Sur fond inflationniste, performance et perspectives mitigées de l’immobilier

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Photo d'illustration. (MYCHELE DANIAU / AFP)

Inflation et hausse des taux d’intérêt combinées aux modèles de travail hybrides, les marchés de l’immobilier résidentiel et commercial sont, aujourd’hui plus que jamais, confrontés à une ère inédite d’imprévisibilité. Les spécialistes affirment que le secteur immobilier prévoit un changement de cycle et nous ne pouvons qu’être d’accord.

Ces défis se sont traduits notamment par des perturbations d’approvisionnement en matériaux de construction, des projets retardés et une augmentation des coûts de construction. En outre, les hausses de prix, notamment de l’énergie, étaient imprévisibles et l’inflation a décollé, entravant la capacité financière et la faisabilité des projets immobiliers. Au sein de ce marché, les investisseurs souffrant de l’augmentation des taux d’intérêt, se trouvent contraints de déprécier les portefeuilles immobiliers en fonction des capitaux propres et du capital d’emprunt dans le contexte actuel des taux d’intérêt et des tendances des prix. Le nombre de transactions se voit ainsi diminuer.

Au milieu de la myriade de questions sur ce qui nous attend pour 2023, ces défis, qui entraînent une hausse des coûts hypothécaires, sont déterminants pour l’évolution des prix des logements et le nombre de ventes. L’expert en immobilier et auteur du guide « Répons’IMMO », Amine Mernissi, affirme à cet égard que le marché immobilier national a été particulièrement touché par la fragilisation de la situation économique et la rétention du pouvoir d’achat des ménages.

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« Dans ce climat morose teinté d’incertitudes, les indicateurs immobiliers, notamment l’indice des prix des actifs immobiliers (IPAI), les indicateurs de Bank Al-Maghrib (BAM) et de l’Agence Nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) pour l’année 2022 reflètent une diminution de 15,4% du nombre des transactions », a-t-il dit, précisant que cet indice ne couvre que les biens de seconde main, tandis que le marché du neuf connait quant à lui une situation plus difficile.

Outre les fluctuations économiques, il existe une myriade de risques susceptibles d’accélérer l’obsolescence des actifs immobiliers dans le sillage de la transition écologique vers un développement durable. Alors que le Maroc élabore des plans de transition vers une économie nette zéro, il y aura des coûts très réels pour les propriétaires et les promoteurs immobiliers qui ne se lancent pas dans la transition de leurs actifs, d’autant plus que le secteur du bâtiment s’acquiert une partie non négligeable de la consommation énergétique, contribue aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et figure parmi les principaux producteurs de déchets.

Ceci-dit, le secteur immobilier demeure un contributeur majeur aux divers changements climatiques dans le monde, en plus d’être un simple utilisateur des ressources mondiales.

Transition énergétique

La transformation positive serait que la demande des consommateurs se déplace vers des habitats plus efficaces, d’autant plus que le confinement a mis en avant les inconvénients des bâtiments à forte intensité énergétique. Et l’expérience marocaine en matière de transition énergétique a des leçons à donner dans ce sens.

Mais compte tenu de la conjoncture, cette vision demeure futuriste, et les incitations gouvernementales semblent à présent se diriger vers l’encouragement de la demande pour fournir aux potentiels propriétaires une orientation claire et un accès au capital.

« Le secteur est encore suspendu aux décrets d’applications des logements dit à 300.000 DH et à 600.000 DH. Les deux produits que le gouvernement souhaite promouvoir grâce à une aide directe qui sera octroyée aux acquéreurs », a expliqué l’expert, ajoutant que le marché attend beaucoup de ces deux types d’actifs : le premier pour remplacer le logement social (anciennement à 250.000 DH) et le second pour la classe moyenne.

En dépit de ces ralentissements économiques majeurs, il faut noter qu’à moins que la crise financière ne frappe explicitement l’immobilier, le secteur dans son ensemble a toujours eu tendance à se stabiliser. Mais la différence fondamentale entre la crise actuelle et celle de 2008, est que celle d’aujourd’hui est combinée à l’émergence accrue du télétravail, ce qui frappe de plein fouet l’immobilier commercial.

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Télétravail : La technologie aux dépens de l’immobilier commercial Pendant de longues années, l’un des marqueurs majeurs de prestige pour une société a été ses locaux : un immeuble et des bureaux imposants et de grande envergure représentaient le signe d’une entreprise de renom. Mais cette image est probablement en train de s’estomper, car les entreprises, et particulièrement les TPME et les startups sont de plus en plus nombreuses à se détourner de l’ancien modèle de déplacements quotidiens vers un siège social.

Les entreprises cherchent désormais à réduire la quantité d’espace qu’elles louent par travailleur. Cette réinvention de l’environnement professionnel, pour un cadre axé sur l’équipe et non sur l’espace peut ainsi se traduire par un meilleur impact environnemental. Mais qu’en est-il du développement du marché immobilier ? M. Mernissi, qui rejoint cette idée, confirme que « l’immobilier professionnel accueille les activités humaines, il ne les dirige pas ».

Pour lui, le travail à distance et le coworking ont rebattu les cartes de la dynamique du marché de l’immobilier d’entreprise, et il faut y voir de nouvelles opportunités d’investissement, et « s’adapter à ces changements ».

La dynamique de l’immobilier des bureaux semble ainsi se métamorphoser. « La demande durant ces trois dernières années a été portée essentiellement par des déménagements d’entreprises déjà installées ». Pour motifs : une logique de réduction de coûts et donc de surfaces ou des installations au sein de zones à statuts particuliers (CFC, Near Shore…), explique Karim Tazi, directeur général délégué du Pôle Conseil et transaction au groupe A. Lazrak et membre du Royal Institution of Chartered Surveyors (MRICS).

Face à l’incertitude économique et géopolitique, les entreprises évitent désormais « d’investir dans les aménagements, qui mobilisent beaucoup de capex et obligent l’entreprise à déployer 4 ou 5 ans pour amortir son investissement », a-t-il affirmé, notant que le concept « office as a hôtel » et « Flex office » deviennent la tendance et les majeurs du coworking alors que plusieurs bureaux avec services et espaces de co-working, à l’instar de « Wework », ont été lancés au Maroc ces dernières années, et connaissent un succès croissant auprès des jeunes entrepreneurs et de plus en plus de multinationales.

Le challenge des propriétaires sera ainsi de « réussir leur transformation interne » pour offrir plus de services à valeur ajoutée à leurs occupants et plus de flexibilité.

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La quête de résilience n’est plus un luxe Le spectre des risques s’élargit et s’approfondit et le façonnement de l’avenir immobilier dépend de la résilience. Ces dernières années ont été semées de fluctuations et d’incertitudes qui ont eu un impact majeur aussi bien sur l’immobilier résidentiel que commercial.

Ceci dit, le secteur ne peut plus ignorer le concept de résilience ou le considérer comme facultatif vis-à-vis d’un élément central, qui est la gestion de portefeuilles.

En ce début d’année 2023, le secteur immobilier a de quoi réfléchir. Les entreprises sont aux prises avec les modèles de travail hybrides ou à distance et l’invasion du bureau moderne, tandis que les investisseurs se heurtent non seulement avec un ralentissement économique mondial, mais aussi à des changements culturels radicaux qui influencent la façon dont nous gérons nos modes de travail et d’habitat.

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