Espagne: la crise de trop pour le gouvernement Sanchez ?

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Pedro Sanchez
Le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez. © DR.

Le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, a toutes les peines du monde à mettre fin à une énième crise secouant son gouvernement de coalition, qui fait les affaires de la droite à quelques mois des élections.

Sahara marocain, livraisons d’armes à l’Ukraine, loi sur les droits des personnes transgenres: les sujets de discorde n’ont pas manqué au sein de l’exécutif depuis l’entrée il y a trois ans du parti de gauche radicale Podemos, ex-frère ennemi des socialistes.

Mais le dernier en date, autour d’une loi sur les violences sexuelles portée par Podemos, apparaît comme le plus sérieux.

Entré en vigueur en octobre, ce texte, baptisé « seul un oui est un oui », était une promesse phare de la gauche pour répondre à l’indignation provoquée en Espagne par l’affaire de « la Meute », un viol collectif lors des fêtes de Pampelune (nord) en 2016.

Mais la refonte du Code pénal qu’il a entraînée a, paradoxalement, abaissé les peines pour certains types de violences sexuelles, ce qui a eu pour effet pervers de faire sortir de prison près de 40 agresseurs et de réduire les peines de plus de 400 autres, selon les médias.

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En Espagne, les peines sont, en effet, révisées rétroactivement si une modification du Code pénal bénéficie aux condamnés.

Voulant circonscrire une polémique potentiellement dévastatrice dans l’opinion publique, les socialistes ont annoncé fin janvier leur volonté de réformer cette loi. Ils ont ainsi présenté, seuls, lundi, une proposition de loi, faute d’accord avec Podemos, qui les a accusés de vouloir revenir au « Code pénal de la Meute ».

« Absurde »

Le ton de cette formation, héritière du mouvement des Indignés, s’est durci ces dernières semaines contre le parti de Sánchez, qu’elle a accusé de marcher main dans la main avec l’extrême droite pour avoir amendé une loi de protection animale afin d’en exclure les chiens de chasse. Ses députés ont toutefois fini par voter ce texte jeudi.

Pour Cristina Monge, politologue à l’université de Saragosse, « cela tourne mal » entre les deux partenaires et « d’un point de vue rationnel, cette dispute est absurde ».

« Aucun des deux partis de la coalition n’a quelque chose à y gagner », car ils y jouent « leur crédibilité vis-à-vis de l’électorat modéré » et risquent de « démobiliser la gauche », estime-t-elle.

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« L’évolution des sondages depuis le début de cette dispute » montre d’ailleurs « que la gauche recule », abonde Pablo Simón, politologue à l’université Carlos III de Madrid. « Et plus le gouvernement se disputera en public, plus il mettra de temps à mettre fin à cette crise, plus il sera affaibli », estime-t-il.

Mais « nous sommes déjà en campagne » avant les régionales de la fin mai et les législatives de la fin de l’année et « Podemos cherche à se démarquer », mais aussi à affaiblir la position de la ministre du Travail Yolanda Diaz, probable future candidate aux élections nationales, avance Cristina Monge.

Numéro trois du gouvernement, cette membre du Parti communiste veut incarner la gauche de la gauche sans être prisonnière de Podemos.

« Baisser le volume »

Depuis Bruxelles, Pedro Sánchez a écarté dans la nuit de jeudi à vendredi tout risque de « rupture » entre les deux alliés. Un tel scénario « n’est pas sur la table », a-t-il insisté, en assurant que tous les membres du gouvernement avaient sa « confiance ».

Ces querelles sont de plus en plus mal vécues par les autres formations soutenant habituellement l’exécutif au Parlement.

« Il faut baisser le volume », a insisté jeudi Íñigo Errejón, chef du parti de gauche Más País, en appelant le gouvernement à la « responsabilité ».

En tête dans les sondages, l’opposition de droite, en revanche, ne pouvait rêver mieux.

Les dirigeants du Parti Populaire (PP, conservateur) « peuvent rester assis et attendre » les élections, « ils n’ont rien à faire », estime Pablo Simón.

« C’est un cadeau, un ballon d’oxygène pour la droite qui peut se targuer d’être face à un gouvernement incompétent », conclut Mme Monge.

Signe d’un probable excès de confiance des conservateurs, un député PP, José Ignacio Echániz, s’est attiré les foudres de la gauche pour avoir crié mercredi dans l’hémicycle, « Sanchez, tu es mort », avant de préciser sur Twitter « mort politiquement ».

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