En Cisjordanie, des médecins «sous pression» face au flot de blessés par balles

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Gaza
Des Palestiniens lancent des pierres sur les forces de sécurité israéliennes dans la vieille ville de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 août 2022. AFP.

Dans un hôpital de Naplouse, un adolescent palestinien touché par un tir israélien avance péniblement avant de s’asseoir sur une chaise roulante pour se rendre à la salle d’opération, où les médecins sont débordés par l’afflux de blessés par balles ces derniers mois.

Ce jour d’août, cet adolescent de 16 ans qui préfère taire son identité a été touché au niveau des genoux dans des heurts avec les forces israéliennes dans le camp de réfugiés de Balata, à Naplouse, en Cisjordanie occupée.

Comme souvent après de tels affrontements, il a été admis à l’hôpital Rafidia, un établissement « sous pression en raison du grand nombre de blessés et du type de blessures », reconnaît Fouad Nafaa, chef du service de chirurgie.

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« Les blessures sont sérieuses, à cause des armes utilisées et des parties du corps touchées, à savoir la tête, le cou, la poitrine », explique-t-il, gardant en mémoire le cas d’un adolescent au bassin traversé par une balle.

« C’était une blessure très grave. Il a été opéré et il va mieux désormais », se réjouit-il.

« Aguerri »

Dans la foulée d’une série d’attentats en Israël à partir de la fin mars, l’armée israélienne a multiplié les opérations à Naplouse et Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, destinées selon elle à arrêter des suspects dans une région où les groupes armés palestiniens sont actifs.

Ces opérations se muent souvent en affrontements avec des habitants, comme le 9 août lorsqu’Ibrahim al-Nabulsi surnommé le « lion de Naplouse », un commandant des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, branche armée du Fatah, a été tué par l’armée israélienne.

Ce jour-là, le Croissant-Rouge palestinien a traité 69 blessés par balles. L’armée avait fait état d’une « violente émeute » à laquelle les soldats ont répliqué « en ouvrant le feu », faisant « plusieurs blessés » côté palestinien mais aucun dans les rangs israéliens.

Des violences éclatent également à Jénine, au nord de Naplouse, où la journaliste palestino-américaine d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, a été tuée en mai alors qu’elle couvrait une opération israélienne, dans ce secteur d’où sont originaires les auteurs de certaines attaques anti-israéliennes.

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Pour Jani Abou Joukha, directeur de l’hôpital local Ibn Sina, le nombre de blessés à traiter a « considérablement augmenté » ces derniers mois.

« Le personnel médical est aguerri (…) mais malgré tout il n’est pas facile de gérer toutes ces victimes en même temps », dit-il, précisant avoir connu des journées où 15 blessés étaient hospitalisés toutes les 15 minutes.

L’armée israélienne affirme n’ouvrir le feu qu’après avoir écarté « toutes les autres options ».

« Prêts »

Au moins 1.380 Palestiniens ont été blessés ou tués par balle depuis début 2021, « dans le contexte du conflit israélo-palestinien », le nombre le plus élevé depuis 2015, d’après l’ONU et le Croissant-rouge. Plus de 40% d’entre eux l’ont été dans les gouvernorats de Naplouse et Jénine.

Pour Rik Peeperkorn, représentant de l’Organisation mondiale de la Santé dans les Territoires palestiniens, l’afflux récent de victimes met à rude épreuve « un système de santé déjà fragile ».

« Nous vivons dans un état d’urgence, jour et nuit », soutien de son côté Maria al-Aqra, responsable de la coopération internationale au ministère de la Santé palestinien.

« Le personnel fait de son mieux et certains travaillent parfois trois gardes de suite », dit Aqra, précisant qu’il faut souvent repousser certaines opérations de routine pour répondre aux urgences.

Jamal Abou Alkebash, orthopédiste à l’hôpital Rafidia, relève que les blessures par balles ne se résument pas à des urgences. « Les victimes peuvent finir paralysées, amputées ou handicapées », souligne-t-il.

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Alors que les raids continuent dans le nord de la Cisjordanie occupée, avec son lot d’arrestations de militants présumés et de heurts parfois sanglants, les hôpitaux sont sur le pied de guerre.

A Rafidia, les perfusions sont empilées aux urgences, près des lits séparés les uns des autres par des rideaux mauves. « Nous sommes toujours prêts », dit Fouad Nafaa: « A chaque instant ».

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