Hooliganisme: l’approche sécuritaire est-elle la bonne?

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Hooliganisme
Le match, disputé le 13 mars dernier à Rabat, a été marqué par des actes de vandalisme d'une rare violence. DR.

Le hooliganisme est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux maux auxquels le football national doit faire face. Les incidents du dimanche dernier ont fait rejaillir les souvenirs des pires épisodes du hooliganisme au Maroc. Et si on changeait d’approche en nous inspirant du seul pays qui a su vaincre ce fléau?

On les avait presque oubliés. Eux, ce sont ces casseurs et fauteurs de troubles qui sèment violence et chaos durant les matchs de football. Il a fallu à peine quelques jours après la réouverture des stades aux supporters pour les voir débarquer à nouveau. Après deux années de compétition sans public en raison de la pandémie de coronavirus, ceux qu’on appelle hooligans ont cette fois-ci frappé fort. Très fort.

En s’en prenant aux forces de l’ordre, ils viennent de passer à un niveau supérieur de violence. Bilan: 85 policiers blessés à différents degrés. Plus de 70 individus, dont 18 mineurs sont aujourd’hui poursuivis pour “constitution d’une bande criminelle, dégradation d’un bien destiné à l’utilité publique, tentative de viol, vol qualifié et outrage à des fonctionnaires publics”.

Ces incidents d’une ampleur effrayante ont fait rejaillir les souvenirs des pires épisodes du hooliganisme au Maroc. Que faire pour en finir avec ce fléau qui, à en croire les sociologues, est devenu un sport ? En la matière, il y a une seule nation de football au monde qui sert aujourd’hui d’exemple. Il s’agit de l’Angleterre qui avait dans les années 1970 et 1980 opté pour une approche purement sécuritaire. D’ailleurs, c’est de ce pays d’où vient l’anglicisme tristement célèbre: hooligan.

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À l’époque, les autorités british enfermaient les supporters derrière des grillages. Mais les incidents tragiques de Heysel (1985, 39 morts) et de Sheffield (1989, 96 décès) ont eu un effet électrochoc sur la méthode musclée de l’ère Thatcher.

Puis, il y a eu une révolution que seuls les Anglais ont réussi à mettre sur pied. Presque tous les matchs du championnat britannique, toutes Ligues confondues, se déroulent aujourd’hui sans présence policière. Car les autorités ont introduit dans le foot une culture de la sécurité en enterrant définitivement le dogme purement sécuritaire. Les stades anglais sont devenus des endroits sans danger où amis, familles et enfants passent de bons moments. Comment la Grande-Bretagne a pu chasser les hooligans hors des enceintes sportives?

Le Royaume-Uni a d’abord instauré, dès 1986, des interdictions de stades. Puis, toutes les places debout sont progressivement remplacées par des sièges individuels et nominatifs, ce qui rend possible le contrôle des spectateurs, grâce à l’installation de caméras de surveillance. Côté anglais, l’aspect dissuasif des interdictions de stades a depuis longtemps démontré toute son efficacité. Car exclure quelqu’un d’un stade ne saurait se résumer à un décret. La loi oblige ainsi les contrevenants à pointer les soirs de matchs dans un poste de police suffisamment éloigné.

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Sur le plan législatif, l’Angleterre opte pour le principe de tolérance zéro, jusque chez les mineurs. Le Football Offences Act, voté en 1991, introduit parallèlement trois nouveaux délits passibles d’exclusion des stades: pénétrer sur le terrain, entonner des chants racistes ou lancer un objet sur la pelouse. Il y a eu aussi, le Football Discorder Act, voté en 2000, suite aux débordements des supporters anglais durant le Mondial 1998 qui prévoit notamment une peine maximale de 10 ans de prison pour une action violente dans l’enceinte d’un stade.

Le Maroc a, lui aussi, serré la vis avec une loi, intégrée au code pénal en 2011, qui se veut très dissuasive. Alors quel est le secret de la recette anglaise? Au cours de leur évolution, qui aura duré une dizaine d’années, les clubs de Premier League ont joué, eux aussi, un rôle essentiel, en reprenant le contrôle des gradins, qui historiquement, appartenaient aux supporters. Une telle démarche fait précisément défaut dans le championnat marocain.

Approche globale

Le stade Mohammed V de Casablanca est carrément divisé historiquement par les supporters du Raja et du Wydad, côté vert et côté rouge. En Outre-Manche, il n’est plus question que des supporters de monopoliser un espace spécifique dans les tribunes. En cela, l’Angleterre s’est inspirée des Etats-Unis, où les enceintes sportives tiennent lieu de sanctuaires, loin de tout conflit urbain.

Dès le début des années 90, avec l’arrivée du groupe Murdoch et la TV par satellite, les droits de diffusion explosent, franchissant rapidement la barre du demi-milliard. Aujourd’hui, la Premier League continue d’afficher complet à chaque journée de championnat. Les clubs anglais sont cotés en Bourse, et les recettes des matches sont près de trois fois supérieures à celles des autres grandes ligues. Ce dynamisme financier, illustré par l’introduction en Bourse de grands clubs, a permis d’augmenter le prix des places, sans craindre de perdre le public et en attirant des spectateurs plus aisés. Et c’est ainsi que sur les gradins, une classe moyenne aisée a pu remplacer le prolétariat des années Thatcher qui se défoulait dans les stades.

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