France: ouverture du procès d’Eric Dupond-Moretti, une première sous la Ve République

Publié le
France: ouverture du procès d'Eric Dupond-Moretti, une première sous la Ve République
Le ministre de la Justice français Eric Dupont-Moretti © AFP

A partir de lundi après-midi et pour 10 jours, le ministre de la Justice en exercice, Eric Dupond-Moretti, sera assis sur le banc des prévenus d’un tribunal, accusé de conflits d’intérêts dans le cadre de ses fonctions.

L’audience devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, doit s’ouvrir à 14H00 au palais de justice de Paris.

Eric Dupond-Moretti, « serein » et qui a « hâte » de s’expliquer selon son entourage, devrait avoir la parole pour une déclaration liminaire dès la fin d’après-midi. Son interrogatoire est prévu mardi matin.

L’ex-avocat star, l’une des rares personnalités connues de la macronie, avait continué à être soutenu par le président de la République malgré sa mise en examen.

« En tant que garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti a toute ma confiance », a déclaré lundi la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne sur France Inter, vantant son « excellent travail » et son « droit à la présomption d’innocence ». La Première ministre a précisé qu’elle avait elle-même souhaité qu’il reste à son poste et « puisse à la fois assurer sa défense et qu’on s’organise pour que le ministère de la Justice puisse tourner ».

« Règle claire »

Le temps de l’audience, prévue jusqu’au 16 novembre, il restera ministre comme si de rien n’était, ou presque: des mesures seront prises « afin d’assurer le bon fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l’État », comme des délégations de signature, une absence excusée au Conseil des ministres ou encore son remplacement au banc du gouvernement au Parlement, a précisé une source gouvernementale.

Eric Dupond-Moretti, nommé à la surprise générale en juillet 2020, joue sans doute son avenir en politique. Interrogée début octobre sur la question d’une démission en cas de condamnation, Elisabeth Borne avait répondu qu’il existait une « règle claire », déjà « appliquée » à d’autres ministres, en référence à Alain Griset, qui avait dû quitter le gouvernement.

S’il est reconnu coupable de « prise illégale d’intérêts », le ministre encourt cinq ans d’emprisonnement, 500.000 euros d’amende, ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité et d’interdiction d’exercer une fonction publique.

L’ancien ténor du barreau se dit « innocent » et répète n’avoir fait que suivre « les recommandations » de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat.

Ce dossier inédit débute fin juin 2020, en marge de l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth » visant l’ancien président Nicolas Sarkozy, quand Le Point révèle que le Parquet national financier (PNF) a fait éplucher les factures téléphoniques de plusieurs avocats, dont Eric Dupond-Moretti, pour débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé M. Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute.

Eric Dupond-Moretti, ami très proche de Me Herzog, dénonce une « enquête barbouzarde ». « On a basculé dans la République des juges », s’insurge celui qui est alors l’un des avocats les plus médiatiques du pays, avant de porter plainte.

La garde des Sceaux d’alors, Nicole Belloubet, avait demandé une « inspection de fonctionnement ». Devenu ministre, Eric Dupond-Moretti avait ensuite ordonné une enquête administrative contre deux magistrats et la cheffe du PNF pour déterminer d’éventuelles fautes individuelles.

Castex, Belloubet, Molins

Il avait aussi ouvert, dans une autre affaire, une enquête administrative contre un ex-juge détaché à Monaco dont il avait dénoncé en tant qu’avocat les méthodes de « cow-boy » et contre lequel il avait porté plainte au nom d’un client pour violation du secret de l’instruction.

Pendant l’enquête, Eric Dupond-Moretti, qui a toujours entretenu des relations rugueuses avec les magistrats, a dénoncé une instruction « biaisée » visant à « salir la réputation d’un ancien avocat » et nourrir son procès en « illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux ».

Une vingtaine de témoins se succèderont à la barre au procès, dont l’ancien Premier ministre Jean Castex et Nicole Belloubet.

Seront aussi appelés à témoigner les quatre magistrats visés – et blanchis après leurs procédures disciplinaires -, des syndicalistes à l’origine des plaintes contre le ministre et l’ex-procureur général près la Cour de cassation François Molins.

Régulièrement critiquée pour la clémence de ses jugements, la CJR, juridiction mi-juridique mi-politique, est composée de trois magistrats de la Cour de cassation et de douze parlementaires de tous bords.

La rédaction vous conseille

Les titres du matinNewsletter

Tous les jours

Recevez chaque matin, l'actualité du jour : politique, international, société...

France: ouverture du procès d’Eric Dupond-Moretti, une première sous la Ve République

S'ABONNER
Partager
S'abonner