L’ONG Oxfam propose un impôt de solidarité sur la fortune au Maroc

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Une zone bidonvilles à Casablanca. DR

Imposer les plus riches. C’est ce que propose l’ONG Oxfam au Maroc, afin de sortir de l’austérité engendrée par la crise du coronavirus, réduire les inégalités sociales et le poids de la dette. 

Dans sa dernière étude parue le mois dernier et intitulée « Pour une décennie d’espoir et non d’austérité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Vers une reprise juste et inclusive pour lutter contre les inégalités », l’Oxfam avance que « si un impôt de solidarité sur la fortune net avait été adopté à 5%, les revenus générés (sur les données de 2019) auraient pu être suffisants pour presque doubler les dépenses du Maroc pour sa riposte au coronavirus ».

En effet, selon l’ONG internationale, « l’austérité aurait pu être évitée ». « Ce scénario alternatif aurait pu donner aux pays de la région MENA plus de flexibilité sur les politiques de dépenses et voir la région entrer dans la crise du coronavirus avec moins d’inégalités et surtout, moins de dette », ajoute-t-elle.

« Si la Jordanie, le Liban, l’Égypte et le Maroc avaient mis en place des impôts sur la fortune nets de seulement 2% à partir de 2010, cela aurait généré un total d’environ 42 milliards de dollars, soit plus que tous les prêts du FMI à l’Égypte, au Maroc, à la Jordanie et à la Tunisie entre 2012 et 2019 », renchérit le rapport qui énonce qu’un revenu régulier et une couverture sociale sont « des privilèges réservés qu’à quelques-uns ».

Pour pallier ces inégalités, l’Oxfam suggère une « valorisation des richesses excessives générées par les populations les plus riches de la région pendant la pandémie ». Pour rappel, le Moyen-Orient est considéré comme la région la plus inégale au monde, les 1% et les 10% les plus riches de la population contrôlant respectivement 30% et 64% des revenus, tandis que les 50% les plus pauvres de la population n’en contrôlent que 9,4%.

Dans l’ensemble de la région, 37 milliardaires individuels possèdent autant de richesse que la moitié inférieure de l’ensemble de la population adulte. De plus, entre 2010 et 2019, le nombre d’individus à fort revenu net avec des actifs de 5 millions de dollars ou plus en Égypte, en Jordanie, au Liban et au Maroc a augmenté de 24%, et leur richesse combinée a augmenté de 13,27%, passant de 195,5 à 221,5 milliards de dollars, lit-on dans cette étude.

Un système de santé publique insuffisant

Aussi, les régimes de protection sociale qui ont été mis en œuvre depuis la crise du coronavirus n’ont pas été suffisants. Par exemple, les aides en espèces accordées aux chômeurs du secteur informel ont été bien inférieures au salaire minimum. Au Maroc, les allocations de chômage varient entre 800 dirhams (environ 86 dollars EU) et 2.000 dirhams (environ 217 dollars EU) par mois, contre un salaire minimum moyen de 2.700 dirhams (environ 293 dollars EU).

De plus, au cours de la dernière décennie, les ménages de la région ont vu leurs dépenses de santé augmenter, à la fois en termes relatifs et en termes absolus: les dépenses moyennes par habitant sont passées de 87$ en 2011 à 110$ en 2017, et la part des dépenses de santé personnelles à l’intérieur des dépenses totales de santé est passée de 30,8% à 38%. Cette part est beaucoup plus élevée dans des pays comme l’Égypte (60%), l’Irak (58%) et le Maroc (54%).

Cela est largement dû au sous-financement des systèmes de santé publique et à la couverture limitée de la sécurité sociale, qui est liée à l’emploi formel, souligne Oxfam. Et d’affirmer: « Au Maroc, une taxe de 2% sur le patrimoine net aurait permis de lever près de 6,17 milliards de dollars entre 2010 et 2019, soit une somme qui aurait pu être utilisée pour étendre l’assurance maladie obligatoire à 7,5 millions de personnes supplémentaires, doublant ainsi le population couverte ».

Dans la région MENA, les déficits budgétaires devraient atteindre au moins 8,3% du PIB contre 6,7% en 2019, le Liban (15,3%), le Maroc (7,1%) et l’Égypte (7,7%) étant les plus durement touchés.

Une sortie de crise « extrêmement difficile »

Les secteurs les plus à risque à l’échelle mondiale sont ceux qui ont une prévalence de travailleurs informels, y compris le commerce de détail, l’hébergement et les services de restauration, et l’immobilier tels qu’identifiés par l’OIT. Il y aura des impacts disproportionnés sur les deux premiers de ces secteurs dans les pays à revenu intermédiaire de la région MENA, car nombre d’entre eux sont des économies de services qui en dépendent pour l’activité économique et la création d’emplois, alerte le rapport.

Avec des restrictions de voyage mondiales et des personnes qui ont peur de contracter le virus, le tourisme, générateur essentiel d’emplois peu qualifiés, est également menacé dans la région, en particulier au Maroc où il devrait reculer de 25%, alors que le secteur génère dans l’économie du royaume 500.000 emplois directs et 2,5 millions indirects.

Si les gouvernements de la région MENA ont mis en place des plans de relance pour soutenir certains de ces secteurs (subventions, prêts à des conditions avantageuses, soutien salarial), l’Oxfam juge une sortie de crise « extrêmement difficile », en particulier pour les travailleurs informels. Elle prévoit « dans les mois à venir, des milliers de ménages de la classe moyenne inférieure sombrer dans la pauvreté », certains observateurs estimant que ces contractions économiques et pertes d’emplois hisseront la pauvreté dans la région à des niveaux non-observés depuis les années 1990.

Pour l’ONG, la crise du coronavirus est « une opportunité à ne pas manquer » pour « établir à moyen et long termes des réformes fiscales indispensables visant à restaurer la progressivité des systèmes fiscaux de la région et à mettre en place des impôts sur la fortune en retard, et à introduire immédiatement des impôts de solidarité sur les richesses et profits excessifs réalisés pendant la pandémie ».

 

 

 

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