Témoignages: entre confinement et télétravail, pas toujours si facile…
Publié leDepuis cette semaine, les travailleurs qui ont la possibilité d’effectuer leurs missions à partir de leur domicile sont priés de rester chez eux pour endiguer la propagation du coronavirus au Maroc. Une situation inédite, vécue par chacun de différentes façons. Témoignages.
Le travail à la maison s’avère particulièrement délicat pour les parents avec des enfants en bas âge. Pour Meryem, cadre dans une multinationale agroalimentaire, maman d’un bébé de moins de six mois, c’est une triple mission: « il faut s’occuper des responsabilités professionnelles, domestiques et du bébé ». « J’ai demandé à la nounou de rester chez elle, par sécurité. Mon mari doit être présent sur son lieu de travail. Seule, avec le bébé, le ménage et la cuisine, c’est un peu difficile de gérer en plus des conférences téléphoniques. J’ai l’impression d’être plus fatiguée que lorsque je travaillais à l’extérieur », témoigne la jeune femme de 25 ans.
Idem pour Lilia* (le prénom a été modifié), ayant un poste de responsabilité au ministère des finances et deux enfants de deux et trois ans. « C’est difficile de rester concentrée, les enfants s’ennuient, normalement ils passent chaque jour à la crèche. Ils réclament leurs grands-parents », raconte cette maman qui doit alterner deux jours en entreprise et deux jours en télétravail à domicile.
« Moins de stress », « plus productif »
« L’avantage, c’est que tu es en sécurité chez toi, plutôt que de prendre les transports. C’est moins stressant », énonce Meryem. Farid, dessinateur réseau fibre optique, père de deux petites filles, a commencé à faire du télétravail cette semaine. Pour lui aussi, « c’est moins stressant ». « Je suis plus à l’aise chez moi et je gagne du temps par rapport au trajet jusqu’à mon travail », dit-il, précisant que son épouse est obligée de divertir ses filles pour ne pas être trop dérangé.
La frontière entre temps de travail et temps de pause peut devenir floue lorsqu’on exerce à la maison. Le gain de temps sur le trajet peut être compensé par des moments d’égarement. Travailler à la maison induit aussi parfois de ne plus savoir s’arrêter de travailler. C’est ce que raconte Assia, cadre dans un groupe ferroviaire français. « Je travaille plus que d’habitude car le matin, au lieu de prendre le temps pour m’habiller, me maquiller…, je me mets directement devant mon pc, bien avant l’heure habituelle. Et je finis beaucoup plus tard, car je ne vois pas le temps passer », raconte la jeune femme qui dit également être plus productive. « Chez moi, je suis plus motivée. Je n’ai pas de retards ou de sujets bloquants. Les tâches délicates que je laisse en général pour le weekend chez moi pour être tranquille, je peux les faire plus tôt et donc je travaille encore mieux ».
Lire aussi : Coronavirus: le Maroc enregistre 74 cas, selon un nouveau bilan
« J’ai toujours été plus productive à la maison. Les périodes où je dois beaucoup me concentrer, je travaille de chez moi », témoigne à son tour Imane, adjointe au directeur exécutif de la fondation marocaine pour l’éducation financière (FMEF). « C’est une économie à la faveur de l’entreprise avant même qu’elle soit à la faveur de l’employé. On économise l’énergie et on gagne en qualité », souligne cette maman de deux garçons (14 et 20 ans).
« Rester organisé et discipliné »
Pour certains, il est important de maintenir une discipline et un conditionnement « comme au travail » afin de rester efficace. « Hors de question que je travaille en jogging ou en pyjama. Je m’astreins tous les jours à me mettre à ma table de travail à 9h30 maximum, douchée, habillée, maquillée. Je garde mon rythme », partage Maria, rédactrice en chef d’un magasine féminin. « Il est important pour moi de rester disciplinée, de manger à des heures régulières comme si j’étais au bureau », poursuit-elle, se trouvant également plus productive et moins fatiguée. De quoi donner des idées aux employeurs pour repenser les modes de travail actuels.
Imane aussi confie se mettre chaque jour en tenue de travail, même à la maison. « Il faut maintenir durant la journée une organisation stricte, ce ne sont pas des vacances. Il est difficile de rester performante à la maison quand on doit assumer ses tâches professionnelles, de mère et d’épouse en même temps. J’essaye de répartir au mieux ma journée entre activité professionnelle, responsabilités personnelles et un temps pour me ressourcer ou faire du sport ».
« Garder le lien social »
« Sur le long terme, ça va être difficile de ne pas avoir de contact social », continue Farid pour qui l’absence de liens directs avec ses collègues de travail est pesante. Pour maintenir l’illusion de la routine au bureau, Assia et ses collègues ont instauré une pause en ligne ensemble. « On se montre nos pyjamas, on rigole un peu pour se rappeler l’ambiance du bureau », plaisante la jeune femme pour qui c’est plus agréable de travailler en tenue de maison.
Lire aussi : Coronavirus: Société Générale Maroc contribue à hauteur de 110 MDH au Fonds spécial
Le confinement est également une belle occasion de passer plus de temps avec ses proches. « Jusqu’à présent, je n’avais jamais eu le temps de prendre le petit-déjeuner en famille, même le weekend », avoue Imane. « Maintenant, on a plus d’échanges, on se découvre davantage ». Maria aussi a lancé un rituel avec ses amis, « chaque soir, on fait un petit Facetime » pour garder le contact. « Moi qui ne vais jamais sur Facebook, je m’autorise des publications ces derniers jours, cela m’a même permis de renouer avec des gens que j’avais perdu de vue », ajoute-t-elle.
« Sortir, c’est bénéfique mais ça comporte aussi une sorte de fuite en avant. Notre vie est encombrée de beaucoup de choses et finalement, on s’en passe bien. Là, on se recentre sur nous-mêmes. Le confinement n’est pas facile dans l’absolu, surtout quand les conditions de promiscuité ne le permettent pas beaucoup. Mais c’est l’occasion aussi de prendre le temps de se ressourcer, faire sa prière à l’heure, lire un peu de Coran…et se rappeler qu’il s’agit d’une responsabilité citoyenne. Dans mon petit coin, je contribue à un effort national plus grand », conclue Imane, optimiste.
Pour rappel, le Maroc enregistre actuellement 86 cas confirmés de personnes atteintes du coronavirus. Le ministère de l’Intérieur a déclaré jeudi l’état d’urgence sanitaire, et restreint, à partir du vendredi 20 mars à 18H, la circulation sur l’ensemble du territoire.