Mohammed Benjelloun: « La tutelle doit ouvrir le dialogue avec les distributeurs de gaz butane »

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Bouteille de Gaz
Face à la flambée des prix, les distributeurs de gaz butane tirent la sonnette d’alarme.

Les distributeurs de gaz butane tirent la sonnette d’alarme. Face à la flambée des prix des carburants au Maroc, l’Association professionnelle des dépositaires grossistes du gaz de pétrole liquéfié (GPL) a annoncé samedi une grève les 29 et 30 juin 2022. Explications avec Mohammed Benjelloun, président de cette association.

H24Info: Vous dites que vous êtes déficitaires. Avez-vous des chiffres pour appuyer vos propos et justifier l’appel à la grève?

Mohammed Benjelloun: Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en règle générale, la fixation du prix du gaz en bouteille dépend de nombreux facteurs. Hormis l’indice du coût de la matière première qui importe beaucoup, le prix du gaz en bouteille butane est soumis au coût de logistique et de transport (par voies fluviales ou terrestres) indispensables pour acheminer le gaz des raffineries aux centres emplisseurs.

Une fois le coût de remplissage déduit, le gaz en bouteille est ensuite acheminé vers les distributeurs, ce qui représente un coût supplémentaire en termes de logistique et de transport. Ces derniers prennent également une marge, à l’instar des revendeurs (stations-service, grandes surfaces etc.), afin de couvrir leur frais (transports, approvisionnement, conditionnement). Déductions faites, on obtient ainsi le prix de vente final du gaz en bouteille.

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Mais au Maroc, nous n’avons ni une raffinerie ni une bonne capacité de stockage. Et si les prix des carburants, des lubrifiants, des pièces de rechange pour les véhicules de distribution, des pneus, des frais d’assurance, des huiles, du coût de la vie en général ont explosé, la marge de bénéfice des distributeurs, elle, ne bouge pas. Depuis son institution en 1980, cette prime a permis, selon le ministère de l’Energie, des mines et de l’environnement à ces sociétés de collecter un montant de plus de 3 milliards de dirhams

A partir de 1998, la marge bénéficiaire a été gelée pour les produits pétroliers liquides puis supprimée en 2008 et a continué à être collectée pour le gaz butane à raison de 30 DH/tonne jusqu’en 2016. Durant cette année, elle est passée à 50 DH/T mais n’a pas changé depuis alors que le prix du carburant, lui, a connu une augmentation d’environ 114%.

Face à cette situation, le gouvernement n’a pas développé d’alternatives aux mécanismes expérimentés pour pallier la problématique de stockage.

Les distributeurs, n’ont-ils pas bénéficié de l’aide octroyée aux professionnels du transport, instaurée récemment de manière exceptionnelle?

Les distributeurs n’ont malheureusement pas tous profité du soutien étatique. Un grand nombre des professionnels du secteur sont exclus car une importante partie des camions qui distribuent dans les villes sont de la catégorie de 3,5 tonnes. Une catégorie qui ne figure pas dans la liste des véhicules concernés. Pire. Seul le transport pour compte d’autrui en a bénéficié et pas le transport pour son compte propre.

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Quant à la somme allouée pour chaque bonbonne de gaz de 12 kg, elle est passée à une moyenne de 100 dirhams au cours des cinq premiers mois de 2022, alors que la subvention programmée dans le cadre de la loi de finances 2022 était estimée à 50 dirhams seulement. Soit une hausse d’environ 100% afin de maintenir le prix de vente interne de la bouteille de butane de la catégorie 12 kg à 40 dirhams. Le prix réel d’une bouteille de gaz qui était lui fixé à 90 dirhams est passé aujourd’hui à 140 dirhams.

Quelles sont vos principales revendications?

Nous avons écrit à plusieurs reprises à la tutelle mais elle semble vouloir garder le silence. Les principales revendications de l’Association portent sur la révision de la réglementation du secteur ainsi que sur la revalorisation de la marge bénéficiaire accordée aux distributeurs. Une marge qui n’est plus en adéquation avec la flambée des prix de plusieurs matières à l’échelle nationale.

Aujourd’hui, il y a des distributeurs qui n’arrivent plus à faire face aux multiples problèmes que connaît le secteur notamment la hausse des prix. Les professionnels vont finir par abandonner le secteur jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun distributeur.

La tutelle doit donc se poser à table avec les professionnels du secteur afin d’essayer de trouver une solution immédiate à nos problèmes. Si la révision doit prendre du temps, elle attendra. Mais il faut nous trouver une solution temporaire en urgence, le temps que cela se concrétise. Et par cela, je veux dire une subvention exceptionnelle, une baisse de la taxe professionnelle, ou tout autre décision qui pourrait arranger les deux parties.

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Il ne faut pas omettre la menace sur les finances publiques qui reste forte avec le ralentissement de la croissance et des prix des matières premières toujours élevés. Rien ne dit qu’ils vont baisser de sitôt. Au contraire, nous nous attendons à davantage de hausse à cause de plusieurs raisons, notamment celle du conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Croisons donc les doigts pour que les ministères concernés par le secteur réagissent en urgence avant que la situation ne s’aggrave plus qu’elle ne l’est déjà.

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