Entre la France et le Maroc, des tensions froides s’installent

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le roi Mohammed VI avec Emmanuel Macron. DR.

Les relations entre le Maroc et la France n’ont jamais été aussi glaciales. Allié historique de l’Hexagone, le royaume était l’un des plus grands amis de la France avec lequel elle entretenait un partenariat d’exception. Aujourd’hui, la donne a changé et le Maroc risque de changer de camp.

Tout va mal. Des tensions froides s’installent doucement entre Rabat et Paris. Le Maroc a perdu ses avantages et risque de mal réagir. A lire la presse et les réseaux sociaux marocains, l’impression est lourdement installée qu’une crise grippe la relation entre les deux pays. L’un des vecteurs de cette tension, les visas délivrés drastiquement aux Marocains dans le cadre d’une politique française de sanctions à l’égard de l’ensemble des pays du Maghreb. Et pas seulement.

Une position française ambiguë

«La relation entre le Maroc et la France a pris un tout autre tournant lorsque les Etats-Unis ont reconnu fin 2020, la souveraineté marocaine sur le Sahara. Cette position a été confirmée par le successeur de Trump, Joe Biden, plus précisément par la secrétaire d’État adjointe américaine Wendy Sherman, lors d’une visite de cinq jours au Maroc et en Algérie en mars de cette année», explique Mohamed Chiker, politologue. Pour lui, cette distanciation politique entre le Maroc et l’Hexagone, n’est que le fruit de l’ambiguïté de la position de Paris.

Et sans surprise aucune, l’intégrité territoriale du Maroc et la marocanité du Sahara ne sont pas à négocier. Depuis quelques années, le Maroc a tranché. Il a adopté des positions de plus en plus fermes sur la question nationale. Une nouvelle position qui a pour objectif d’avancer, avec fermeté et transparence surtout, vers le règlement définitif de ce différend autour de la marocanité du Sahara.

Et cette position, le souverain l’a explicitée lors de son discours du 20 août 2022. « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit », a insisté le souverain.

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«S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque», a-t-il poursuivi. Là encore, Mohamed Chiker est presque certain : le roi s’adresse explicitement à la France qui doit réagir avant qu’il ne soit trop tard.

«La France a rétorqué, en accusant d’abord le Maroc d’avoir utilisé le logiciel d’espionnage Pegasus de la firme israélienne NSO», souligne Mohamed Chiker. D’après Le Monde et Radio France, qui ont mené avec d’autres organes de presse à travers le monde une enquête s’appuyant sur des documents fournis par Amnesty International, les services de renseignement marocains auraient notamment ciblé, en 2019, le président français Emmanuel Macron et son Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, en vue d’une surveillance de leurs téléphones en utilisant Pegasus.

Une relation qui bat de l’aile

Rejetant à nouveau « catégoriquement ces allégations mensongères et infondées», Le gouvernement marocain a dit «opter pour une démarche judiciaire, au Maroc et à l’international contre toute partie reprenant à son compte ces allégations fallacieuses». «La France ne s’est pas arrêtée ici. Près de 70% des demandes de visa en provenance du Maroc sont rejetées par les autorités consulaires françaises sans justification claire, attisant à la fois la colère des demandeurs et de la société civile», affirme le politologue.

Selon les données du ministère français de l’Intérieur, environ 69.408 demandes marocaines seulement ont été acceptées en 2021, contre 98.000 en 2020, 346.000 en 2019, 303.000 en 2018 et 295.000 en 2017. «Est-ce un revirement ? Une sanction ? Une pression ou autre ? En tous cas, la France joue une carte qui risque de se retourner contre elle», ajoute notre source.

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Cerise sur le gâteau, Emmanuel Macron s’apprêterait à faire une visite à Alger très prochainement. Une visite qui ne dérange nullement le souverain du Maroc qui souhaite que ses relations avec l’Algérie s’apaisent. « Tout dépend de l’intention de Macron. Ladite visite doit être prise avec des pincettes car elle peut tout faire chambouler et transformer ce froid en une véritable crise diplomatique pouvant virer au cauchemar. Le Maroc attend beaucoup de la France, notamment de rester droite dans ses bottes et d’exprimer une opinion claire », renchérit le politologue.

«La France donne comme l’impression de vouloir aider l’Algérie et d’être dans son rang. Chose que le Maroc n’acceptera plus, en dépit des intérêts de la France. Car le royaume, très déçu de cette dernière, n’acceptera plus les positions ambiguës », dit-il.

Le Maroc se forge de nouvelles amitiés

«L’annonce de ladite visite a coïncidé avec l’interview que l’ambassadeur chinois au Maroc, Li Changlin a accordée aux médias marocains. La ligne du TGV que souhaite construire la Chine au Maroc est un dossier dont la France tente de s’accaparer depuis un moment et qui, risque de lui échapper entre les mains», avance Mohamed Chiker. L’ambassadeur a révélé que Pékin aspirait à construire la deuxième ligne du train à grande vitesse (TGV) « Al-Boraq », qui reliera Casablanca et Agadir. « L’expérience chinoise dans le domaine de l’infrastructure est mondialement reconnue», a-t-il révélé.

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Ainsi, le Maroc n’est plus focalisé sur la France. Ses relations internationales se sont diversifiées, tant au niveau des acteurs qu’à celui des orientations stratégiques de sa politique étrangère. En signant les accords d’Abraham, en réussissant à faire changer de position à l’égard du Sahara le voisin espagnol, il s’éloigne de la France dont le soutien reste très mesuré, de peur de fâcher l’Algérie qui maintient un conflit artificiel au Sahara.

Maintenant que l’Espagne a exprimé un avis ferme et transparent surtout sur la question du Sahara, elle a comme un peu remplacé la France. « C’est une menace pour l’Hexagone, car le Maroc solidifie de plus en plus ses relations avec le pays ibérique et accentue ses échanges commerciaux surtout en termes d’énergie et d’agriculture », conclut Mohamed Chiker.

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