Vidéo. Yassine Belattar: «Ce n’est pas la fin de ma carrière, c’est une parenthèse»

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"C'était très émouvant, l'une des plus belles dates de ma vie", commente Yassine Belattar après son dernier spectacle "En marge", joué mardi 27 septembre au Studio des Arts vivants à Casablanca. Crédits photo : H24Info/Ayoub Ouajib

L’humoriste et chroniqueur franco-marocain Yassine Belattar jouait pour la première fois de sa carrière au Maroc les 27 et 29 septembre derniers. Une étape « émouvante » pour l’artiste engagé que nous avons rencontré entre les deux dates. Projets au Maroc, vision de l’humour, identités, MRE, communauté juive marocaine, affaire Brahim Bouhlel… Yassine Belattar nous dit tout. 

Clivant, connu pour son franc-parler et son humour corrosif, ainsi que ses nombreux débats télévisés, notamment face à Eric Zemmour, Yassine Belattar n’avait encore jamais présenté ses blagues au public marocain. « Cela ne s’est pas présenté, je n’ai jamais été convié à des festivals car j’avais des opinions politiques très prononcées », explique l’artiste que nous rencontrons avant son second stop à Rabat.

C’est désormais chose faite. « C’était très émouvant, l’une des plus belles dates de ma vie. Je savais que j’étais marocain mais je l’avais rarement ressenti », commente-t-il après avoir reçu une standing-ovation pour son dernier spectacle « En marge », joué mardi 27 septembre au Studio des Arts vivants à Casablanca.

Vie en France, en banlieue, vacances au Maroc, twittosphère, manifestation contre l’islamophobie à Paris, ses liens avec Emmanuel Macron, hommage à son ami d’enfance décédé, Karim Saafi, dans le crash du vol d’Ethiopian Airlines en 2019… L’humoriste entraîne habilement le spectateur d’émotion en émotion, l’invitant aussi à réfléchir sur la société actuelle.

« J’ai besoin de raconter par où je suis passé, et il s’avère que des gens dans le public sont aussi passés par là. Ce qui était magnifique dans ma salle, c’est de voir des Français d’origine marocaine, parmi eux certains qui reviennent s’installer au Maroc, des Marocains, etc. », développe Yassine Belattar. Ce dernier égraine plusieurs thématiques liées à son parcours de vie, partagé entre diverses identités et combats, notamment la lutte contre l’islamophobie et le racisme.

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Et s’il est très engagé sur cette question en France, il ne saurait la négliger outre-mer. Interrogé sur la gestion des identités dans les deux pays, l’artiste répond que « ce n’est pas comparable ». Il s’agit de « deux thématiques différentes, les maux se ressemblent, mais l’histoire n’est pas la même », poursuit-il, mentionnant le passé d’immigration de la France depuis les Trente Glorieuses.

« La France se retrouve ainsi avec une multitude d’immigrés que vous pouvez retrouver dans notre équipe nationale de football, et soudainement, au vu des crises économiques successives, décide d’évoquer l’idée qu’une partie des Français dont je fais partie sont responsables de tous les maux du pays: terrorisme, écologie, chômage…« , déplore Yassine Belattar.

Coté Maroc, il évoque l’immigration subsaharienne et les actes racistes que cette communauté peut parfois subir dans le royaume. « Croyez-vous que cela ne m’a pas peiné de voir comment certains Marocains traitaient des Noirs qui étaient aux feux rouges? Quand je parle parfois avec des Sénégalais, Ivoiriens, etc. dans la rue et et que je leur demande comment ça va au Maroc et qu’ils me disent ça va pas… A un moment, j’ai la capacité de vous dire qu’il faut que ca change », s’indigne le Franco-marocain de 40 ans.

Et de préciser: « J’ai pris une position publique en disant qu’il est hors de question que je combatte le racisme en France et que je le laisse passer au Maroc. Et Dieu merci, ça m’a l’air d’être un peu plus calme. « 

« Arrêter l’humour colonial »

Autre sujet abordé avec Yassine Belattar, celui de la limite entre moquerie et blague. « La frontière est très mince entre rire avec et de quelqu’un. (…) C’est là où le talent d’humoriste joue, c’est notre métier. (…) Dans tout sketch, il y a un sous-sketch », éclaircit l’humoriste qui a pour habitude de condamner un certain humour qu’il juge condescendant et « colonial » envers le Maroc.

Il cite en exemple le sketch sur la Royal Air Maroc de Paul Mirabel au Marrakech du Rire de cette année, « devant des Marocains qui ont payé une place très chère et se retrouvent insultés, en plus avec une fierté nationale qui est la RAM, un gros employeur et acteur économique ».

« On ne peut pas se retrouver à cautionner ça. C’est pour ça que j’ai lancé à travers plusieurs interviews l’idée de l’arrêt de l’humour colonial. Quand je vois Franck Dubosc arriver en djellaba, ce n’est pas marrant ça, c’est de l’humour qu’on fait dans les Club Med en se foutant de la gueule de l’autochtone. Ce n’est plus marrant », martèle-t-il.

Autre exemple de blague récurrente qui exaspère l’artiste: l’idée de l’amour excessif des Algériens pour leur drapeau. « Je n’ai pas l’impression que les frangins algériens qui nous regardent acceptent l’idée qu’à chaque fois qu’un humoriste fait un sketch sur eux, c’est pour dire qu’ils aiment le drapeau. Ça y est, on a compris la blague du drapeau algérien. C’est un peuple noble, politisé, qui a une rhétorique », souligne Belattar.

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Dans la foulée, il raconte comment lui aussi a déjà reçu « un bad buzz incroyable au Maroc » à cause d’un accent dans un sketch: « Les Marocains m’ont dit que je n’étais pas obligé de le faire. Pour ce personnage, il est vrai que l’accent était en bonus. Je voulais me faire plaisir, ce qui n’était pas une bonne idée et les Marocains m’ont dit que ce n’était pas très marrant. »

En parlant de mauvaise blague, Yassine Belattar réagit également à l’affaire Brahim Bouhlel qu’il désigne comme une « très grosse sortie de route ». « J’ai pris moi-même position contre leur sortie de route. Dans cette histoire, personne n’est sorti gagnant, ni eux (Brahim Bouhlel, Hedi Bouchenafa et Zbarbooking, ndlr) ni les Français d’origine maghrébine, encore moins les banlieusards. Cela a changé totalement la donne dans l’approche des MRE avec le pays », explique l’humoriste, décrivant un certain laxisme et impunité permise par les accointances. Ce système « ne marche plus ». « Je crois savoir que vous pouvez tout prendre aux Marocains sauf leur dignité ».

« Faire briller la francophonie »

Contrairement à ce qui a pu être compris, Yassine Belattar ne quitte pas définitivement la France, mais décide d’investir davantage son argent dans des projets au Maroc avec pour but commun « de faire briller la francophonie ». Il n’envisage pas de s’engager en politique au Maroc, même pas en ce qui concerne les MRE. « Il y a du talent partout et il ne faut pas être carnivore », justifie-t-il, soulevant que quels que soient ses projets, il s’agit de politique.

Parmi eux, celui « d’industrialiser la culture au Maroc pour en faire un acteur international sur des productions », et un autre, « un rêve », celui de voir la flamme olympique brûler au Maroc. « Mon ambition est de faire postuler le Maroc aux Jeux Olympiques car je pense que nous avons tous les éléments pour être crédibles: des stades, autoroutes, aéroports internationaux, une bonne compagnie aérienne, une jeunesse en termes de main-d’œuvre totalement opérationnelle… »

« La Coupe du Monde n’est pas allée en Afrique du Sud, nous pouvons prétendre au statut de pays hôte aux JO », abonde l’humoriste qui trouve « la symbolique des JO beaucoup plus puissante qu’une coupe du monde, regroupant tous les sports et pouvant permettre de fédérer la sous-région » (Maghreb, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire…).

Concernant sa carrière d’humoriste, Yassine Belattar laisse entendre qu’un retour sur scène pourrait être possible, mais pas tout de suite: « je suis un peu fatigué, c’est une parenthèse, et comme je dis souvent, c’est un au revoir, pas un adieu », conclut-il.

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