Opticiens: un marché qui pèse près de 2 milliards de dirhams

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Le marché de l’optique au Maroc est un marché à fort potentiel de croissance en raison de l’urbanisation accrue et l’utilisation de plus en plus fréquente des écrans et des outils numériques, et donc d’un besoin grandissant de protection des yeux.

Il semble, à première vue, qu’il s’agit d’un marché de renouvellement important et d’un secteur prometteur, mais qui, en réalité, se heurte à des fragilités persistantes liées notamment à l’organisation des filières d’importation et de distribution, au contrôle des tarifs, au marché parallèle et à la formation des opticiens.

Le secteur, qui joue un rôle crucial au sein de la filière de la santé visuelle, souffre aussi d’une rareté aveuglante d’informations exactes et de statistiques récentes concernant le chiffre d’affaires, les prix, le nombre des opticiens et fournisseurs agréés…etc.

Approché par la MAP en vue de porter un éclairage sur le sujet, Jaouad Hattani, président de l’Association marocaine des fournisseurs d’optique (AMFO), a relevé en effet que « le marché de l’optique marocain est en pleine évolution eu égard à plusieurs facteurs, mais reste quand même fragile ».

« Estimé à quelque 2 milliards de dirhams, verres, montures et autres équipements compris, le secteur compte environ 80 importateurs et 3.000 opticiens », a fait savoir M. Hattani, notant que ces chiffres restent faibles par rapport à l’évolution démographique de notre pays.

« Avec quelque 500 ophtalmologistes dans le secteur public et autant dans le privé, et un ratio de 1 opticien pour 13.000 habitants », le secteur de l’optique aurait du mal à avancer, a-t-il estimé.

 

Formation : une réorganisation s’impose

 

Pour garantir un service optique de qualité et offrir des solutions visuelles adaptées aux besoins des clients, cela exige nécessairement un opticien bien formé non seulement en optométrie, mais aussi en matière de gestion et de marketing afin de garantir une meilleure gestion et parfois même la survie de son entreprise.

C’est dans ce sens que M. Hattani appelle à une réorganisation en matière de formation aux métiers de l’optique, à travers un contrôle minutieux des cursus proposés notamment au sein des établissements privés, mais aussi des examens de fin d’études.

Il a à ce propos mis l’accent sur la nécessité d’établir un examen national pour l’ensemble des lauréats afin de crédibiliser la formation et en améliorer la qualité.

En outre, M. Hattani a estimé que le nombre des lauréats est « élevé », ce qui peut, selon lui, créer une inadéquation entre offre et demande sur le marché de l’emploi.

Il a aussi mis l’accent sur l’importance de la formation continue des opticiens en activité, pour pouvoir suivre continuellement l’évolution technologique et s’adapter aux changements.

 

L’informel : nuisance à la concurrence et à la santé

 

Le marché marocain des lunettes est fortement plombé par les produits d’entrée de gamme en provenance notamment de Chine et de contrebande. Les opticiens qui pratiquent légalement souffrent énormément d’une concurrence déloyale de la part des circuits informels comme les Kissariats de Derb Ghallef et de Chaouia à Casablanca.

« Ce problème a été presque résolu en matière des verres optiques », a fait savoir le président de l’AMFO, notant que l’importation des verres, considérés désormais en tant que dispositifs médicaux, est soumise depuis deux ans à une procédure administrative et à des conditions strictes du ministère de la Santé.

En effet, les importateurs verriers sont obligés de présenter un dossier complet auprès du ministère, a-t-il dit, mais « malheureusement cette procédure peut prendre des mois pour validation », ce qui peut pénaliser les opticiens qui, en attendant l’autorisation d’importation, pourraient supporter des charges supplémentaires avant de commencer leur activité.

M. Hattani a également relevé que les ventes en ligne notamment des lentilles de contact doivent aussi être réglementées, appelant les autorités compétentes à intervenir dans ce sens afin d’en assurer le contrôle en vue de préserver la santé des citoyens.

 

Covid-19 : baisse des ventes

 

Selon notre interlocuteur, le marché de l’optique, comme les autres secteurs, a largement souffert des mesures de confinement mises en place. Les ventes du secteur ont chuté de plus de 50%, a-t-il indiqué, ajoutant que les licenciements du personnel ont avoisiné les 10 %.

Pour soutenir les opticiens ayant dû cesser ou fortement réduire leur activité, l’AMFO a rapidement mis en place tout un éventail de mesures, notamment le report des échéances de règlement pendant les trois premiers mois avec plus de souplesse de paiement, a-t-il souligné.

« On a également dû minimiser les importations à cause de la baisse des ventes », a-t-il regretté.

Parmi les répercussions de la crise de Covid-19 sur le secteur, M. Hattani a cité l’annulation des salons, la perturbation de l’approvisionnement en raison des restrictions de déplacement imposées dans les différentes villes du Royaume et la hausse des coûts de transport (environ 3 à 4 fois), ce qui s’est répercuté sur les prix pratiqués à l’égard du client final.

Hormis l’impact de la crise sanitaire, les prix relativement élevés des lunettes sur le marché marocain constituent l’un des freins qui découragent les consommateurs et donc entravent le développement du secteur.

Sachant que près de 80 % des produits d’optique au Maroc proviennent de l’importation, la multiplication des intermédiaires entre importateurs et grossistes, avec toutes les marges que chacun applique, mène en fin de compte à des prix perçus comme trop élevés chez les opticiens.

 

Couverture sociale : frein ou opportunité ?

 

Parmi les freins qui bloquent aussi le développement du secteur, il y a lieu de citer la politique de remboursement des dépenses d’optique.

« Plafonné actuellement à environ 850 dirhams, le taux de prise en charge des lunettes n’encourage en rien les consommateurs à aller vers les magasins organisés, mais les pousse au contraire à renoncer à l’achat ou opter pour des lunettes ou lentilles bon marché commercialisées généralement à travers les circuits informels ou via des sites marchands », explique M. Hattani.

Le chantier de la généralisation de la couverture sociale s’avère donc une opportunité pour le secteur. Sa concrétisation nécessite, entre autres, une bonne gestion des circuits d’approvisionnement et de distribution ainsi qu’une restructuration de toute l’offre de formation et des conditions d’exercice de la profession. Il s’agit aussi d’instaurer des prix de référence, notamment pour les verres, garantissant un minimum de transparence et des tarifs accessibles à de larges franges de la population marocaine.

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