfa.
Désirant faire sa prière, Bousmara frappa aux portes, en quête d’eau pour ses ablutions. Les habitants de la ville, aigris par la forte sécheresse, rejetèrent sa requête. L’homme fut chassé et ne reçut qu’injures et jets de pierre. Seule une vieille dame compatissante lui tendit une taymouma, pierre plate, qui, en absence d’eau, sert aux musulmans à faire leurs ablutions.
La légende raconte, que pour la remercier, Bousmara frappa le sol de son bâton de pèlerin et une source d’eau claire et douce en jaillit.
La nouvelle se répandit rapidement dans la ville et les habitants accoururent à cette source «zamzam-esque» pour s’y abreuver et étancher leur soif. Ébahis par ce miracle, ils reconnurent en Bousmara un saint homme et l’implorèrent de rester parmi eux. Le vieux pèlerin épuisé par ses nombreux périples, accepta et s’installa dans un angle du cimetière de la ville.
Pour sceller son alliance avec les hommes et le lieu, on raconte qu’il y sema un figuier banian. C’est sous l’ombrage bienveillant de cet arbre que l’homme passa le reste de ses jours en ermite et qu’il fut enterré. La légende dit qu’il plantait sur le tronc de ce même figuier un clou chaque fois qu’il finissait de lire le saint coran. Cet acte lui aurait d’ailleurs valu son nom, Sidi Bousmara (de l’arabe mesmar) l’homme aux clous.
Le clou a d’ailleurs une forte symbolique dans les traditions ésotériques marocaines. En plantant la tige de métal dans du bois, en confondant les deux nobles matières, on délimiterait une zone «magique» autour de celle-ci, retenant telle une force centripète celui qui l’aurait plantée et le liant à jamais au «makane».
Sidi Bousmara repose aujourd’hui aux portes de l’ancienne médina. Son mausolée, une petite maisonnette en pierre à toiture verte, occupe le centre d’une paisible place qui porte son nom.
Le figuier banian est d’ailleurs toujours là, gigantesque et imposant. Son dense feuillage continue à protéger, telle une ombrelle, le sépulcre du saint des lieux; ses racines apparentes et ses nombreux troncs forment un harmonieux tissage dont le bois est parsemé de clous.
Une tradition ancestrale voudrait que les nouveaux venus, cherchant bonne fortune dans la ville blanche, martèlent un clou dans l’écorce des arbres centenaires qui entourent le mausolée de Sidi Bousmara. Ils actent ainsi leur attachement indéfectible à la ville, demandant protection et baraka au saint esprit du lieu.
Pour d’autres, simples visiteurs de passage, cela représente l’assurance de revenir un jour visiter la métropole.
Voici donc un petit conseil: amis non-casaouis, si vous êtes un jour de passage dans l’ancienne médina, prenez le temps de visiter la paisible place éponyme de l’homme aux clous. Arrêtez-vous un instant devant son mausolée et admirez le majestueux figuier qui y trône… et si, par le plus grand des hasards, on vous tend un clou, plantez le… qui sait?
>> Si vous avez raté les premiers épisodes:
Episode 1: Histoire. Les Saints Patrons de Casablanca: Sidi Belyout, l’homme aux lions (1/5)
Episode 3: Histoire. Les Saints Patrons de Casablanca: Lalla Taja, mère des orphelins (3/5)