Tourisme: « Nous risquons de perdre des parts de marché pour 2021, 2020 étant déjà compromise! »

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La place Jamae Lefna à Marrakech désertée par les touristes à cause de la pandémie. Crédit: DR.

Face au silence des autorités et du ministère de tutelle, les professionnels du tourisme ont tiré la sonnette d’alarme à travers un communiqué publié lundi par la Confédération nationale du tourisme. Incertitude et manque de visibilité pénalisent un secteur vital pour l’économie marocaine qui risque de perdre des parts de marchés à long terme si le gouvernement ne réagit pas rapidement. Pour H24Info, le directeur du Conseil provincial du tourisme de Ouarzazate, Zoubir Bouhoute, partage ses inquiétudes et réclame une réaction rapide pour limiter la casse. 

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Zoubir Bouhoute, Directeur du Conseil provincial du tourisme de Ouarzazate.

La CNT vient d’alerter sur l’état d’incertitude dans lequel est plongé le secteur. En quoi ce manque de visibilité pénalise-t-il les professionnels du tourisme au Maroc?

Comme, vous le savez le secteur du tourisme connait une concurrence très rude entre les différentes destinations, en période normale les principaux pays émetteurs sont sollicités par toutes les destinations touristiques pour démarcher des flux importants de voyageurs. Avec Le Covid 19, la situation devient plus difficile, d’abord les frontières de la quasi-totalité des pays ont été fermés occasionnant une régression très importante des flux de voyageurs que l’OMT (Organisation mondiale du tourisme, ndlr) estime entre 60% et 80% pour 2020, ensuite chaque pays a entrepris ses propres mesures pour limiter la propagation du virus a son niveau. De ce fait la reprise de l’activité du secteur pour le tourisme international va dépendre notamment de la date d’ouverture des frontières aux voyageurs ainsi que des mesures de précaution entreprises pour sécuriser et rassurer les touristes, ceci est aussi valable pour les déplacements inter-villes des touristes nationaux. Le manque de visibilité en termes de dates d’ouvertures de frontières, de déplacement inter-villes ou des mesures de sécurité sanitaire va pénaliser les professionnels marocains avec une forte probabilité de perte de part de marché des touristes internationaux mais aussi nationaux.

Le Maroc est-il entrain de prendre du retard au moment où la Tunisie et d’autres pays concurrents s’apprêtent à rouvrir leurs frontières aux touristes?

Effectivement, en l’absence d’annonces officielles, je pense que le Maroc accuse un retard par rapport a ses concurrents, d’une part la Tunisie qui a déjà mis en place un protocole sanitaire apportant le maximum de sécurité aux touristes a décidé d’autoriser la circulation et les déplacements entre les régions à partir du 4 juin, ce qui aura un impact dans un premier temps sur le tourisme interne dans l’attente de la réouverture des frontières terrestres, aériennes et maritimes à partir du 27 juin.

Pour sa part la Turquie a annoncé la mise en place du programme « certification pour un tourisme sain ». Il s’agit de certificats qui seront délivrés par des organismes internationaux de certification et qui indiqueront le respect des normes de santé et d’hygiène de tous les professionnels du tourisme (compagnies aériennes, aéroports et toute installation de transport, hébergement et restauration).

De plus, des lettres d’intention indiquant des informations concernant l’infrastructure sanitaire du pays, notamment la capacité des lits dans les hôpitaux publics et privés, les unités de soins intensifs, les ventilateurs disponibles, les ambulances, les avions ambulanciers ont été envoyé à destination d’environ 70 pays à partir du 11 mai 2020.

Le Maroc risque-t-il de perdre des parts de marchés? Et si c’est le cas, ces pertes seront-elles durables?

Je pense que si les responsables marocains n’agissent pas très vite, nous risquons de perdre des parts de marché tant pour le tourisme interne qu’international et cela ne concernera pas seulement 2020, les contrats qui seront signés vont porter sur 2021, donc non seulement l’année 2020 est compromise mais nous allons perdre de l’activité pour 2021 en premier lieu et cela risque de se répercuter sur les années suivantes.

En l’absence d’annonces officielles comme c’est le cas pour la Tunisie ou la Turquie, les TO essaient de contacter directement les professionnels du tourisme Marocains pour connaitre les mesures prises en matière de sécurité sanitaire, en exigeant notamment la mise en place d’un protocole sanitaire proposant aux salariés de prendre leur température à l’entrée de l’établissement, de se laver les mains toutes les 30 minutes, de porter des masques ainsi que la mise en place des distributeurs de gel hydro-alcoolique devant tous les points de contact (réception, ascenseur, etc). Les exigences des TO concernent également les services restaurant avec la réduction du nombre de table pour maintenir les normes de distance et le transport des clients pour qui ils demandent aux conducteurs de porter un équipement de protection tel qu’un masque, des gants ainsi que la désinfection des véhicules du transport à chaque arrivée.

Le tourisme national peut-il sauver la saison actuelle? Quelles stratégies les professionnels du tourisme comptent-t-ils élaborer pour attirer les touristes marocains?

Je pense que le tourisme interne va participer a limiter les dégâts qui ont impacté ce secteur, mais cela dépend toujours de la visibilité concernant le calendrier de levée du confinement, l’autorisation de circulation inter-villes ainsi que des mesures du soutien au profit des opérateurs touristiques et du consommateur marocain. Il est vrai que durant les crises passées depuis 2001, les MRE et les touristes nationaux ont joué un rôle important pour la survie du secteur. Le volume des nuitées des nationaux est passé de 2,27 millions en 2000 à 4,07 millions en 2010 (+1,8 millions de nuitées, +79% de croissance sur toute la période ) alors que les nuitées des Touristes étrangers sont passé de 11,27 millions en 2000 à 13,95 millions en 2010 , (+2,68 millions de nuitées, +24% de croissance sur toute la période). Durant la période 2010-2019, le volume des nuitées des nationaux est passé de 4,07 millions à 7,84 millions (+3,78 millions de nuitées, +82% de croissance sur toute la période ) alors que les nuitées des Touristes étrangers sont passé de 13,95 millions en 2010 à 17,41 millions en 2019 , (+3,46 millions de nuitées, +24% de croissance sur toute la période).

Ceci dit, le Maroc a intérêt a élaborer une stratégie dans laquelle le tourisme interne joue un rôle plus important a l’image des pays de l’OCDE pour qui LE Tourisme Interne représente en moyenne 75% de l’activité du secteur (85% pour l’Allemagne, 83% pour les Etats unis, 81% pour le Royaume Uni).

Comment les hôtels se préparent-ils à recevoir à nouveau des touristes? Ont-ils élaboré des protocoles sanitaires? Le ministère du tourisme participe-t-il à l’élaboration de ces protocoles?

Le protocole sanitaire est du ressort du ministère du Tourisme, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et de la Santé. Les professionnels du Tourisme ont certes une grande idée sur la question en raison des benchmarks qu’ils font par rapport a d’autres destinations, mais ils attendent toujours la mise en place par les pouvoirs publics du protocole ou guide sanitaire qu’ils vont appliquer minutieusement pour assurer le maximum de sécurité a leurs clients, mais ils attendent aussi et surtout les annonces concernant l’autorisation de circulation inter-villes et les dates d’ouvertures des frontières.

 

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