La chronique d’Abou Fafs. Les Marocains de Syrie: entre préoccupations sécuritaires et approche humanitaire

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Par Mohamed Abdelouahab Rafiqui

Il y a quelques jours, la Commission parlementaire chargée d’étudier la situation des Marocains – principalement des femmes et des enfants- bloquées en Syrie et en Irak a achevé ses travaux sur le sujet. La commission créée en décembre dernier, présidée par Abdellatif Ouahbi, secrétaire général du PAM, a publié son rapport, qui comprenait des témoignages de Marocains de retour de Daech, des responsables de la sécurité et du gouvernement, et des experts marocains et étrangers. Le rapport a fourni une vue d’ensemble sur les combattants marocains au levant, sur leurs épouses et leurs enfants, et sur la souffrance de leurs familles dont ils n’ont plus de nouvelles.

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a présenté dans ce rapport plusieurs données chiffrées et analytiques, soulignant la transformation du phénomène des combattants marocains. Après que par le passé le terroriste était une seule personne qui se déplaçait en secret, nous avons maintenant le combattant et sa famille, parce que le but étant de créer une entité qui contrôlerait la terre et la population. Dans son témoignage, Bourita a également présenté trois défis qui sont toujours soulevés: l’Etat islamique continue de contrôler certaines zones en Syrie et en Irak, ses déplacements vers l’Afrique, la Libye et de nouvelles zones, et l’idéologie extrémiste qui est toujours présente, puis la division des combattants entre plusieurs camps aux frontières syro-irakiennes.

Personnellement, j’apprécie le travail réalisé par la Commission. Il ne fait aucun doute que le dossier est délicat et très complexe. De nombreux pays européens ont refusé de traiter le sujet ou de recevoir leurs citoyens qui combattaient pour Daech, au point que l’ancien président américain Donald Trump a menacé ces pays de libérer leurs citoyens, et qu’ils retournent secrètement dans leurs pays, d’autres pays ont décidé de reprendre les mineurs sans les adultes, alors que d’autres encore ont décidé de retirer la nationalité de ses combattants, tandis que certains traitaient ces cas séparément.

 

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Le nombre de Marocains qui ont rejoint Daech est de 1654 selon les statistiques officielles, 640 d’entre eux étaient accompagnés de leurs familles, certains d’entre eux ont rejoint Daech, d’autres ont rejoint Al-Qaïda et Al-Nusra, tandis que certains d’entre eux ont rejoint d’autres organisations marginales, 740 d’entre eux ont été tués, et 269 d’entre eux sont retournés au Maroc, tandis que 269 d’entre eux sont considérés encore vivants, et 241 d’entre eux sont en état d’arrestation, dont 290 femmes et 628 mineurs.

Ces chiffres peuvent paraître faibles et limités à première vue, mais ils ne le sont pas en invoquant la dimension sécuritaire, et le danger que peuvent représenter ces rapatriés, d’autant plus que ces chiffres sont susceptibles d’augmenter, lorsqu’on leur ajoute quelques binationaux, dont leurs nationalités ont été révoqués par certains pays occidentaux, et ils sont automatiquement devenus des combattants marocains, bien que le Maroc ne soit pas le point de départ.

On ne peut que rappeler ici l’expérience afghane avec un certain nombre de pays voisins, le phénomène des « Arabes afghans » et les organisations armées qui se sont constituées et qui sont revenues des foyers des combats et ont provoqué des troubles dans leur patrie. Il ne faut pas oublier que nous parlons de combattants qui ont pris les armes et ont été entraînés à s’en servir, et ont acquis une expérience de toutes les méthodes de préparation de bombes et d’explosifs, de préparation d’engins explosifs et de voitures piégées, ainsi que des méthodes de polarisation et de recrutement, il n’est pas possible de traiter ce type de personnes de bonne foi, ceux qui ont maîtrisé « Al Taquia » au moment de la faiblesse et de la défaite, ou croire à leurs prétentions de repentir et de recul, d’autant plus que leur retour serait une tentation de nombreuses cellules dormantes à se déplacer et se réactiver

Par conséquent, je pense que l’un des plus grands défis dans ce dossier est de faire la distinction entre ces combattants, ils ne sont pas du même rang, certains d’entre eux portent l’idéologie de Daech et sont depuis le début fanatisés, et certains d’entre ont été trompéset croyaient soutenir le peuple syrien, et ils sont allés en réponse aux fatwas des chouyoukh qui incitent les jeunes à rejoindre ces fronts, dans cette catégorie il y a ceux qui se sont engagés dans des projets terroristes avec enthousiasme, et d’autres qui ont découvert la tromperie à laquelle ils avaient été exposés, et ont essayé par tous les moyens d’échapper et de se sauver, de ceux qui ont été impliqués dans les meurtres et les massacres, et parmi eux certains dont le rôle n’a pas dépassé certaines tâches médiatiques ou de secours. Parmi eux se trouvent ceux qui ont essayé de s’échapper tôt alors que Daech connaîssaie son apogée et sa force, et parmi eux se trouvent ceux qui n’ont déclaré leur repentir qu’après la défaite de Daech, et toutes les routes et solutions leur ont été fermées.

Il n’est pas possible de les traiter tous de la même manière, même les femmes on ne peut pas les mettre au même niveau. Entre celles qui ont rejoint leurs maris sous la contrainte ou la tentation religieuse, et d’autres comme Fatiha Mejjati, qui croit fermement au projet de Daech, dans la mesure où elle a des responsabilités importantes au sein de l’organisation. Pour cela tout le monde ne peut pas être mis dans le même panier, ni tous ces cas peuvent être traités avec la même logique et le même traitement.

Avec toute cette réserve de sécurité nécessaire, et avec toute la confiance dans les grands efforts de sécurité consentis dans la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, dont tous sont témoins à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, la dimension humanitaire ne peut être négligée: beaucoup de ces combattants de Daech ont emporté avec eux leurs femmes et leurs enfants, certains enfants nés là-bas, ont vécu les horreurs et l’enfer de la guerre, dont certains ont reçu une formation militaire à leur jeune âge, dont certains étaient orphelins. Ce dernier groupe a besoin de soins spéciaux, de soins psychologiques et sociaux et de programmes spéciaux de traitement et de réinsertion.

 

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Certains de ces combattants ont été tués et ont laissé leurs femmes avec leurs enfants, et d’autres ont été tués avec leurs femmes et leurs enfants sont restés sans père ni mère, et certains sont morts en laissant une épouse étrangère avec leurs enfants de nationalités différentes, dont la plupart n’ont pas été documentés, et il n’existe aucun document prouvant le mariage ou la mort ou un moyen de le prouver ou de le nier, d’autant que le Maroc n’a pas d’ambassade à Bagdad ou à Damas pour des raisons de sécurité, ce qui a généré des problèmes administratifs complexes, dont souffrent même certaines familles qui sont rentrées et ont tenté de s’intégrer dans la société.

Il n’est pas non plus possible d’ignorer la souffrance des familles de ces combattants et des femmes et des enfants qui les accompagnent, et leur peur pour le sort de leurs enfants dans les camps kurdes, et leur demande de les renvoyer dans leur patrie, quelle que soit la peine de prison qui les attend, car leur présence dans une institution pénitentiaire nationale est plus miséricordieuse pour eux que dans des camps inconnus, personne ne sait ce qu’il s’y passe.

Nous sommes donc devant un dossier complexe et multidimensionnel. Les autorités sécuritaires joueront sans aucun doute leur rôle dans la protection de la société contre le danger que peuvent représenter les rapatriés, mais en même temps, nous avons besoin d’une approche du sujet, qui compris ce qui est légal et humanitaire, ce qui nous permettra de récupérer les enfants et les femmes, de les traiter psychologiquement, de les réintégrer dans la société et d’ouvrir la porte à ceux qui n’ont pas été impliqués dans les meurtres pour s’engager dans le processus de repentance et de réconciliation.

 

 

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