Ces expressions françaises qui viennent de l’arabe

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«Complètement maboul!», «c’est un chouïa embêtant cette histoire»… Nous les prononçons au quotidien sans se douter de la richesse de leur origine. Le Figaro vous propose de le découvrir grâce à l’éclairant ouvrage Nos ancêtres les Arabes de Jean Pruvost.

Il y a les mots: orange, café, gilet, coton, jupe… Mais il y a aussi des formules qui, même si elles n’ont pas l’air comme ça, viennent de l’arabe. Nous les prononçons au quotidien, dans nos conversations les plus banales. Elles décrivent des états d’esprit ou des traits de caractère.

Ce sont des termes qui ont voyagé, issus d’une langue «véhiculée par les croisades, les conquêtes arabes, les échanges commerciaux en Méditerranée», raconte Jean Pruvost dans son éclairant ouvrage Nos ancêtres les Arabes (JC Lattès). Le Figarovous propose un tour d’horizon de ces expressions françaises qui viennent de l’arabe.

● Il est complètement maboul, lui!

On qualifie le dérangé de «maboul». L’expression, quelque peu familière, vient de l’arabe mahbul qui signifie «fou» ou «sot». Le mot a transité par l’argot d’Afrique en 1830, explique Jean Pruvost, «avant de prendre un essor certain en langue française, immortalisé dans la poésie française, au point d’en avoir fait oublier leur origine». Le lexicologue cite en exemple une chanson de Léo Ferré, Jolie Môme, née à la fin de l’année 1960: «T’es tout’ nue Sous ton pull Y’a la rue Qu’est maboule… Jolie môme». Un premier couplet qui «fait partie de notre patrimoine poétique».

● Arrêtez de faire les zouaves!

Comme le rappelle Le Trésor de la langue française, «faire le zouave» signifie «crâner, faire le malin» ou encore,

«se faire remarquer par des excentricités». Le mot vient «directement de l’arabe maghrébin zwawa, nom d’une confédération de tribus kabyles de la région du Djurdjura en Algérie, où l’on recrutait traditionnellement des soldats», note Jean Pruvost. Leur uniforme demeura le même de 1830 à 1962, une «chéchia assortie d’un glang et large pantalon, le sarouel».

● Il est un chouïa grand ce pantalon…

Cette formule, «un chouïa», quelque peu familière est attestée en français dès 1866. Elle vient de l’arabe maghrébin suya, signifiant «un peu» ainsi que de l’arabe classique saysan, «petit à petit». Jean Pruvost précise qu’au XIXe siècle, ce terme «relevait d’une interjection souvent redoublée et ce faisant synonyme de ‘‘doucement »».Le sens qu’on lui donne aujourd’hui s’installe au moment du retour des Français d’Algérie.

● C’est kif-kif bourricot

L’expression, «qui joue sur la similitude entre l’âne et le bourricot», est attestée dans le numéro 5 du Père Duchesne illustré, en 1879. Elle est issue de l’argot militaire des faubouriens revenus d’Algérie. «Kif-kif en arabe maghrébin signifie ‘‘exactement comme », ‘‘c’est la même chose »». Mais à l’origine, le mot provient de l’arabe classique kayfa, «comme» ou «ainsi que». À ne pas confondre avec le terme «kif» emprunté à l’arabe kayf , signifiant «bien-être» et utilisé pour décrire la sensation provoquée par une drogue.

● C’est ma «zouze»

Ce mot d’argot désigne «une jeune fille en principe jolie» et est «d’intégration récente dans la langue française», précise Jean Pruvost. L’étymologie révèle que le terme vient de l’arabe algérien zudj qui signifie «deux» ou «seconde personne d’un couple». Charmant, n’est-ce pas? «On peut regretter l’existe de son homonyme masculin», note le lexicologue. Alors, pour pallier cette absence, évoquons le «fanfaron» qui vient de l’arabe farfar signifiant «bacard», «léger» et est attesté en langue française dès 1609.

● Quel drôle de lascar!

L’origine exacte est incertaine. «Théoriquement, note Jean Pruvost, le terme est emprunté au persan laskhar désignant à la fois l’armée et le soldat». Mais d’autres étymologistes évoquent une origine arabe: el ashkar, «le blond» ou el hascar, «le militaire». Le mot a voyagé! Car il passe dans la langue hindoustani «langue commune parlée dans le nord de l’Inde» caractérisant «les matelots embarqués par les Portugais voguant notamment sur l’océan Indien». Ainsi, le Littré évoque toujours le «nom donné dans la mer des Indes orientales aux matelots indiens tirés de la classe des parias», au XIXe siècle. Des bateaux portugais puis anglais, le «lascar» finit par entrer dans la langue française. Chose intéressante: le terme a eu une connotation valorisante «au moment de la Commune avec les ‘‘lascars » de Montmartre», ces derniers désignant «le corps de francs-tireurs».

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