Exclu. Bourita: "L'arrêt de la CJUE ne remet pas en cause notre capacité à conclure des accords au Sahara"
Publié leL’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’UE n’est pas applicable aux eaux adjacentes de la région du Sahara, a estimé ce mardi la Cour de justice de l’UE (CJUE). Dans cet entretien à H24info, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita apporte des précisions et minimise l’impact de cette décision sur l’avenir des accords entre le Maroc et l’UE.
H24info: Quelles sont les conséquences de cette décision de la CJUE sur les accords agricoles ?
Nasser Bourita : Il faut savoir tout d’abord que l’arrêt d’aujourd’hui ne remet pas en cause la capacité juridique du Maroc à conclure les accords dans la région du Sahara, ni celle de l’UE bien évidemment. La Cour a été claire là-dessus: le Sahara n’est pas couvert parce qu’il n’a pas été mentionné. Deuxièmement c’est l’avocat général qui était allé trop loin en demandant à ce que l’accord soit invalidé, que le Maroc n’a aucun titre pour signer les accords, que le Polisario doit être consulté, etc. La Cour n’a pas suivi toutes les conclusions de l’avocat général et reste dans la logique des accords agricoles et de sa décision de décembre 2016. Aujourd’hui, c’est le même jugement. La Cour affirme que le champ de l’application de l’accord est défini par l’accord lui-même. Cet accord utilise dans trois de ses articles des expressions comme « zone de pêche marocaine », « sous la souveraineté du Maroc » ou « le territoire du royaume du Maroc ». La Cour, certainement parce qu’elle estime que le territoire est contesté, n’inclut pas implicitement le Sahara quand elle parle de territoire marocain. C’est le même raisonnement que pour les accords agricoles. Nous ne sommes pas d’accord avec ce raisonnement parce que le Maroc n’a qu’un seul territoire et parle avec une posture de souveraineté. Le Maroc est très clair là-dessus: le Sahara ne sera jamais mentionné dans les accords comme étant un territoire ou un régime juridique séparé du reste du royaume. Cela sera mentionné en étendant le régime de l’accord à cette zone tout simplement.
Après cette décision de la Cour et celle de la Haute Cour d’Afrique du Sud concernant la cargaison de phosphate marocain et favorable au Polisario, l’offensive des séparatistes devient alarmante. Qu’en pensez-vous?
Avec une logique macro, dans un premier temps le Polisario cherchait les reconnaissances des pays pour se faire un socle de soutiens large. Ensuite, ils se sont attaqués aux droits de l’Homme pendant une longue période pour élargir soi-disant le mandat (de la Minurso, ndlr.) mais cela n’a abouti à rien. Puis, les ressources naturelles, et maintenant ils sont partis sur la piste de la « juridisation » en voulant remettre en question la capacité juridique à signer des accords et décrocher un statut. Aujourd’hui, le Maroc et l’UE sont en train de régulariser leurs accords agricoles, le Polisario dit que la Commission (Maroc-UE) n’est pas transparente et qu’elle défie la Cour. L’accord agricole est en cours, il a été renforcé le 31 janvier dernier. L’accord de pêche est maintenu jusqu’au mois de juillet, et d’ici là, des négociations seront menées sur la base d’éléments importants: le Maroc ne négocie jamais en divisant ses territoires, le Maroc négocie en tenant compte de son plan de développement dans ses provinces du Sud dont la question de la pêche est fondamentale.
Aujourd’hui, il s’avère nécessaire de travailler davantage sur le Lobbying, pour défendre les intérêts du Maroc dans l’affaire du Sahara. Êtes-vous de cet avis?
L’affaire du Sahara ne se joue pas seulement au niveau gouvernemental, c’est une affaire de médias, de société civile… Je vais vous dire une chose qui rentre dans votre domaine: le 19 février le Conseil européen à réuni les ministres des Affaires étrangères (pour voter le nouveau mandat de la Commission pour négocier un nouvel accord de pêche avec le Maroc, ndlr.), l’Algérie et le Polisario ont bougé pour inciter les États à voter contre, finalement le Conseil l’a approuvé à 27 contre 1. Aucun média n’en a parlé en Algérie, chez nous avant même l’annonce des résultats, certains commentateurs parlaient déjà de gifle, etc. Cela ne veut pas dire que c’est mauvais, car heureusement nous avons une certaine liberté et que nos médias ne travaillent pas suivant des instructions. Mais de là à reprendre parfois les versions du Polisario comme lorsque le Front parlait d’une victoire dans le Conseil de paix et de sécurité (de l’Union Africaine) alors qu’il s’agissait d’un mensonge… C’est une guerre des mots je vous dis.