« Le nouveau code électoral va atomiser le système de parti » Mustapha Sehimi

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Crédit: AFP.

La loi organique relative à la Chambre des représentants vient de passer une première étape, bien qu’elle ait divisé. Ce sont surtout les mesures de l’instauration d’un quotient électoral et la suppression du seuil électoral qui ont déchaîné les passions lors des discussions au sein de la Commission. Le politologue Mustapha Sehimi revient pour H24Info sur ces mesures et sur leurs possibles limites.

La loi organique 04-21 relative à la Chambre des représentants a finalement été adoptée par la Commission de l’Intérieur de la première Chambre tard dans la soirée du mercredi 3 mars. Si le PJD a été le seul parti à voter contre, le projet a récolté les voix favorables de toutes les autres formations politiques.

Car il faut dire que plusieurs amendements ne sont pas passés pour le parti de la lampe. Les mesures qui ont le plus divisé sont d’abord l’instauration d’un quotient électoral sur la base du nombre des citoyens inscrits aux listes électorales et la suppression du seuil électoral d’au moins 3% pour l’obtention de sièges.

Contacté par H24Info, Mustapha Sehimi, professeur de droit, politologue et avocat au barreau de Casablanca explique que ce nouveau quotient est «une pratique tout à fait inédite et n’est repris nulle part ailleurs dans le monde, et de ce fait il interroge et interpelle».

La question a d’ailleurs retenu l’attention du juriste étant donné qu’elle «ne figurait ni dans les programmes ni dans les mémorandums des partis, aussi bien de ceux de l’opposition (PPS, Istiqlal, PAM) que de la majorité». «C’est une proposition qui n’a été présentée qu’en juillet dernier par le premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachgar», souligne notre interlocuteur.

Le calcul du quotient électoral, qui sera désormais basé sur le nombre d’inscrits et non sur la base de votes validés comme auparavant, soulèvera de nombreux problèmes, affirme le politologue.

 

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Tout naturellement, ce quotient posera un problème un niveau des chiffres, car comme l’explique Mustapha Sehimi, «les électeurs inscrits forment un corps électoral, mais seulement d’inscrits et ce n’est donc pas ce qu’on entend par un corps électoral de votants». Dans ce sens, ce dernier estime qu’il ne faudrait pas «prendre en compte l’acte d’inscription sur les listes électorales comme un acte pesant sur le sort des urnes».

Plus en détail, Mustapha Sehimi ressort les chiffres des dernières élections. «Nous avons à peu près 25 millions de personnes en âge de voter. Seulement deux tiers d’entre eux se sont inscrits aux listes électorales en 2016, soit à peu près 15,5 millions. 7 millions ne se sont même pas inscrits et sur ceux qui l’ont fait, nous n’avons recensé que 5,8 millions de suffrages exprimés et plus un 1 million de bulletins nuls ou blancs».

Prendre en compte l’inscription uniquement reviendrait à fausser tous les chiffres, avertit le politologue, qui se dit d’ailleurs préoccupé «par cette base électorale qui est extrêmement réduite».

L’enjeu des prochaines élections est justement de pouvoir «animer les citoyens à se voter, mais ce mode de calcul pourrait faire tout le contraire et les décourager», souligne-t-il également.

Dans le même sillage, la suppression du seuil de 3% dans l’attribution de sièges posera elle aussi problème poursuit notre interlocuteur. «Selon les simulations qui ont été faites par les partis et par le département de l’Intérieur, cela va conduire à une certaine addition de voix, mais qui forcément profitera à certains et pénalisera d’autres», explique Mustapha Sehimi.

 

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En effet, le PJD qui avait d’ailleurs voté contre cette loi «pourrait perdre 26 sièges, souligne le politologue, notant qu’il ne sera pas le seul, et que d’autres perdront aux alentours de 8 à 10 sièges, tandis que certains en gagneront et d’autres pourront enfin en avoir». «Il est à ce demandé si cette mesure n’a pas été faite pour avantager certains», s’interroge Mustapha Sehimi.

Selon ce dernier, «cette loi entrainera une surreprésentation politique, surtout des petits partis, et accélérera donc le processus d’atomisation du système de parti». Le possible parcellement de la Chambre des représentants posera également problème dans ce qu’on appelle «la gouvernementabilité, c’est-à-dire, la capacité à mettre sur pied un gouvernement, pouvant s’appuyer sur une majorité forte et solide pour mener des réformes, du prochain cabinet», indique-t-il.

L’une des principales difficultés sera donc de monter une majorité «cohérente et solidaire» étant donné que des dizaines de sièges seront répartis entre les petits partis, conclut le politologue.

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