Huile d’olive: une faible production qui pourrait coûter cher aux Marocains

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Une situation alarmante. L’olivier, arbre présent depuis des siècles au Maroc, suffoque. La campagne oléicole n’aura lieu qu’au prochain automne, mais les professionnels s’attendent au pire. Car sans pluies, ces derniers auront du mal à sortir la tête de l’eau et donc à poursuivre la lancée du record enregistré lors de la production de l’an dernier. Eclairage.

L’olivier n’a pas été épargné par la sécheresse. Les pertes se creusent au fil des années, et la culture de l’olive, fruit emblématique du royaume, s’éloigne de plus en plus des espérances des professionnels du secteur. Cultivé surtout traditionnellement jusqu’à ces dernières années, l’olivier fait l’objet maintenant d’un plan de valorisation très ambitieux pour non seulement garder le Maroc à son niveau actuel (2e producteur mondial pour l’olive de conserve et 6e pour l’huile d’olive) mais aussi et surtout pour conquérir de nouveaux marchés au niveau mondial et profiter ainsi de l’engouement que connaît cette huile reconnue pour ses bienfaits.

Une production estimée faible

Si la production oléicole 2021/2022 s’est bien déroulée, celle de 2022/2023 annonce d’ores et déjà la couleur. L’an dernier, la production des olives s’est située à plus de 1,9 million de tonnes, en augmentation de 21% par rapport à la campagne qui l’a précédée, soit environ 1,6 million de tonnes. La même évolution a été observée pour l’huile d’olives dont la production oscillait autour de 137.400 tonnes. De son côté, la production d’olives de table industrielles a été de l’ordre de 130.000 tonnes, soit le même niveau enregistré pendant la campagne d’avant.

«Sans précipitations, il n’y a pas eu beaucoup de floraison et même quand il y en a eu, les coups de Chergui aux mois d’avril et mai ont précipité la chute du fruit et c’est pour ça que nous avons eu une année de production assez faible», explique Rachid Benali, président de l’Interprofession marocaine de l’olive (Interprolive). Bien que cet arbre ne soit pas très assoiffé, il a tout de même besoin d’environ 3.000 m3 d’eau par hectare et par an. Alors qu’il s’agit d’une plante adaptée aux climats chauds et secs, celle-ci a néanmoins besoin d’un minimum de pluie pendant l’hiver et le printemps, ce qui lui a fait défaut cette année.

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En effet, l’olivier, de par ses produits et leurs utilisations séculaires ainsi que ses fonctions multiples de lutte contre l’érosion, de valorisation des terres agricoles et de fixation des populations dans les zones de montagne, constitue la principale production fruitière cultivée au Maroc. « Il s’agit d’un arbre très résistant aux aléas climatiques. Il supporte les fortes chaleurs et le manque d’eau, mais cette année a été marquée par plusieurs phénomènes inédits. Nous avons assisté à une sécheresse exceptionnelle pendant la période cruciale du cycle végétal de l’olivier, ce dernier a un besoin très important en eau pendant l’hiver », souligne notre source.

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Le professionnel ajoute que la chaleur très élevée, accentuée par des rafales de vent, le manque d’eau dans les barrages, ainsi que les prix très élevés des intrants face auxquels les agriculteurs n’ont pratiquement pas utilisé d’engrais azotés, y sont pour beaucoup. « L’arbre a besoin de beaucoup d’eau en période des mois de janvier, février et mars. Ces trois mois sont décisifs pour la quantité de la récolte de l’année», fait savoir Rachid Benali.

Une faible quantité au prix élevé

Qui dit baisse de la production, dit augmentation du prix. « Le prix de l’huile d’olive fait partie des rares prix qui n’ont pas changé même avec la crise post-Covid ou lors de la guerre en Ukraine. C’est un produit qui est resté stable, ses prix aussi le sont restés. Mais cette année, avec le manque de production, son prix s’élèvera certainement », révèle le président d’Interprolive.

Mais si la filière souffre, ce n’est pas uniquement à cause des changements climatiques. D’après le professionnel, l’huile d’olive, de part ce qu’elle apporte au pays ainsi qu’aux consommateurs, est commercialisée dans de mauvaises conditions, à tel point qu’environ 90% du produit est vendus en vrac. «Lorsqu’on vend un produit en vrac, ce dernier peut être mélangé et devient de mauvaise qualité car il n’y a aucune traçabilité et nous ignorons d’où il vient. Le vrac cause un sérieux problème de qualité du produit», exprime Rachid Benali.

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Troisième point important : les Marocains ne consomment pas beaucoup d’huile d’olive. L’ensemble des pays de l’Union européenne représentent 71% de la consommation mondiale. Les pays du pourtour méditerranéen dont le Maroc, représentent dans leur ensemble 77% de la consommation mondiale. Les autres pays consommateurs sont les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et le Japon. «Au Maroc, on consomme entre 3 et 4 litres d’huile d’olive et entre 14 et 15 litres d’huile de table (surtout le soja) par personne, par an. De l’autre côté de la Méditerranée, c’est le phénomène inverse, c’est-à-dire une consommation d’huile d’olive qui dépasse largement celle de l’huile végétale», souligne Rachid Benali.

En effet, en termes de consommation par habitant et par an, la Grèce reste en tête du classement avec un peu plus de 23 litres, suivie par l’Espagne (entre 14 et 15l), l’Italie (entre 12 et 13l) et le Portugal (environ 9 l). Contre 5 l pour chacune de la Tunisie et l’Algérie.

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«On est dépendant à 98 voire 99% des importations en rapport avec l’huile végétale alors que nous disposons de tout ce qu’il faut pour l’huile d’olive qui est nettement meilleure que l’huile de table. Nous sommes un pays méditerranéen et devons être comme tous les pays méditerranéens, c’est-à-dire consommateurs de plus d’huile d’olive. Nous avons toujours dit que c’était cher, et je pense que maintenant ce n’est plus le cas. Car nous pouvons très bien trouver une huile d’olive de bonne qualité à 40 dirhams et une huile végétale de tournesol à 32 ou 33 dirhams», martèle le président d’Interprolive.

Le Maroc, classé 5e

Rappelons qu’avec 70% de la production mondiale, l’Union européenne (UE) reste le premier producteur d’huile d’olive. Espagne est le plus grand producteur d’huile d’olive au monde avec une production de 1.738.600 de tonnes par an. Selon les données de l’International Olive Council, la production mondiale d’huile d’olive 2021-2022 s’est établie à près de 3.098 milliers de tonnes (mt) après 3.010 mt pour le cru 2020-2021 soit, une hausse de l’ordre de +2,9%. Plus de 90% (90,3%) de cette production provient d’une dizaine de pays.

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A elle seule, l’Espagne fournit 42,0% de la production mondiale, suivie de la Grèce, contre 10,2% pour l’Italie et 7,7% pour la Tunisie. Le Maroc est classé 5e après la Tunisie qui a produit quelque 180.000 tonnes l’an dernier. La Tunisie produisait environ 400.000 les années d’avant, soit le double de ce que produit le Maroc.

Ainsi, la production européenne d’huile d’olive devrait atteindre 2,5 millions de tonnes à échéance de 2030, soit une hausse de 22 % par rapport à 2020. Une croissance annuelle de 2,5 à 3 % est prévue dans les principaux pays producteurs (Espagne, Italie, Portugal). «Cette année, nous nous focalisons plus sur l’arbre que sur l’huile et son exportation car la situation est très alarmante. Nous sommes menacés de perdre l’une de nos plus grandes richesses à causes des changements climatiques. Il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard», conclut Rachid Benali.

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