En Pologne, les agriculteurs ne veulent plus des céréales ukrainiennes

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Des agriculteurs polonais ont arrêté un camion transportant des céréales ukrainiennes et déversé sa cargaison. (NIKOLAY DOYCHINOV / AFP)

Une nouvelle crise a éclaté lundi entre Kiev et Varsovie après un incident à la frontière commune où des agriculteurs polonais mécontents qui bloquent des points de passage ont déversé sur la route des céréales ukrainiennes à destination de l’Union européenne. 

Cette action a suscité de vives réactions en Ukraine, pays à forte tradition agricole confronté depuis deux ans à l’invasion russe et où des millions de personnes sont mortes en 1932-1933, pendant la Grande famine (Holodomor) organisée par le régime stalinien.

Le ministère ukrainien de la Politique agraire a ainsi déclaré lundi dans un communiqué « dénoncer fermement » la « destruction délibérée » de céréales qui « n’a rien à voir avec des protestations pacifiques, que ce soit d’un point de vue légal ou moral ».

« Nous suivons de près l’enquête sur cet incident et espérons que les auteurs seront rapidement identifiés et punis », a-t-il ajouté.

Des agriculteurs polonais avaient arrêté dimanche un camion transportant des céréales ukrainiennes alors qu’il traversait la frontière et déversé sa cargaison, en signe de protestation de ce qu’ils jugent comme une concurrence déloyale de la part de leurs confrères ukrainiens.

Sur des images partagées sur les réseaux sociaux, on peut voir des tas de céréales, parfois recouverts d’un drapeau de l’UE, au milieu d’une route, dans le cadre de manifestations organisées à travers toute la Pologne pour protester contre la concurrence de l’Ukraine et les lourdes réglementations européennes.

La police polonaise a déclaré étudier l’affaire. Les preuves recueillies « seront envoyées aujourd’hui au bureau du procureur du district de Chelm pour une évaluation du droit pénal concernant la suite de la procédure dans cette affaire », a déclaré à l’AFP une porte-parole de la police locale, Ewa Czyz.

La Pologne compte parmi les plus grands soutiens de l’Ukraine depuis l’invasion russe, mais les frictions liées à l’interdiction unilatérale des importations de céréales par Varsovie ont entamé les relations entre les alliés.

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Ces derniers jours, les autorités à Varsovie ont évoqué la possibilité d’imposer de nouvelles interdictions d’importation de produits agricoles ukrainiens pour protéger leurs agriculteurs.

La Pologne avait interdit les importations de céréales ukrainiennes sous le précédent gouvernement nationaliste du PiS, mais a maintenu cette interdiction après l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition pro-UE en octobre 2023.

La Commission européenne a indiqué lundi « continuer » à chercher des « solutions » qui permettraient de préserver « un soutien économique maximal à l’Ukraine », ravagée par deux ans de guerre.

« Nous pensons que le travail doit être fait pas à la frontière, pas dans une situation de pression, mais en s’asseyant à la table des négociations », a déclaré le porte-parole de la Commission, Olof Gill.

« Les agriculteurs ukrainiens travaillent sous les bombardements constants de l’ennemi et subissent d’énormes pertes. Ils paient leur récoltes très cher, parfois avec leur vie », a de son côté renchéri le ministère ukrainien.

Il a « invité » les producteurs polonais « à se rendre en Ukraine pour voir les conditions de travail » des Ukrainiens.

« L’absence de réaction des autorités polonaises face à la destruction des livraisons entraînera davantage de xénophobie et de violence politique », a pour sa part renchéri un vice-ministre ukrainien de l’Economie, Taras Katchka.

Si Varsovie ne réagit pas rapidement, la « bande » ayant organisé le blocus de la frontière va « commencer à tuer les Ukrainiens parce qu’ils sont Ukrainiens », a alerté Katchka.

Certains participants à ces protestations d’agriculteurs appartiennent à l’extrême droite polonaise et ont précédemment pris part à l’organisation du blocus de la frontière par des routiers polonais fin 2023.

« Il est douloureux de voir les céréales ukrainiennes éparpillées sur la route », a écrit sur Facebook la députée Iryna Guerachtchenko. « Le pain est sacré pour les Ukrainiens. Notre mémoire génétique garde au fond de nous les horreurs de l’Holodomor ».

Andriï Sadovy, le maire de Lviv, grande ville de l’Ouest ukrainien proche de la Pologne, a jugé sur Telegram « honteuses » les actions effectuées, selon lui, « par des provocateurs polonais (…) prorusses ».

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