Le cannabis, entre usage légitime et diabolisation du PJD

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Il y a quelques jours, la Chambre des représentants a approuvé à la majorité un projet de loi visant à légaliser les usages légaux du cannabis. Le vote, qui a eu lieu en séance plénière, a connu l’approbation de tous les partis représentés au Parlement, y compris les partis de la coalition gouvernementale, sauf le Parti de la justice et du développement qui a voté contre le projet de loi.

Par Mohamed Abdelouahab Rafiqui

Avant de discuter les raisons de cette opposition islamique au projet, revenons un peu sur l’histoire du cannabis dans le monde islamique.

La plus ancienne référence dans la littérature islamique à cette plante nous est rapportée par le célèbre médecin Jabir ibn Hayyan (an 815) qui l’a mentionné dans son livre « Les Poisons », sous le nom « d’banj » comme moyen d’anesthésie. Tandis que la première mention du terme « haschich » remonte à Abu Zaraa (an 915), il a mentionné qu’il soulageait les maux de dents en donnant au patient un morceau de haschich à mettre dessus pour le soulager. Ibn Sina (an 1037) à son tour a parlé dans son livre « Al Qanûn » des grands bienfaits de cette plante.

Cependant, l’émergence et l’usage du cannabis au Maroc ont souvent été liés à la religion, notamment à travers les mouvements soufis qui l’invoquaient dans leurs conseils, comme la secte Hadawi d’obédience ismailie chiite, qui s’est installée près du mausolée de Mawla Abd al-Salam bin Mashish dans le Rif occidental au 18ème siècle. Cette secte obligeait ses adeptes à fumer du haschich et à consommer du “maajoun”; une pâte faite d’un mélange de sucre, de semoule, de muscade, de cannelle et de graines de kif moulues.

Cela a donné à la plante de cannabis une valeur religieuse dans la région. En fait, les Hadawa prétendaient que le prophète Mohamed a annoncé au monde la découverte de cette herbe, et ils racontent un hadith qui lui est attribué, où il affirme qu’il ne faudra pas longtemps avant que les musulmans n’apprennent l’existence d’une herbe qui sera une bénédiction pour eux. Il voyaient l’utilisation de cette plante comme facilitatrice du processus de Dikr de Dieu, car ils le considéraient comme une source de bénédiction, et ils croyaient que son fumeur inhale une odeur sacrée.

 

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La culture du cannabis est restée jusqu’au 19ème siècle sous la surveillance et la bénédiction des zawaya religieuses non officielles. Il est à noter que les positions des fqihs n’étaient pas tranchées sur cette plante comme c’était le cas en Orient, mais ils la considéraient déjà moins nocive que l’alcool, car pas aussi enivrante que l’alcool. Ils estimaient que manger du cannabis ne provoque pas la punition du “hadd”, et n’invalide pas la prière et il est permis d’en prendre un peu.

Cette interdiction, même légère, n’a eu aucun effet sur les acteurs religieux dans les zones où le cannabis est cultivé. Les habitants de la région paient encore le « faqih » de la mosquée qui conduit la prière et enseigne à leurs enfants le Coran et les règles de la religion. Cette rémunération se fait à partir du produit du cannabis, ou bien ils allouent une parcelle de terre plantée avec cette herbe, et sa nourriture, boisson et son logement font partie de ces revenus.

En fait, aucun homme de religion ne peut émettre une fatwa l’interdisant, sinon il sera banni et les gens s’abstiendront de prier derrière lui.

Alors pourquoi toute cette vive opposition du PJD? Pourquoi l’ancien chef du parti, Abdelilah Benkirane, a-t-il menacé de démissionner et inciter ses fidèles du parti à s’opposer au projet de loi ? Les ministres de PJD se rendent compte que l’affaire n’est pas liée à l’usage du cannabis malgré leur divergence jurisprudentielle, mais plutôt à son usage légitime et légal, qui vise à améliorer les revenus des agriculteurs, à les protéger des réseaux internationaux de trafic de drogue et de leurs barons. L’autre avantage est de créer des opportunités prometteuses d’emplois et génératrices de revenus, tout en exemptant les poursuites judiciaires en matière de droit des agriculteurs, en plus de limiter tous les effets négatifs de la propagation de l’agriculture illégale, qui représente une menace pour la santé publique.

De plus, j’ai pu relever dans des rapports qui parlent de l’impact du projet sur l’environnement, et de la façon dont le projet protège la zone contre le déracinement et la déforestation, l’épuisement des ressources en sol et en eau et la pollution des eaux souterraines. Pourquoi alors toute cette opposition du parti islamiste ? Lequel est le premier à se soumettre en cas de conflit ? L’intérêt de la communauté et les calculs politiques priment-ils sur l’intérêt du simple citoyen et des gens de la région ?

Les chefs du parti islamiste savent très bien que le projet ne parle pas de la consommation et ne la permet pas du tout, pourtant ils insistent à employer la mauvaise réputation de terme “hachich” dans les esprits des gens pour atteindre des objectifs politiques, alors que les élections approchent et que les indicateurs ne sont pas rassurants. Le moment est venu de rappeler au citoyen que nous sommes les protecteurs de sa religion et les gardiens de son identité, veulent-ils faire savoir.

 

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Mai le plus étrange dans cette affaire, est que le PJD qui s’est opposé au projet, est à la tête du gouvernement qui l’a proposé, et que le secrétaire général du parti qui a rejeté le projet est ce chef du gouvernement qui l’a soumis au Parlement. Quelle absurdité sur la scène politique ! Et quand se terminera le jeu des deux cordes au PJD ? Une équipe qui soutient et une équipe qui manœuvre et s’oppose, une équipe qui incite et une équipe qui négocie, un discours qui satisfait le palais et un discours qui chatouille les émotions des bases… Un jeu que le parti risque de continuer malgré les risques qu’il comporte.

Si le PJD était sincère dans son opposition à la légalisation du cannabis pour des raisons religieuses, et selon ses principes, il aurait été plus approprié pour lui, en tant que parti majoritaire, et qui dispose du bloc le plus important au parlement, de soumettre un projet pour empêcher la fabrication et la vente de l’alcool, car c’est l’un des plus grands péchés religieux, et la cause d’un grand nombre d’accidents de la route et de crimes, mais il ne peut pas le faire. Jamais. Il sait que c’est une question de tourisme aux retombées économiques importantes.

Il ne peut pas déranger les grandes capitales alors qu’il ne trouve rien de mal à priver le simple paysan du bénéfice qui lui revient.

Bien que le parti islamiste soit sur le point d’achever son second mandat, et malgré toutes les crises internes et externes qu’il a connues, il semble qu’il ne fasse toujours pas la différence entre la politique et la prédication, entre la chaire du vendredi et la présidence du gouvernement, entre la patrie et la communauté.

 

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