« Momification », « folklorisation », manque de moyens… le patrimoine marocain en péril

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Classé au Patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco en 1997, la cité oubliée de Volubilis est désormais jalousement gardée afin de préserver ses trésors. (Photo AFP)

Des bâtiments historiques mal entretenus, un patrimoine culturel immatériel peu valorisé ou encore un manque patent d’attractivité de l’offre patrimoniale, le dernier rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental tire la sonnette d’alarme. Le patrimoine national est en péril, qu’il soit matériel ou immatériel. H24info vous dévoile les grandes lignes de ce document qui s’apparente plutôt à un livre noir de la gestion du patrimoine au Maroc. 

Momification de la chose patrimoniale

Le patrimoine culturel immatériel englobe l’artisanat, l’habillement, les métiers du terroir, les arts chorégraphiques, les processions confrériques, les moussems, les chants religieux, al-dhikr… etc. Cet important patrimoine culturel est confronté à plusieurs menaces, susceptibles d’en entraver sa sauvegarde et sa mise en valeur. Il souffre de ce qu’appellent les rédacteurs du CESE d’une «momification» car le traitement de la question patrimoniale semble figé et ne parvient pas à s’adapter suffisamment pour préparer son avenir.

Le fléau de la folklorisation

offre patrimoniale,moussems,les chants religieux,al-dhik,CESE,folklorisation,UNESCO,cultureLe patrimoine culturel immatériel subit les effets d’une folklorisation peu valorisante. Pire encore, elle réduit l’impact culturel sur la société et donne même une image négative du pays à l’international. Il s’agit du phénomène de mise en scène de l’héritage culturel afin de satisfaire le regard curieux des touristes. La culture est ainsi caricaturée et ses symboles ne servent plus qu’à divertir les étrangers. L’échange culturel et la connaissance de l’autre disparaissent au profit du simple divertissement.

L’oubli qui brise la transmission

Le patrimoine n’est pas fait que de pierres, mais aussi de mots, de gestes et de savoir-faire. Aujourd’hui, cet héritage est menacé par l’oubli qui brise la chaîne de transmission entre les générations du patrimoine culturel immatériel. Malgré quelques rares initiatives, le patrimoine culturel immatériel n’est pas suffisamment codifié faute de travail académique et scientifique en amont et souffre donc de la faiblesse de la transmission intergénérationnelle des connaissances.

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Manque d’attractivité

Plusieurs efforts ont été déployés pour l’organisation des moussems et des festivals. Cela dit, se pose la question de l’impact de ces évènements sur l’animation culturelle sur le moyen et le long termes. Bien que ces évènements permettent aux populations de découvrir leur patrimoine culturel et soient de nature à accroître l’attractivité des territoires, leur durée limitée ne permet pas une transmission pérenne de ce patrimoine. Les moussems et festivals ne peuvent valablement se substituer au rôle des structures permanentes d’animation culturelle, comme les centres culturels. De plus, il y a lieu d’apprécier l’impact des moussems sur l’environnement qui peut s’avérer négatif dans certains cas. A l’international, l’évaluation des efforts entrepris dans le domaine du patrimoine culturel se fait par des indicateurs reconnus comme ceux de l’UNESCO et en particulier, l’indicateur central «durabilité du patrimoine». Le Maroc ne fait cependant pas partie des pays ayant adopté cette démarche.

Un budget toujours maigre

Le budget du département chargé de la culture ne constitue qu’environ 0,3% du budget général de l’État. En 2021, ce budget a été réparti entre 480 millions de dirhams pour l’investissement et 450 millions de dirhams pour le fonctionnement.  Les ressources financières des collectivités territoriales provenant du reversement d’une partie de la TVA (30%), ne permettent pas de répondre aux nouveaux défis comme ceux de la culture, de la digitalisation et de l’environnement.

Patrimoine, mauvais élève à l’école

offre patrimoniale,moussems,les chants religieux,al-dhik,CESE,folklorisation,UNESCO,cultureMalgré l’amélioration de l’introduction du contenu relatif au patrimoine culturel au niveau des manuels scolaires, l’enseignement du patrimoine culturel, très important pour stimuler le sentiment de fierté identitaire chez les apprenants, n’a pas eu la place qu’il mérite au niveau des curricula pour figurer, de manière systématique et intégrée, au niveau des contenus pédagogiques relatifs aux langues et aux sciences. De plus, les enseignants souffrent d’un manque de formation dans plusieurs disciplines patrimoniales.

Manque de ressources humaines qualifiées

Plusieurs faiblesses entravent une gestion efficiente du patrimoine culturel local. Il s’agit notamment du manque de ressources humaines qualifiées et de ressources financières suffisantes, ainsi que l’absence, dans leurs plans comptables, d’un chapitre dédié à la culture.

L’artisanat en voie de disparition

La musique patrimoniale marocaine reflète, avec sa richesse, le multiculturalisme et les spécificités des différentes régions du Maroc. Sur un autre plan, l’artisanat marocain est confronté à des risques de contrefaçon et d’expropriation. A cela s’ajoute la situation précaire des artisans qui exercent souvent dans un cadre informel. Aujourd’hui, une cinquantaine de métiers dans le secteur de l’artisanat sont menacés de disparition.

Formation, ce maillon faible

La formation et la recherche scientifique dans le domaine du patrimoine culturel reste très dépendante des financements internationaux dont la régularité est loin d’être assurée. De plus, il y a lieu de constater un manque patent en termes de ressources humaines spécialisées, notamment les professeurs et l’absence de départements d’archéologie au niveau des universités. Par ailleurs, les formations spécialisées comme celles de l’architecture du patrimoine ou de l’archéologie au service de l’aménagement du territoire, sont très rares.

Gastronomie marocaine, un monument à l’abandon

offre patrimoniale,moussems,les chants religieux,al-dhik,CESE,folklorisation,UNESCO,cultureLa cuisine marocaine jouit d’une renommée internationale. En effet, la gastronomie marocaine est reconnue troisième à l’échelle mondiale. Cependant, la gastronomie marocaine n’est pas suffisamment enseignée, même dans les écoles hôtelières nationales. La codification, la sauvegarde et la transmission de la gastronomie marocaine requiert le lancement d’un projet spécifique par les autorités gouvernementales compétentes, en impliquant les chercheurs académiques, les experts, les professionnels et la société civile à l’instar d’expériences réussies de certains pays comme la France et le Japon.

La menace de la spoliation

Le patrimoine culturel matériel mobilier souffre du phénomène du trafic illicite. A ce titre, plus de 80% du patrimoine culturel matériel mobilier africain connu est exposé dans des musées étrangers. En 2020, la France restitua au Maroc quelque 25.000 objets archéologiques spoliés.

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