Histoire de la chute de Sebta et Melilla. Ep-1: 1415, Sebta tombe entre les mains des Portugais

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Les Portugais débarquent à Sebta le 20 août 1415./Crédits : DR.

Pour ce premier épisode de notre série sur la perte des deux enclaves de Sebta et Melilla, cap sur celle qui fut successivement ommeyade, iddriside, almoravide, almohade, mérinide avant d’être portugaise, puis espagnole. Le 22 août 1415, Sebta tombe entre les mains des Portugais. Flashback.  

La chute de Sebta, lors de ce fameux 22 août 1415, se fait dans un contexte particulier et éprouvant pour les Mérinides régnant dans le pays. Déchirées par les conflits internes, les Mérinides deviennent une proie facile pour les Ibériques déjà engagés dans la Reconquista (reconquête, en français).

Trois événements ont mis à nu, quelques années plus tôt, l’impuissance des Mérinides à protéger leurs frontières. D’abord la bataille de Tarifa, le 30 octobre 1340, lors de laquelle sortira victorieuse la coalition chrétienne (Alphonse XI de Castille et Alphonse IV du Portugal).

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La bataille de Tarifa ou la bataille du Río Salado le 30 octobre 1340./Crédits : DR.

Cette bataille intervient dans une «conjoncture chaotique au Maroc», note Nachaoui Mostafa, enseignant-chercheur à l’Université Hassan II de Casablanca dans sa publication intitulée  «Histoire d’une mouvance territoriale entre le Maroc et l’Espagne, vers l’espagnité marocaine et la marocanité espagnole». À cette époque, la ville de Sebta revêt une importance capitale, de par sa position stratégique, mais aussi en tant qu’un des principaux chantiers navals du pays.

«Les Mérinides, qui entendent jouer un rôle majeur dans le djihad andalou et ont des ambitions à l’échelle du Maghreb, se lancent également dans une grande politique de constructions navales, dont Ibn Ḫaldūn se fait l’écho. Leurs arsenaux à Ceuta et Badis, ainsi que ceux de l’Atlantique, leur permettent d’être en mesure d’aligner des flottes imposantes», écrit Dominique Valérian dans «Ports et réseaux d’échanges dans les Maghreb médiéval» (Chapitre V. De nouvelles logiques de structuration des réseaux (XIIIe-XVe siècle) p. 161-217).

À la veille de la bataille de Tarifa en 1340, les Mérinides «pouvaient ainsi aligner 140 navires», notamment grâce à leur flotte stationnée à Sebta, souligne la même source. Mais cette bataille affaiblit les musulmans, qui seront attaqués deux ans plus tard à Algésiras. La ville portuaire sera assiégée pendant deux ans (1342-1344) et finira par passer entre les mains des chrétiens.

«Par cette défaite, les Mérinides perdent Algéziras et les Ibériques poursuivent les Mérinides en territoire marocain. Ainsi, Henri III Roi de Castille occupe Tétouan en 1399, massacrant la moitié de ses habitants et réduit l’autre en esclavage. De son coté le Roi du Portugal Juan I occupe Sebta et l’ile Perçil en 1415», écrit Nachaoui Mostafa.

Plusieurs années de préparation avant d’attaquer Sebta

Les Portugais préparent longuement leur campagne contre Sebta. «Après deux ou trois années de préparatifs, malgré la mort de la reine D. Filipa, la flotte portugaise mit à la voile de Lisbonne, le 25 juillet, fête de saint Jacques le Majeur. Elle était commandée par le roi D. João Ier, assisté de plusieurs de ses fils, dont les infants D. Duarte, D. Pedro et D. Henrique», écrit Jacques Paviot dans «Les Portugais et Ceuta 1415-1437».

Le nombre de soldats différe d’un récit à l’autre, mais certains évoquent le déploiement de pas moins de 45.000 chevaliers, arbalétriers et fantassins portugais, mobilisant ainsi quelque 200 navires de la flotte portugaise.

«Bien que le but fixé fût Ceuta, le roi D. Joâo hésita un dernier moment et pensa changer de direction vers Gibraltar. On se rendit finalement à Ceuta. Une tempête dispersa les navires et empêcha l’effet de surprise. Le 20 août, l’infant D. Henrique approcha de la ville qui fut prise et pillée dans les jours qui suivirent», relate le professeur d’histoire du Moyen Âge, Jacques Paviot.

Du côté de Sebta, «les rumeurs du débarquement des chrétiens arrivèrent à l’entourage de l’émir musulman Salah ben Salah, gouverneur de Ceuta. Néanmoins, l’état de guerre civile qui régnait au Maroc empêcha toute sorte de réponse de la part de la dynastie Mérinide au pouvoir, et ce malgré les efforts des « volontaires de la foi » arrivés de Salé, d’Anfar et d’Azemmour et de la volonté de Grenade, dernier bastion musulman en péninsule Ibérique, de lancer une contre-attaque. Le soir du 15 août, les Portugais traversèrent le détroit de Gibraltar et débarquèrent à l’aube à Ceuta, sur une plage qui s’étendait aux alentours des murailles», relate Alicia Fernández García dans «La population musulmane de l’enclave de Ceuta : le cas d’une majorité devenue minoritaire (1415-1580)».

Impuissants devant le nombre de soldats portugais, les habitants de Sebta tentent de faire front, mais les pertes sont importantes. Le bilan officiel du côté portugais, ne faisait état que de huit morts, tous membres de la noblesse portugaise. «Mais les pertes réelles parmi les soldats ne furent jamais comptabilisées», souligne Alicia Fernández García.

Les Portugais prirent alors le contrôle de la ville le 22 août 1415, chassant Salah ben Salah, dernier gouverneur musulman de Sebta.

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Quelques 200 navires débarquèrent à Sebta le 22 août 1415./Crédits : DR

Gomes Eannes de Zurara, historien portugais et spécialiste du XV siècle raconte la sauvagerie qui a suivi. Quelques heures seulement après sa prise, la ville de Sebta est devenue «un marché à ciel ouvert où les soldats s’amusaient à disperser le miel, l’huile ou le beurre ; des soldats qui déchiraient également les sacs de blé et embaumèrent les rues des espèces les plus parfumées».

«Dans les nombreuses résidences où vivaient les riches musulmans, dans les madrasas et dans les lieux publics, abondaient l’or, l’argent et les bijoux. La ville regorgeait de tapis, de marbre et de mosaïques, les greniers étaient pleins de céréales et de produits tels que le riz, le sel, la cannelle tandis que différents types de poivre et d’autres espèces d’une valeur inestimable se trouvaient également à l’intérieur des cuisines des familles musulmanes et dans les entrepôts des marchands», poursuit pour sa part la docteure en langue et civilisation espagnole de l’Université Paris Nanterre (Paris\- X) Alicia Fernández García.

Ces jours fastes furent toutefois de courte durée et les événements prirent une tournure différente que nous tenterons d’aborder dans le prochain épisode.

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